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N° 168

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 20 décembre 1996.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 janvier 1997.

PROJET DE LOI

autorisant l'approbation de l 'accord concernant la protection de l'Escaut,

PRÉSENTÉ

au nom de M. ALAIN JUPPÉ,

Premier ministre.

par M. HERVÉ DE CHARETTE,

ministre des affaires étrangères.

(Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Traités et conventions. - Cours d'eau, étangs et lacs. - Escaut.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'accord concernant la protection de l'Escaut a été signé le 26 avril 1994 à Charleville-Mézières par quatre parties : la France, les Pays-Bas, la région Bruxelles-Capitale et la région wallonne. La région flamande, ayant subordonné sa signature à la conclusion d'un accord avec les Pays-Bas sur l'approfondissement du chenal d'accès au port d'Anvers en territoire hollandais et sur le tracé du TGV entre Anvers et Amsterdam, a signé le 17 janvier 1995.

L'accord a un champ d'application géographique étendu : le fleuve, de sa source jusqu'à l'embouchure, le bassin fluvial (tous les cours d'eau se jetant directement ou indirectement dans le fleuve et situés sur les territoires des parties contractantes), les bassins versants (territoires dont les eaux de ruissellement s'écoulent dans le fleuve).

En accord avec l'État fédéral belge et en application de la réforme constitutionnelle de mai 1993, les régions belges ont mis en oeuvre, pour la première fois sur la scène internationale, leur nouvelle capacité de conclure des accords internationaux.

L'accord vise à développer une coopération et une gestion coordonnée des bassins hydrographiques transfrontières. Afin de mettre en oeuvre cette coopération, l'accord institue une commission, chargée d'identifier les sources de pollution, de coordonner les programmes de surveillance et de travail et de servir de cadre pour l'échange d'informations. Le fonctionnement de la commission est assuré par des contributions des Parties. Les décisions sont prises à l'unanimité.

Les mesures adoptées par les commissions devront être fondées sur les principes suivants :

- principe de précaution ;

- principe de prévention ;

- maîtrise et réduction de la pollution à la source ;

- utilisation des meilleures technologies disponibles et des meilleures pratiques environnementales, dans des conditions économiquement acceptables ;

- principe du pollueur-payeur ;

- gestion intégrée du bassin versant ;

- développement durable.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète : Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord concernant la protection de l'Escaut, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord concernant la protection de l'Escaut, fait à Charleville-Mézières le 26 avril 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 3 janvier 1997.

Signé : ALAIN JUPPÉ

Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,

Signé : HERVÉ DE CHARRETTE

ANNEXE

ACCORD

concernant la protection de l'Escaut

Les Gouvernements de la République française, du Royaume des Pays-Bas, de la région de Bruxelles-Capitale, de la région flamande et de la région Wallonne, Parties contractantes au présent Accord sur la protection de l'Escaut ;

Soucieuses d'assurer la qualité de l'Escaut, en s'efforçant de prévenir la pollution ultérieure et d'améliorer son état actuel ; Convaincues de l'urgence de cette tâche : Désireuses de renforcer la coopération existante entre États et régions concernés par la protection et l'utilisation des eaux de l'Escaut et ayant à l'esprit la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, conclue à Helsinki le 17 mars 1992; Considérant la Convention sur la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est conclue à Paris le 22 septembre 1992 ont convenu ce qui suit :

Article 1 er

Définitions

Au terme du présent Accord, il faut entendre par :

a) L'Escaut : l'Escaut, à partir de sa source jusqu'à son embouchure dans la mer, y compris l'Escaut maritime et l'Escaut occidental ;

b) Bassin fluvial de l'Escaut : l'Escaut, ainsi que tous les cours d'eau et canaux se jetant directement ou indirectement dans ce fleuve et situés sur le territoire des Parties contractantes ;

c) Bassin versant de l'Escaut : le territoire dont les eaux de ruissellement s'écoulent dans l'Escaut ou ses affluents ;

d) La commission : la commission internationale pour la protection de l'Escaut contre la pollution.

Article 2

Objet de l'Accord

1. Dans l'esprit de la Convention d'Helsinki sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, les Parties contractantes coopèrent en tenant compte de leurs intérêts communs et des intérêts particuliers de chacune d'entre elles, dans un esprit de bon voisinage, afin de préserver et d'améliorer la qualité de l'Escaut.

2. Pour les besoins de la coopération internationale sur l'Escaut, les Parties contractantes créent une commission internationale pour la protection de l'Escaut contre la pollution.

Article 3

Principes de la coopération

1. Afin d'atteindre l'objet fixé à l'article 2 du présent Accord, les Parties contractantes prennent des mesures portant sur l'ensemble de la partie du bassin versant située sur leur territoire.

2. Dans leur action, les Parties contractantes sont guidées par les principes suivants :

a) Le principe de précaution, en vertu duquel la mise en oeuvre de mesures destinées à éviter que le rejet de substances dangereuses puisse avoir un impact transfrontière significatif, n'est pas différé au motif que la recherche scientifique n'a pas pleinement démontré l'existence d'un lien de causalité entre le rejet de ces substances, d'une part, et un éventuel impact transfrontière significatif, d'autre part :

b) Le principe de prévention, en vertu duquel, en particulier, des technologies propres sont mises en oeuvre, dans des conditions économiques acceptables ;

c) Le principe de maîtrise et de réduction par priorité à la source de la pollution, en vertu duquel les Parties contractantes s'efforcent de mettre en oeuvre les meilleures technologies disponibles et les meilleures pratiques environnementales, dans des conditions économiques acceptables, afin de réduire les rejets ponctuels et diffus de substances dangereuses ;

d) Le principe pollueur-payeur, en vertu duquel les coûts des mesures de prévention, de maîtrise et de réduction de la pollution sont à la charge du pollueur.

3. Les Parties contractantes agissent de manière comparable sur tout le bassin versant, de manière à éviter les distorsions de concurrence.

4. Les Parties contractantes s'efforcent, chacune en ce qui la concerne, de mettre en place par des mesures appropriées une gestion intégrée du bassin versant de l'Escaut.

5. Les Parties contractantes se concertent en vue d'assurer à l'Escaut et à son bassin versant les conditions d'un développement durable.

6 Les Parties contractantes protègent et dans la mesure du possible, améliorent, le cas échéant par des mesures d'aménagement et par l'orientation de l'utilisation du milieu, la qualité de l'écosystème aquatique de l'Escaut.

7. Les dispositions du présent Accord ne portent pas atteinte au droit des Parties contractantes d'adopter et d'appliquer, individuellement ou conjointement, des mesures plus rigoureuses que celles qui seront prises en application du présent Accord.

8. Les dispositions du présent Accord ne portent pas atteinte aux droits et obligations des Parties contractantes découlant d'autres conventions ou accords internationaux antérieurs à l'entrée en vigueur du présent Accord et ayant un rapport avec son objet.

Article 4

Qualité du fond

1. En vue de la protection de l'Escaut et dans le cadre des activités de la commission, les Parties contractantes s'informent de leur politique relative à la gestion des sédiments dans l'Escaut et coordonnent ces politiques en tant que de besoin.

2. Les Parties contractantes limitent dans la mesure du possible le reversement et le déversement dans l'Escaut de boues de dragage polluées, ainsi que leur déplacement vers l'aval.

Article 5

Missions de la commission

Les missions de la commission sont les suivantes :

a) Définir, rassembler et évaluer les données à fournir par les Parties contractantes, chacune pour ce qui concerne son territoire, afin d'identifier les sources de pollution qui ont un impact significatif sur la qualité de l'Escaut ;

b) Coordonner les programmes de surveillance des Parties contractantes relatifs à la qualité de l'eau afin d'aboutir à un réseau de mesures homogène ;

c) Dresser des inventaires et promouvoir l'échange d'informations sur les sources de pollution visées au point a du présent article ;

d) Préparer, en vue de leur mise en oeuvre par les Parties contractantes, chacune pour ce qui la concerne, des objectifs de référence et un programme d'action comprenant notamment des mesures visant tous les types de sources de pollution, ponctuelles ou diffuses, en vue de maintenir et d'améliorer la qualité de l'eau et plus généralement de l'écosystème ;

e) Réaliser à intervalle régulier des évaluations coordonnées de l'efficacité du programme d'action visé au point d du présent article ;

f) Servir de cadre pour l'échange d'informations sur les politiques des Parties contractantes dans le domaine de l'eau ;

g) Servir de cadre pour l'échange d'informations sur les projets soumis à études d'incidences et qui ont un impact transfrontière significatif sur la qualité de l'Escaut, dans le respect des législations en vigueur sur le territoire des Parties contractantes ;

h) Promouvoir la coopération et l'échange d'informations sur les meilleures technologies disponibles ;

i) Encourager la coopération dans le cadre de programmes de recherche scientifique, notamment dans le domaine de la recherche physique, chimique et écologique et de la recherche piscicole ;

j) Servir de cadre pour discuter des actions à mener sur les rivières et canaux transfrontières du bassin fluvial de l'Escaut ;

k) Émettre des avis ou recommandations aux Parties contractantes sur la coopération prévue par le présent Accord ;

l) Organiser la coopération entre les différents réseaux nationaux ou régionaux d'alerte et d'alarme et promouvoir l'échange d'informations en vue de prévenir et de lutter contre les pollutions accidentelles ;

m) Coopérer avec d'autres commissions internationales, qui remplissent des tâches comparables pour des systèmes aquatiques voisins ;

n) Établir annuellement un rapport d'activité qui sera rendu public, ainsi que tout autre rapport qu'elle jugera utile ;

o) Traiter toute autre affaire que les Parties contractantes lui confient d'un commun accord dans les domaines couverts par le présent Accord.

Article 6

Composition et fonctionnement de la commission

1. La commission est composée de délégations des Parties contractantes. Chaque Partie contractante nomme au maximum huit délégués, dont un chef de délégation. Les premières nominations doivent avoir lieu dans les trois mois suivant l'entrée en vigueur du présent Accord. Les délégations peuvent se faire assister lors des réunions par des experts.

2. La présidence de la commission est exercée à tour de rôle par chaque Partie contractante pour une durée de deux ans. La Partie contractante qui exerce la présidence désigne l'un des membres de sa délégation en qualité de président de la commission. Le président n'intervient pas en tant que porte-parole de sa délégation au cours des séances de la commission.

3. La commission se réunit une fois par an sur convocation de son président. Elle se réunit, en outre, à la demande d'au moins deux délégations. La commission peut tenir certaines de ses réunions au niveau ministériel. La commission institue en tant que de besoin des groupes de travail pour l'assister dans ses tâches. La commission adopte un règlement intérieur pour organiser ses activités.

4. Les décisions de la commission sont prises en présence de toutes les délégations des Parties contractantes et à l'unanimité. L'abstention d'une seule délégation ne fait pas obstacle à l'unanimité. Chaque Partie contractante dispose d'une voix.

Au cas où le Gouvernement du Royaume de Belgique adhère ultérieurement au présent Accord, il dispose du droit de vote en ce qui concerne les décisions relatives aux matières qui relèvent de la compétence de l'État fédéral en vertu de la Constitution belge. Dans ce cas, et pour ces décisions, les Gouvernements des régions belges ne disposent pas du droit de vote.

5. Les langues de travail de la commission sont le français et le néerlandais.

6. La commission dispose d'un secrétariat permanent installé à Anvers pour l'assister dans ses tâches.

7. Afin de s'acquitter des missions qui lui sont confiées en vertu du présent Accord, la commission possède la personnalité juridique. Elle jouit, sur le territoire de chacune des Parties contractantes, de la capacité juridique nécessaire à l'accomplissement de ses missions. La commission est représentée par son président.

La commission décide du recrutement et du licenciement du personnel et possède en particulier le pouvoir de passer des contrats dans le cadre de l'exécution de ses tâches,d'acquérir et d'aliéner des biens mobiliers et immobiliers ainsi que d'ester en justice.

Article 7

Observateurs

1. La commission admet en qualité d'observateur et à sa demande :

a) Tout État non Partie au présent Accord dont une partie du territoire est située dans le bassin versant de l'Escaut ;

b) La Communauté européenne.

2. La commission peut admettre en qualité d'observateur toutes Organisations ou commissions intergouvernementales dont les préoccupations sont similaires aux siennes.

3. Les observateurs peuvent participer aux réunions de la commission sans pour autant disposer d'un droit de vote et peuvent transmettre à la commission toute information ou tout rapport relatif à l'objet de l'Accord.

Article 8

Budget de la commission

1. Chaque Partie contractante supporte les coûts de sa représentation dans la commission et dans les groupes de travail.

2. Elle supporte les autres coûts liés aux activités de la commission, y compris celui du secrétariat, conformément à la clé de répartition suivante :

République française : 30 p. 100 ;

Royaume des Pays-Bas : 10 p. 100 ;

Région wallonne : 10 p. 100 ;

Région flamande : 40 p. 100 ;

Région Bruxelles-capitale : 10 p. 100.

La commission peut, en cas d'adhésion ultérieure, de retrait d'une Partie contractante ou d'activités jugées par elle spécifiques, arrêter une clé de répartition différente.

Article 9

Entrée en vigueur

1. Chaque Partie signataire notifiera au Gouvernent République française, désigné comme le dépositaire du présent Accord, l'exécution des procédures internes requises en ce qui la concerne pour l'entrée en vigueur du présent Accord.

2. Le dépositaire confirmera immédiatement la date de réception des notifications et informera les autres Parties signataires. L'Accord entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la réception de la dernière notification.

Article 10

Adhésion ultérieure

1. Le présent Accord est ouvert à l'adhésion de tout État visé à l'article 7, paragraphe 1 (a).

2. Les instruments d'adhésion seront déposés auprès du dépositaire, qui confirmera immédiatement la date de réception des notifications et informera les autres Parties contractantes.

3. Le présent Accord entrera en vigueur à l'égard de tout État visé au paragraphe 1 du présent article le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt de son instrument d'adhésion.

Article 11

Dénonciation

A l'expiration d'un délai de trois ans après son entrée en vigueur, le présent Accord pourra être dénoncé à tout moment avec un préavis de six mois par chaque Partie contractante par une déclaration adressée au dépositaire.

Article 12

Textes faisant foi

Le présent Accord, rédigé en un exemplaire, en langues française et néerlandaise, les deux textes faisant également foi. sera déposé dans les archives du dépositaire qui en remettra une copie certifiée conforme à chacune des Parties signataires.

Fait à Charleville-Mézières, le 26 avril 1994.

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