Protection et conservation des documents de l'Etat
N°
167
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 décembre 2000
PROPOSITION DE LOI
relative au
protection
et à la
conservation
des
documents de l'Etat
,
PRÉSENTÉE
par Mmes Hélène LUC, Odette TERRADE, M. Jean-Yves AUTEXIER,
Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle
BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Robert BRET, Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD,
Gérard LE CAM, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Roland MUZEAU, Jack
RALITE et Ivan RENAR,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Archives |
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Notre
patrimoine culturel écrit est gravement menacé.
Dans les bibliothèques françaises, des centaines de milliers de
livres, de périodiques, d'estampes, de manuscrits divers, de partitions
musicales se dégradent progressivement à cause de l'acidification
du papier utilisé.
Jusqu'au XIX
e
siècle, le papier était exclusivement
fabriqué à partir de chiffons qui lui procuraient une bonne
résistance au vieillissement naturel. A partir de la seconde
moitié du XIX
e
siècle, l'accès à la
culture s'élargissant, le développement des publications a
provoqué une demande accrue de papier élaboré à
partir d'autres matières.
C'est ainsi qu'avec les progrès de la chimie, le bois est devenu la
principale matière première utilisée pour fabriquer du
papier. Les fibres cellulaires du bois sont moins résistantes que celles
du coton et entraînent un jaunissement du papier qui devient cassant, se
désagrège et tombe en poussière. C'est cette acidification
qui met en péril environ 25 millions de volumes imprimés, soit
à peu près le quart de notre patrimoine écrit.
Certes, il est possible aujourd'hui d'appliquer aux ouvrages
dégradés par l'acidification un traitement qui n'oblige pas
à dérelier les livres. Mais ce traitement est insuffisant pour
enrayer radicalement ce phénomène naturel. La
désacidification a pour but de neutraliser les acides qui
détruisent le papier et, en complément, les recherches actuelles
sont orientées vers les techniques de renforcement mécanique.
Plusieurs installations de traitement existent en France et dans le monde, mais
leurs capacités restent insuffisantes au regard des besoins. Ainsi,
certains procédés concernant la seule désacidification
(c'est le cas en France dans le centre de Sablé-sur-Sarthe et de la
Bibliothèque nationale), d'autres comme la British Library en
Grande-Bretagne, utilisent désacidification et renforcement des ouvrages.
Il est pourtant indispensable, pour la protection future du patrimoine, non
seulement de guérir mais de prévenir. L'urgence nous invite
à cesser d'imprimer sur papier acide condamné à
l'autodestruction.
Une solution existe : l'utilisation du « papier
permanent », seul capable de résister au vieillissement et de
garantir la pérennité des oeuvres et des documents. Le
« papier permanent » est commercialisé depuis
maintenant près de vingt ans, tant en France qu'à
l'étranger, par des industriels qui savent fabriquer un papier
répondant aux exigences des normes internationales et qui offre les
meilleures chances de durée de vie.
Mais du fait d'une faible demande, il est très peu utilisé en
France. A l'instar de pays comme les Etats-Unis, qui ont adopté des lois
ou des réglementations faisant obligation d'utiliser du
« papier permanent » pour l'impression des documents
officiels, une telle disposition permettrait d'éviter la disparition
d'une partie considérable de notre patrimoine culturel.
C'est la raison pour laquelle, sous le bénéfice de ces
observations, nous vous demandons d'adopter la proposition de loi suivante.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
L'article 4 de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les
archives est complété par l'alinéa suivant :
« Les documents d'Etat qui doivent être conservés sont
imprimés sur papier permanent. »
Article 2
Les charges supplémentaires pour le budget de l'Etat qui résultent de l'application de la présente loi sont compensées par une majoration, à due concurrence, des droits de consommation sur le tabac prévus aux articles 575 et 575A du Code général des impôts.