Création de délégations parlementaires aux institutions internationales
N°
212
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 18 mars 2003
PROPOSITION DE LOI
tendant à la
création
de
délégations parlementaires
aux
institutions
internationales
,
PRÉSENTÉE
Par MM. Claude SAUNIER, Bernard ANGELS, Jean-Pierre BEL, Mmes Maryse BERGÉ-LAVIGNE, Marie-Christine BLANDIN, Yolande BOYER, Claire-Lise CAMPION, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Gilbert CHABROUX, Michel CHARASSE, Roland COURTEAU, Marcel DEBARGE, Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Mme Josette DURRIEU, MM. Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Pierre GODEFROY, Mme Odette HERVIAUX, MM. Alain JOURNET, Serge LAGAUCHE, Roger LAGORSSE, Claude LISE, Louis LE PENSEC, Jean-Yves MANO, François MARC, Jean-Pierre MASSERET, Louis MERMAZ, Jean-Marc PASTOR, Jean-François PICHERAL, Jean-Pierre PLANCADE, Mme Danièle POURTAUD, MM. Daniel RAOUL, Daniel REINER, Gérard ROUJAS, André ROUVIÈRE, Mme Michèle SAN VICENTE, MM. Jean-Pierre SUEUR, Jean-Marc TODESCHINI, Pierre-Yvon TRÉMEL, André VANTOMME, André VÉZINHET, Marcel VIDAL, Henri WEBER et les membres du groupe socialiste (1),
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
(1) Ce groupe est composé de : Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Henri d'Attilio, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Gérard Collomb, Raymond Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Yves Krattinger, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, André Lejeune, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Jean-Yves Mano, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Roger Rinchet, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente, MM. Claude Saunier, Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vezinhet, Marcel Vidal, Henri Weber
Parlement . |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La « mondialisation » est aujourd'hui un fait que nul ne
peut négliger. Evidente dans le domaine économique et financier,
avec la montée en puissance d'organisations telles que la Banque
mondiale, le Fonds monétaire international ou l'Organisation mondiale du
commerce, avec aussi la part croissante de l'international dans
l'activité des entreprises françaises, elle est également,
désormais, très sensible dans le domaine politique où
interviennent, de façon de plus en plus nette, le G8 ou l'Organisation
des Nations Unies (ONU).
De fait, l'enjeu de la mondialisation dépasse, de loin, les simples
questions commerciales. En effet, la nouveauté des années 90
est que l'on est passé progressivement d'un système
« inter-national », où chaque Etat demeure
maître de son destin et de ses relations avec le reste du monde, à
un système mondial où certaines valeurs, modes d'organisation et
intérêts particuliers tendent à s'imposer à tous les
Etats sans qu'ils puissent, pour l'instant, s'y opposer efficacement.
De plus en plus, les décisions, les actions du quotidien ne
relèvent plus seulement des choix des citoyens encadrés et
protégés par leurs Etats. Ils sont aussi, pour une part,
déterminés par des actions ou des évolutions dont
l'échelle est bien mondiale.
L'internationalisation exigeait que chaque Etat se dote des moyens propres
à assurer l'efficacité de ses relations avec les autres
Etats : une diplomatie active, le cas échéant relayée
au sein d'organisations spécialisées, une défense
conséquente, une économie apte à conquérir les
marchés d'exportation. La mondialisation requiert que les Etats
maîtrisent ou, du moins, contrôlent un processus de décision
qui les dépasse.
Les parlements ne peuvent se désintéresser de cet enjeu qui n'est
autre que celui de la démocratie et du pouvoir des citoyens. Or, ils ne
sont pas encore, loin s'en faut, des acteurs déterminants de la
mondialisation. Le processus de décision et d'influence y est
fréquemment concentré entre les mains d'exécutifs
livrés à eux-mêmes, des organisations internationales et de
leurs administrations, voire des organisations non gouvernementales (ONG) qui,
pour être utiles, ne sauraient assurer, à elles seules, la
représentation des citoyens.
En France, les deux assemblées ont pris certes conscience de ce
problème, mais sans aller jusqu'au terme de leur réflexion.
L'Assemblée nationale a envisagé, sans aboutir, de créer
une délégation ou un office parlementaire chargé des
organisations internationales sur la base notamment des rapports d'Yves
Tavernier (n° 3478, 11
e
législature)
(1(
*
))
et de Béatrice Marre (n° 3351,
11
e
législature)
(2(
*
))
.
Au Sénat, un groupe de travail chargé du suivi des
négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC),
commun à la commission des Affaires économiques et à la
délégation pour l'Union européenne, a été
créé.
Cependant, l'importance de la mondialisation pour notre République
justifie aujourd'hui une initiative de plus grande ampleur.
Le contrôle des institutions internationales exige en effet des moyens
pour être réel et efficace. Ces moyens, seule une structure
parlementaire permanente, reconnue par la loi, représentative du
Parlement, disposant de sources d'information garanties, peut en disposer.
La formule des offices parlementaires n'ayant pas donné toute sa mesure,
si l'on excepte l'Office des choix scientifiques et technologiques, il semble
préférable de lui préférer celle des
délégations parlementaires propres à chaque
assemblée.
Elles pourraient se voir confier quatre missions :
• Informer les assemblées sur les activités des institutions
internationales dont la France est membre
(3(
*
))
,
ainsi que sur le déroulement des négociations relatives aux
traités et accords multilatéraux ;
• Suivre la politique du Gouvernement français à
l'égard de ces institutions ;
• Assister, en tant que de besoin, les représentants des
assemblées françaises au sein de ces institutions.
Ces délégations ne se substitueraient pas aux commissions
compétentes ni aux délégations pour l'Union
européenne qui seraient d'ailleurs représentées en leur
sein. Au contraire, elles permettraient une approche complémentaire et
coordonnée de questions nécessairement transversales.
Au fond, de la même façon que le Parlement s'est saisi avec
succès des questions européennes à partir de 1990, il doit
aujourd'hui se saisir des questions liées à l'émergence
d'une nouveau système de décision à l'échelle
mondiale.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
ANNEXE
Liste - non exhaustive - des organisations internationales dont la France
est membre
_______
LISTE
DES ORGANISATIONS ONUSIENNES DONT LA FRANCE EST MEMBRE :
Organisation des Nations Unies (ONU)
Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
(CNUCED)
Fonds des Nations Unies pour les Populations (FNUAP)
Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR)
Programme alimentaire mondial (PAM)
Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)
Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE)
Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF)
Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les
Réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA)
Agence internationale de l'Énergie atomique (AIEA)
Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD)
Association internationale pour le Développement (AID)
Centre international de règlement des différends relatifs aux
investissements (CIRDI)
Société financière internationale (SFI)
Agence multilatérale de garantie des Investissements (MIGA)
Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture (OAA)
Fonds international de Développement agricole (FIDA)
Organisation de l'Aviation civile internationale (OACI)
Organisation internationale du Travail (OIT)
Organisation maritime internationale (OMI)
Organisation météorologique mondiale (OMM)
Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle (OMPI)
Organisation mondiale de la Santé (OMS)
Organisation des Nations Unies pour le Développement industriel (ONUDI)
Union internationale des Télécommunications (UIT)
Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la
culture (UNESCO)
4(
*
)
Union Postale Universelle (UPU)
Organisation mondiale du Commerce (OMC)
Organisation de Coopération et de Développement économique
(OECD)
5(
*
)
Organisation mondiale du Tourisme (OMT)
Organisation mondiale des Douanes (OMD)
Fonds Monétaire International (FMI)
Banque Mondiale
6(
*
)
ORGANISATIONS INTERNATIONALES PROFESSIONNELLES ET SPÉCIALISÉES
DONT LA FRANCE EST MEMBRE :
Seules les organisations internationales spécialisées, dont le
siège se trouve en France, figurent dans cette liste, en raison de leur
multiplicité :
Bureau international des Expositions (BIE)
Bureau international des Poids et Mesures (BIPM)
Commission internationale de l'État Civil (CIEC)
Commission internationale des Industries agricoles et alimentaires
Commission séricicole internationale
Réseau international de la Banane
Institut international du Froid
Office international des Épizooties
Organisation internationale de Métrologie légale
Office international de la Vigne et du Vin
ORGANISATIONS INTERNATIONALES CULTURELLES SPÉCIALISÉES DONT LA
FRANCE EST MEMBRE :
Organisation internationale de la Francophonie
Agence intergouvernementale de la Francophonie
Union latine
ORGANISATIONS INTERNATIONALES CONTINENTALES SPÉCIALISÉES DONT LA
FRANCE EST MEMBRE :
Agence Spatiale Européenne
Laboratoire européen de physique des particules (CERN)
Club de Londres (Nuclear Suppliers'Group - NSG)
Club de Paris
Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement
(BERD)
Commission centrale pour la navigation du Rhin
Conférence européenne des ministres des transports
Centre international des études agronomiques européennes
Organisation européenne de télécommunication par satellite
Organisation européenne et méditerranéenne pour la
protection des plantes
Union européenne (UE)
7(
*
)
Union européenne de l'Ouest (UEO) *
Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) *
Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe
(OSCE) *
Conseil de l'Europe *
Forum Europe-Asie (ASEM) *
Communauté du Pacifique (CPS)
Forum du Pacifique Sud
RÉSEAUX ET ORGANISATIONS STRICTEMENT PARLEMENTAIRES DONT LA FRANCE EST
MEMBRE :
Assemblée parlementaire de la Francophonie
Conférence transatlantique interparlementaire sur le contrôle des
drogues
Union interparlementaire
Assemblée paritaire des Pays d'Afrique, des Caraïbes, du Pacifique
et de l'Union européenne
Association des parlementaires européens pour l'Afrique australe
Conférence Europe-Méditerranée
Association parlementaire pour la coopération euro-arabe
Commission permanente des parlementaires de la région arctique
Assemblée parlementaire pour la coopération euro-arabe
Forum parlementaire Euro-Méditerranée
NB : l'approche qui consiste à dresser la liste des
organisations internationales qui bénéficient, en loi de
finances, des crédits du ministère des Affaires
étrangères ne permet pas de définir avec précision
si la France est, ou non, membre de l'organisation bénéficiaire.
En effet, certaines organisations, comme le Comité international
olympique, bénéficient d'une contribution nationale, alors que la
France, en tant qu'État, n'en est pas membre.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Il est
inséré, après l'article 6
septies
de l'ordonnance
n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des
assemblées parlementaires, un article 6
octies
ainsi
rédigé :
« Article 6
octies
: I. - Il est constitué, dans
chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation
parlementaire aux institutions internationales.
« II. - Chacune de ces délégations compte vingt-et-un
membres désignés en leur sein par chacune des deux
assemblées de manière à assurer une représentation
proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des
commissions permanentes.
« La délégation de l'Assemblée nationale est
désignée au début de la législature pour la
durée de celle-ci.
« La délégation du Sénat est
désignée après chaque renouvellement partiel de cette
assemblée.
« III. - Sans préjudice des compétences des commissions
permanentes ou spéciales ni de celles des délégations pour
l'Union européenne, les délégations parlementaires aux
institutions internationales ont pour mission :
« - d'informer les assemblées sur les activités des
institutions internationales dont la France est membre, ainsi que sur le
déroulement des négociations relatives aux traités et
accords multilatéraux ;
« - de suivre la mise en oeuvre de ces accords et
traités ;
« - de suivre la politique du Gouvernement français à
l'égard de ces institutions ;
« - d'assister, en tant que de besoin, les représentants des
assemblées françaises au sein de ces institutions.
« IV. - Les délégations parlementaires aux institutions
internationales peuvent être saisies sur des projets ou propositions de
loi :
« - par le Bureau de l'une ou l'autre des assemblées, soit
à son initiative, soit à la demande d'un président de
groupe,
« - par une commission permanente ou spéciale, à son
initiative ou sur demande de la délégation.
« Enfin, les délégations peuvent être saisies par
la délégation pour l'Union européenne sur les textes
soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la
Constitution.
« V. - Les délégations peuvent demander à
entendre les ministres ainsi que des représentants des institutions
internationales. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les
documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.
« VI. - Elles établissent, sur les questions dont elles sont
saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont
déposés sur le bureau de l'assemblée dont elles
relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes,
ainsi qu'aux délégations pour l'Union européenne. Ces
rapports sont rendus publics.
« Elles établissent, chaque année, un rapport public
dressant le bilan de leur activité.
« VII. - Chaque délégation organise la publicité
de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de
chaque assemblée.
« La délégation du Sénat et celle de
l'Assemblée nationale peuvent décider de tenir des
réunions conjointes.
« VIII. - Les délégations établissent leur
règlement intérieur. »
1
Rapport sur les activités et le contrôle
du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale
2
Rapport sur la dimension parlementaire des négociations
commerciales multilatérales
3
Cf. liste, non exhaustive, de ces organisations en annexe.
4
Le Fonds International pour la promotion de la Culture (FIPC) est
un organisme indépendant émanant de l'UNESCO.
5
L'Agence internationale de l'Énergie est un organisme
autonome de l'OCDE.
6
La Banque mondiale doit être distinguée de la Banque
des Règlements internationaux, organisation internationale qui lui est
antérieure (1930) et dont la France est également membre.
7
Les organisations sus désignées, dont le nom est
suivi d'un astérisque, possèdent une structure interparlementaire
dont la France est également membre.