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N° 362
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 28 mai 2008 |
PROPOSITION DE LOI
visant à sanctionner la vente d' objets liés au nazisme ou à d'autres auteurs de crimes contre l' humanité ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Jacques LEGENDRE, Gérard BAILLY, Bernard BARRAUX, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Pierre BERNARD-REYMOND, Roger BESSE, Jean BIZET, Mme Brigitte BOUT, MM. Louis de BROISSIA, Christian CAMBON, Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLÉACH, Christian COINTAT, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Robert del PICCHIA, Mme Béatrice DESCAMPS, MM. Éric DOLIGÉ, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, Louis DUVERNOIS, Michel ESNEU, Jean-Claude ETIENNE, Jean FAURE, André FERRAND, Yann GAILLARD, Mmes Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Gisèle GAUTIER, MM. Alain GÉRARD, Charles GINÉSY, Paul GIROD, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Francis GRIGNON, Michel GUERRY, Hubert HAENEL, Mme Françoise HENNERON, M. Michel HOUEL, Mme Christiane HUMMEL, M. Benoît HURÉ, Mme Christiane KAMMERMANN, M. Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Robert LAUFOAULU, Jean-François LE GRAND, Philippe LEROY, Philippe MARINI, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Charles REVET, Philippe RICHERT, Bernard SAUGEY, Bruno SIDO, Louis SOUVET, Yannick TEXIER, François TRUCY et Alain VASSELLE,
Sénateurs
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les atrocités commises par les nazis nous imposent un devoir de mémoire qui doit s'accompagner d'une grande vigilance à l'égard de toute tentative de réhabilitation, de célébration, ou tout simplement de banalisation des crimes qui ont été commis, et de l'organisation qui les a planifiés.
La vente d'objets nazis constitue une des formes insidieuses que peuvent prendre ces tentatives. Aussi convient-il de réaffirmer clairement, par une disposition pénale dépourvue d'ambiguïté, que ce type de transaction ne saurait être acceptable d'aucune façon sur le territoire de la République française, quelque forme qu'elle prenne.
Certes, deux séries de dispositions peuvent, en l'état actuel du droit, être utilisées pour sanctionner ce type de pratiques :
- l'article R. 645-1 du code pénal punit de l'amende prévue pour les contraventions de la 5 ème classe - 1 500 euros au plus, c'est-à-dire l'amende la plus élevée en matière de contraventions - le fait de porter ou d'exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant ceux que portaient, notamment, les nazis ;
- l'article 24, cinquième alinéa, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui auront fait l'apologie des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité par différents moyens, et notamment par des écrits, imprimés, dessins, gravures, emblèmes vendus, ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics.
Dans une décision très commentée, la Cour d'appel de Paris a confirmé, le 6 avril 2005, que ces deux incriminations pouvaient être retenues à l'encontre de la société Yahoo, à la suite de la vente aux enchères par un particulier, sur le site « yahoo.com », d'objets nazis.
Toutefois, ces deux dispositions pénales ne permettent de sanctionner qu'indirectement, et sous certaines conditions, la vente d'objets nazis.
On relèvera en effet que ce que sanctionne l'article R. 645-1 du code pénal, ce n'est pas la vente même d'objets nazis, mais leur exhibition qui en constitue une sorte de préalable. On peut se demander, dans ces conditions, si un trafic d'objets nazis qui respecterait un minimum de discrétion ne pourrait échapper à cette incrimination.
Quant au délit d'apologie de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, il ne peut s'appliquer à la vente d'objets nazis que si ceux-ci sont présentés sous un jour susceptible d'être considéré comme favorable à l'idéologie nazie.
Outre le risque que certaines ventes puissent échapper à toutes poursuites, ces deux dispositions présentent en outre l'inconvénient, du fait qu'elles ne les sanctionnent qu'indirectement, de semer le doute chez les justiciables, voire chez les personnels de police ou de gendarmerie appelés à venir les constater.
Pour toutes ces raisons, il paraît utile de compléter le dispositif actuel par une troisième disposition sanctionnant directement et explicitement la vente d'objets nazis, et plus généralement la vente d'objets liés à des personnes ou des organisations reconnues coupables de crimes contre l'humanité.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
Son article unique insère dans le chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal une section 5 intitulée « De la commercialisation d'uniformes, insignes, ou emblèmes rappelant ceux d'organismes ou de personnes responsables de crimes contre l'humanité », comportant trois articles.
L'article 431-22 érige en délit et sanctionne d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de proposer à la vente un uniforme, un insigne ou un emblème lié au nazisme ou à d'autres auteurs de crimes contre l'humanité.
Il propose de doubler ces peines lorsque ces faits sont commis par un procédé de communication au public par voie électronique.
Comme le dispositif de l'actuel article R. 645-1 du code pénal, la proposition de loi prend le soin de préciser que le délit n'est pas constitué si la vente est opérée pour les besoins d'un film, d'un spectacle ou d'une exposition comportant une évocation historique.
Il définit les objets concernés par référence au traité instituant le Tribunal de Nuremberg et aux dispositions législatives nationales définissant le génocide et les autres crimes contre l'humanité.
L'article 431-23 définit les peines complémentaires encourues par les personnes physiques responsables de ces délits.
L'article 431-24 précise les peines encourues par les personnes morales qui se rendraient coupables de ces délits.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le chapitre I er du titre III du livre IV du code pénal est complété par une section ainsi rédigée :
« Section 5
« De la commercialisation d'uniformes, insignes ou emblèmes rappelant ceux d'organisations ou de personnes responsables de crimes contre l'humanité
« Art. 431-22. - Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de proposer ou de procéder à la vente d'un uniforme, d'un insigne ou d'un emblème rappelant les uniformes, les insignes ou les emblèmes qui ont été portés ou exhibés soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, soit par une personne reconnue coupable par une juridiction française ou internationale d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité prévus par les articles 211-1 à 212-3 ou mentionnés par la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964.
« Lorsque les faits ont été commis grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communications électroniques, les peines sont portées à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque les faits sont commis pour les besoins d'un film, d'un spectacle ou d'une exposition comportant une évocation historique.
« Art. 431-23. - Les personnes physiques coupables de la contravention prévue au précédent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
« 2° La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
« 4° Le travail d'intérêt général pour une durée de quarante à deux cent dix heures.
« Art. 431-24. - Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des délits prévus par la présente section, encourent les peines suivantes :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-41 ;
« 2° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit. »