Ingérences étrangères en France (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 479

                  

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mars 2024

PROPOSITION DE LOI

ADOPTÉE PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE

APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,


visant à prévenir les ingérences étrangères en France,


TRANSMISE PAR

MME LA PRÉSIDENTE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À

M. LE PRÉSIDENT DU SÉNAT



(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)


L’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi dont la teneur suit :

                                                                                                                                             

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16e législature) : 2150, 2343 et T.A. 269.






Proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France


Article 1er

I. – La loi  2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifiée :

1° Après la section 3 bis du chapitre Ier, est insérée une section 3 ter ainsi rédigée :

« Section 3 ter

« Transparence des activités d’influence réalisées pour le compte d’un mandant étranger

« Art. 18-11. – Un répertoire numérique assure l’information des citoyens sur l’action des représentants d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger.

« Ce répertoire est rendu public par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cette publication s’effectue dans un format ouvert librement utilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, dans les conditions prévues au titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration.

« Ce répertoire fait état, pour chaque représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger, des informations communiquées en application de l’article 18-3 de la présente loi. Il est commun à la Haute Autorité, à l’Assemblée nationale et au Sénat.

« Art. 18-12. – (Supprimé)

« Art. 18-12-1 (nouveau). – I. – Sont des représentants d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger, au sens de la présente section, les personnes physiques ou morales exerçant, sur l’ordre, à la demande ou sous la direction ou le contrôle d’un mandant étranger mentionné au II et aux fins de promouvoir ses intérêts, une ou plusieurs des activités suivantes :



« 1° Influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire, en entrant en communication avec une ou plusieurs personnes mentionnées aux 1° à 7° de l’article 18-2, à l’initiative de ces personnes ou de sa propre initiative ;



« 2° Réaliser toute action de communication à destination du public ;



« 3° Collecter des fonds ou procéder au versement de fonds sans contrepartie.



« Sont également des représentants d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger les personnes mentionnées aux 2° et 3° du II du présent article qui exercent une ou plusieurs des activités mentionnées aux 1° à 3° du présent I aux fins de promouvoir leurs intérêts ou ceux d’une puissance étrangère mentionnée au 1° du II.



« II. – Sont des mandants étrangers, au sens de la présente section :



« 1° Les puissances étrangères, à l’exclusion des États membres de l’Union européenne ;



« 2° Les personnes morales qui sont directement ou indirectement dirigées ou contrôlées par une puissance étrangère mentionnée au 1° du présent II ou dont les ressources sont financées pour plus de la moitié par une telle puissance étrangère ;



« 3° Les partis et les groupements politiques étrangers.



« III. – Ne sont pas des représentants d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger, au sens de la présente section, les membres du personnel diplomatique et consulaire en poste en France dûment habilités ainsi que les membres et les agents d’un État étranger.



« Art. 18-13. – I. – Tout représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, par l’intermédiaire d’un téléservice, les informations suivantes :



« 1° Son identité, lorsqu’il s’agit d’une personne physique, ou celle de ses dirigeants et des personnes physiques chargées des activités de représentation d’intérêts en son sein, lorsqu’il s’agit d’une personne morale ;



« 2° Le nom et l’adresse de chacun des mandants étrangers pour le compte desquels il agit ;



« 3° Le contenu de l’accord ou la nature du lien entre le représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger et le mandant étranger ;



« 4° Le nombre de personnes employées dans l’accomplissement des activités mentionnées au I de l’article 18-12-1 et, le cas échéant, le chiffre d’affaires de l’année précédente ;



« 5° Les actions réalisées, notamment :



« a) S’agissant des activités mentionnées au 1° du même I, les actions d’influence menées auprès des personnes mentionnées aux 1° à 7° de l’article 18-2, en précisant notamment la fonction des personnes contactées, l’intitulé, l’objet ou la référence de la décision publique concernée et le type d’actions menées ainsi que le montant des dépenses liées à ces actions durant l’année précédente ;



« b) S’agissant des activités mentionnées au 2° du I de l’article 18-12-1, la liste des actions de communication réalisées et les informations communiquées ;



« c) S’agissant des activités mentionnées au 3° du même I, la liste des opérations de collecte de fonds et des personnes bénéficiaires des versements opérés, le cas échéant.



« II. – Tout représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la date à laquelle les conditions définies à l’article 18-12-1 sont remplies, les informations mentionnées aux 1° à 3° du I du présent article.



« Le représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger communique ensuite l’ensemble des informations mentionnées au même I dans un délai de trois mois à compter de la fin de chaque activité mentionnée au I de l’article 18-12-1, à l’exception du chiffre d’affaires mentionné au 4° et du montant des dépenses mentionnées au 5° du I du présent article, qui sont communiqués dans un délai de trois mois à compter de la clôture de son exercice comptable.



« Art. 18-13-1 (nouveau). – Les règles applicables aux représentants d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger au sein de chaque assemblée parlementaire sont déterminées et mises en œuvre dans les conditions prévues à l’article 4 quinquies de l’ordonnance  58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.



« Art. 18-13-2 (nouveau). – Les obligations prévues à l’article 18-5 sont applicables aux représentants d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger dans le cadre des activités mentionnées au 1° du I de l’article 18-12-1, lorsqu’ils réalisent de telles activités.



« Art. 18-14. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’assure du respect des obligations prévues aux articles 18-13 et 18-13-2. Aux fins de contrôler leur respect, elle peut faire usage des prérogatives prévues à l’article 18-6.



« Lorsqu’elle constate un manquement aux obligations prévues aux articles 18-13 et 18-13-2, elle :



« 1° Adresse au représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger concerné, après l’avoir mis en état de présenter ses observations, une mise en demeure, qu’elle peut rendre publique, de respecter les obligations auxquelles il est assujetti ;



« 2° Avise du manquement constaté la personne mentionnée aux 1° et 3° à 7° de l’article 18-2 qui a répondu favorablement à une sollicitation effectuée par un représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger mentionné au 1° du présent article et peut lui adresser des observations, sans les rendre publiques.



« Art. 18-15. – Le fait, pour un représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger, de ne pas communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, les informations qu’il est tenu de communiquer à cette dernière en application de l’article 18-13 est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.



« Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction définie au premier alinéa du présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 5°, 7° à 9° et 12° de l’article 131-39 du même code.



« Art. 18-16. – Lorsqu’une personne physique ou morale remplit simultanément les conditions pour être qualifiée de représentant d’intérêts, au sens de l’article 18-2, et de représentant d’intérêts agissant pour un mandant étranger, au sens de l’article 18-12-1, et qu’elle s’est régulièrement acquittée des obligations prévues à la présente section, les obligations prévues à la section 3 bis du présent chapitre sont réputées remplies au titre des seules actions qu’elle a régulièrement déclarées.



« Lorsqu’une personne physique ou morale qui remplit simultanément les conditions pour être qualifiée de représentant d’intérêts, au sens de l’article 18-2, et de représentant d’intérêts agissant pour un mandant étranger, au sens de l’article 18-12-1, ne s’est pas régulièrement acquittée des obligations prévues à la présente section, les manquements constatés ne peuvent être réprimés que sur le fondement de l’article 18-15.



« Art. 18-17. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les modalités de mise en œuvre de la présente section.



« Ce décret précise notamment :



« 1° Les modalités des communications prévues à l’article 18-13 ainsi que les conditions de publication des informations correspondantes ;



« 2° Les modalités de présentation des activités du représentant d’intérêts. » ;



2° À la seconde phrase du 5° du I de l’article 20, après la référence : « 18-2, », sont insérés les mots : « les relations avec les représentants d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger, au sens de l’article 18-12-1, ».



II (nouveau). – L’article 4 quinquies de l’ordonnance  58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :



1° À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « d’intérêts », sont insérés les mots : « et aux représentants d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger » ;



2° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « et par les représentants d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger » ;



3° À la seconde phrase du troisième alinéa, après les mots : « d’intérêts », sont insérés les mots : « ou au représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger » ;



4° Au dernier alinéa, après les mots : « d’intérêts », sont insérés les mots : « ou par un représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un mandant étranger ».



III (nouveau). – Entrent en vigueur :



1° Le premier jour du sixième mois suivant la publication du décret prévu à l’article 18-17 de la loi  2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, et au plus tard le 31 décembre 2024, les articles 18-11 à 18-13 et 18-13-2 à 18-17 de la même loi ainsi que le 2° du I du présent article ;



2° Le 31 décembre 2024, l’article 18-13-1 de la loi  2013-907 du 11 octobre 2013 précitée et le II du présent article.


Article 1er bis (nouveau)

I. – Les organismes mentionnés à l’article 222 bis du code général des impôts qui réalisent des analyses ou des expertises sur tout sujet en lien avec une politique publique nationale ou en matière de politique étrangère sont tenus de transmettre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la liste des dons et des versements reçus de la part de toute puissance étrangère ou de toute personne morale étrangère.

II. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, précise les conditions d’application du I du présent article.

Il précise notamment les conditions dans lesquelles ces informations peuvent être rendues publiques.


Article 2


Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet de l’année qui suit celle de la promulgation de la présente loi, puis tous les deux ans, un rapport sur l’état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale. Ce rapport, qui fait état des menaces résultant d’ingérences étrangères, peut faire l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat.


Article 3

I. – L’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du I est ainsi modifié :

a) Les mots : « seuls besoins de la prévention du terrorisme » sont remplacés par les mots : « seules finalités prévues aux 1°, 2° et 4° de l’article L. 811-3 » ;

b) Sont ajoutés les mots : « ou toute forme d’ingérence ou de tentative d’ingérence étrangère » ;

2° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa du IV, les mots : « à caractère terroriste » sont supprimés.

II. – À l’expiration d’un délai de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du I est ainsi modifié :

a) Les mots : « seules finalités prévues aux 1°, 2° et 4° de l’article L. 811-3 » sont remplacés par les mots : « seuls besoins de la prévention du terrorisme » ;

b) À la fin, les mots : « ou toute forme d’ingérence ou de tentative d’ingérence étrangère » sont supprimés ;



2° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa du IV, après le mot : « menace », sont insérés les mots : « à caractère terroriste ».



III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application du présent article au plus tard deux ans avant l’expiration du délai prévu au II. Dans le respect des règles intéressant la sécurité nationale, ce rapport présente les conséquences de l’élargissement des finalités prévu au I sur l’efficacité de la technique dite de l’algorithme en matière de lutte contre le terrorisme. Il précise l’évolution du nombre d’alertes recensées.


Article 4

Le chapitre II du titre VI du livre V du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après le 1° de l’article L. 562-1, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis “Acte d’ingérence” : agissement commis directement ou indirectement à la demande ou pour le compte d’une puissance étrangère et ayant pour objet ou pour effet, par tout moyen, y compris la communication d’informations fausses ou inexactes, de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, au fonctionnement ou à l’intégrité de ses infrastructures essentielles ou au fonctionnement régulier de ses institutions démocratiques ; »

2° Au 1° de l’article L. 562-2, après le mot : « terrorisme », sont insérés les mots : « ou des actes d’ingérence ».


Article 5 (nouveau)

I. – La seconde colonne de la deuxième ligne du tableau du I de l’article L. 775-37 du code monétaire et financier est ainsi rédigée : « la loi        du       visant à prévenir les ingérences étrangères en France ».

II. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le début du premier alinéa de l’article L. 895-1 est ainsi rédigé : « Sont applicables en Polynésie française, dans leur rédaction résultant de la loi        du       visant à prévenir les ingérences étrangères en France, les dispositions… (le reste sans changement). » ;

2° Le début du premier alinéa de l’article L. 896-1 est ainsi rédigé : « Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction résultant de la loi        du       du visant à prévenir les ingérences étrangères en France, les dispositions… (le reste sans changement). » ;

3° Le début de l’article L. 897-1 est ainsi rédigé : « Sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, dans leur rédaction résultant de la loi        du       visant à prévenir les ingérences étrangères en France, les dispositions… (le reste sans changement). »

III. – À l’expiration d’un délai de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le début du premier alinéa de l’article L. 895-1 est ainsi rédigé : « Sont applicables en Polynésie française, dans leur rédaction résultant de la loi  2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, les dispositions… (le reste sans changement). » ;

2° Le début du premier alinéa de l’article L. 896-1 est ainsi rédigé : « Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction résultant de la loi  2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, les dispositions… (le reste sans changement). » ;

3° Le début de l’article L. 897-1 est ainsi rédigé : « Sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, dans leur rédaction résultant de la loi  2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, les dispositions… (le reste sans changement). »



IV. – Au premier alinéa du I de l’article 35 de la loi  2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, après la première occurrence du mot : « loi », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction résultant de la loi        du       visant à prévenir les ingérences étrangères en France, ».

Délibéré en séance publique, à Paris, le 27 mars 2024.

La Présidente,

Signé : Yaël BRAUN-PIVET

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