N°218
SENAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 février 1999.
PROPOSITION DE LOI
visant à instituer des plans d'épargne retraite,
PRÉSENTÉE
ParM. Jean ARTHUIS et les membres du groupe de l'Union centriste ( 1),
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
(1) Ce groupe est composé de : MM. Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Jean Arthuis, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barraux, Jacques Baudot, Michel Bécot, Jean Bernadaux, Daniel Bernardet, Maurice Blin, Mme Annick Bocandé, MM. André Bohl, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Marcel Deneux, Gérard Deriot, André Diligent, André Dulait, Pierre Fauchon, Jean Faure, Serge Franchis, Yves Fréville, Francis Grignon, Marcel Henry, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Claude Huriet, Jean-Jacques Hyest, Pierre Jarlier, Alain Lambert, Henri Le Breton, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Jacques Machet, Kléber Malécot, René Marques, Louis Mercier, Michel Mercier, Louis Moinard, René Monory, Philippe Nogrix, Jean-Marie Poirier, Philippe Richert, Michel Souplet, Albert Vecten et Xavier de Vîllepin.
Retraites. - Plans d'épargne retraite.
EXPOSE DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
La conjoncture économique actuelle, qui se caractérise, notamment, par un chômage structurel, ainsi que l'évolution démographique devraient avoir un impact très défavorable sur l'équilibre financier des régimes de retraite par répartition dès 2005-2010. Leur besoin de financement supplémentaire sera en 2015 de 400 milliards environ.
Dans ce contexte, la création d'un fonds de garantie (alimenté dans un premier temps par 2 milliards de francs, l'équivalent d'une journée seulement de versement des retraites) n'est pas à la mesure des enjeux. D'autre part, sur le principe, il n'appartient pas à l'Etat, à travers des prélèvements non fiscaux ou les recettes de privatisations, d'abonder les régimes par répartition. La question du maintien du pouvoir d'achat des retraités appelle une réponse volontariste et innovante : la création, au-delà des deux marches actuelles obligatoires fondées sur la répartition - retraites de base et retraites complémentaires -, d'une troisième marche facultative constituée sous la forme d'un supplément de retraite par capitalisation.
Parmi les pays industrialisés, seule la France ne dispose pas, à ce jour, d'un système de supplément de retraite par capitalisation.
La présente proposition de loi tend à consolider les régimes par répartition, qui font partie de notre pacte social, en les complétant par un système facultatif de retraite supplémentaire constituée sur la base d'une épargne volontaire, tout en renforçant le potentiel de croissance de l'économie.
Le nouveau plan d'épargne retraite aurait trois spécificités fondamentales :
1. Un supplément de retraite pour tous : des compléments de retraite existent déjà au profit de certaines catégories de français (les fonctionnaires avec le PREFON, les exploitants agricoles avec le COREVA).
Il est proposé d'ouvrir l'accès des plans d'épargne retraite à l'ensemble des salariés établis en France et hors de France, ainsi qu'aux non-salariés à travers les groupements constitués par la «loi Madelin ».
Les abondements effectués par l'employeur, dans le premier cas, seraient exonérés de cotisations sociales dans certaines limites et déductibles des bénéfices imposables. Par contre, ils doivent être assujettis à la CSG et à la CRDS au premier franc.
Quant aux versements de l'ensemble des adhérents, ils seraient déductibles du revenu imposable.
2. Assurer la sécurité des bénéficiaires : s'agissant d'un placement inscrit, par définition, sur le long terme, il est fondamental que les salariés et les employeurs disposent de garanties particulières. Il s'agit, en particulier, de l'application des dispositions prudentielles du code des assurances et du contrôle des fonds de retraite par les organismes compétents en matière bancaire et d'assurance.
3. Contribuer directement au financement de l'économie :
Les systèmes par répartition n'exercent aucun effet favorable sur l'investissement et le renforcement des fonds propres des entreprises puisqu'ils n'exigent aucune épargne préalable.
Comme le démontrent les expériences étrangères, l'épargne retraite aura au contraire tendance à se porter prioritairement vers les placements en actions.
Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est demandé de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Tout salarié lié par un contrat de travail de droit privé et établi en France ou hors de France peut souscrire dans le cadre de son entreprise ou directement auprès d'un établissement financier un plan d'épargne retraite qui ouvre droit au paiement d'une rente viagère à compter de la date de cessation d'activité, rente soumise au droit commun des pensions.
A cette date, les adhérents ont également la possibilité d'opter pour un versement unique qui ne peut excéder 20 % de la prévision mathématique représentative des droits de l'adhérent, sans que le montant de ce versement puisse excéder 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
Article 2
La souscription aux plans d'épargne retraite peut s'effectuer en vertu d'un accord collectif d'entreprise, d'un accord de branche professionnel ou interprofessionnel conclu à un échelon national, régional ou départemental.
Un groupement visé à l'article 41 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle peut également souscrire des plans d'épargne retraite dans les conditions fixées par le présent article afin de les proposer à l'adhésion de ses membres.
Article 3
Les employeurs peuvent abonder les plans d'épargne de leurs propres salariés dans la limite de 30 % du plafond annuel de la sécurité sociale. L'abondement est déductible du bénéfice imposable et il est exonéré de cotisations sociales dans la limite de 85 % du même plafond. Il ne peut excéder le quadruple des versements des salariés.
Quant aux sommes versées par l'adhérent, elles sont déductibles du revenu imposable dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale.
Article 4
Les versements de l'adhérent ainsi que l'abondement éventuel de l'employeur sont tout à fait facultatifs. Us peuvent être suspendus ou repris sans pénalité dans des conditions fixées soit par les accords collectifs, s'ils existent, soit, à défaut, par décret.
Article 5
Pour la gestion des plans d'épargne et afin d'assurer la couverture des engagements, des fonds d'épargne sont créés sous la forme d'une société anonyme d'assurance, d'une société d'assurance mutuelle, d'une institution de prévoyance régie par le titre II du livre IX du code de la sécurité sociale ou d'un organisme mutualiste du code de la mutualité.
Les fonds d'épargne retraite ne peuvent commencer leur activité qu'après avoir obtenu un agrément administratif délivré dans des conditions fixées par décret.
Les adhérents et les employeurs sont représentés au sein du conseil d'administration des fonds d'épargne. La présidence du conseil d'administration des fonds d'épargne est assurée alternativement par un représentant des adhérents et par un représentant des employeurs pour une période d'un an.
Article 6
Le contrôle de l'Etat sur les fonds d'épargne retraite s'exerce dans l'intérêt des adhérents à un plan d'épargne retraite et de leurs ayants droit au titre de la présente loi. A cette fin, la Commission des opérations de bourse, la Commission bancaire, la Commission de contrôle des assurances et la commission de contrôle mentionnée à l'article L. 95-1 du code de la sécurité sociale se réunissent et siègent en formation commune.
La présidence de la réunion des quatre commissions qui est instaurée par l'alinéa précédent est assurée alternativement par le président de chacune de ces commissions pour une période d'un an.
L'instance de contrôle ainsi constituée veille au respect, par les fonds d'épargne retraite, des dispositions législatives ou réglementaires les concernant. Elle s'assure que ces fonds tiennent les engagements qu'ils ont contractés à l'égard de l'ensemble des bénéficiaires et de leurs ayants droit au titre de la présente loi.
Article 7
Les engagements réglementés des fonds d'épargne retraite ne peuvent excéder 5 % pour l'ensemble des valeurs émises et des prêts obtenus par une même société ou par des sociétés appartenant à un même groupe. Aucune dérogation à cette règle n'est admise.
Ces mêmes engagements réglementés des fonds d'épargne retraite peuvent être représentés, à concurrence de 10 % et dans la limite de 0,5 % par émetteur, par des actions, parts ou droits émis par une société commerciale et non admis à la négociation sur un marché réglementé.
Article 8
La perte des recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et pour les régimes de sécurité sociale par la création de taxes additionnelles sur les droits prévus aux articles 403 et 403 A du même code.