N° 240
SÉNAT
SESSION
ORDINAIRE DE 1998-1999
Rattaché pour ordre au procès
verbal de la séance du 18 février 1999
Enregistré
à la Présidence du Sénat le 25 février 1999
PROPOSITION DE LOI
tendant à
faciliter et à améliorer
l'
indemnisation
des
victimes de
violences urbaines
,
PRÉSENTÉE
Par M. Philippe RICHERT,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)
Action sociale et solidarité internationale
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Depuis plusieurs années, la violence se manifeste de plus
en plus fréquemment dans certains de nos quartiers urbains.
Périodiquement des individus, plus souvent des groupes, s'en prennent
délibérément aux biens, parfois même aux personnes,
témoignant là d'une totale absence de conscience des
impératifs de la vie sociale et d'un mépris affiché pour
les lois de notre République.
La banalisation de tels
comportements, qui doit être combattue, n'est pas seulement
préjudiciable à notre cohésion sociale. Elle emporte
également de graves conséquences pour leurs victimes directes qui
sont souvent, étant donné les quartiers en cause, des personnes
de condition modeste.
En particulier, la multiplication des incendies
de véhicules est source de nombreuses complications pour leurs
propriétaires, pour qui ils constituent, dans des quartiers parfois mal
desservis par les transports publics et frappés par un chômage
massif, un atout primordial pour conserver leur emploi ou en trouver un.
Ainsi, les victimes de violences urbaines rencontrent, à un
degré plus élevé, les difficultés d'indemnisation
auxquelles sont exposées toutes les victimes d'infractions
pénales.
En principe, c'est l'auteur de l'infraction qui voit sa
responsabilité engagée. Celle-ci peut être
recherchée au moyen de l'action civile devant les juridictions civiles
ou, plus souvent, devant les tribunaux répressifs, à l'occasion
des poursuites engagées à l'encontre des délinquants, par
voie de constitution de partie civile. Comme il est normal, la victime se voit
alors indemnisée de l'intégralité du préjudice
subi.
Cependant, la victime peut avoir du mal à être ainsi
effectivement indemnisée. Deux obstacles principaux peuvent se dresser.
D'abord, il est possible que l'auteur de l'infraction ne soit jamais
identifié. En outre, et dans l'hypothèse contraire,
l'exécution du jugement peut se heurter à l'insolvabilité
du débiteur.
C'est précisément pour ne pas avoir
à subir ces désagréments que nombre de
propriétaires choisissent d'assurer leur véhicule, laissant ainsi
à leur assureur le souci de rechercher la responsabilité de
l'auteur des dommages ou de sa compagnie d'assurance, par la voie amiable ou
par l'exercice d'une action récursoire devant les tribunaux.
Mais l'indemnisation dans le cadre d'un contrat d'assurance de biens
est variable. Elle dépend des conditions retenues dans ce dernier pour
l'évaluation du bien assuré. Souvent, les propriétaires de
véhicules se voient remboursés sur la base de la valeur
vénale, ou la valeur d'usage, de leur automobile alors que, compte tenu
de la vétusté, celle-ci est fréquemment inférieure
à la somme qu'il leur faut débourser pour la remplacer.
Ainsi, les victimes se retrouvent parfois dans l'impossibilité
d'obtenir de qui que ce soit une quelconque indemnité, y compris de
l'Etat. La responsabilité de l'Etat ne peut en effet être
recherchée pour défaut de maintien de l'ordre public que sur le
fondement de la faute lourde, toujours difficile à établir devant
les juridictions administratives. Il existe bien un régime de
responsabilité sans faute de l'Etat du fait des attroupements et
rassemblements, institué par l'article 92 d'une loi du 7 janvier 1983,
mais celui-ci laisse entier le problème des infractions commises lors de
"violences urbaines" dans des conditions telles qu'il ne soit pas possible de
parler d'attroupements.
Le premier devoir à rendre aux victimes
est de mettre fin à l'impunité dont peuvent parfois jouir les
auteurs d'actes de violence. Le second d'étendre aux victimes de ces
agissements le bénéfice du Fonds de garantie des victimes d'actes
de terrorisme et d'autres infractions. Ce fonds, créé en 1983, et
dont le champ a déjà été étendu en 1990,
constitue souvent l'ultime expression de la solidarité nationale envers
les victimes d'infractions pénales. A titre subsidiaire, il indemnise,
dans les limites d'un plafond, celles d'entre elles dont les ressources sont
faibles et que l'infraction place, en l'absence de toute faute de leur part,
dans une situation matérielle grave. Les sommes versées ayant le
caractère non de dommages-intérêts mais de secours, le
Fonds est évidemment subrogé dans les droits des victimes pour
obtenir le remboursement des frais par les responsables.
L'application
du dispositif concernerait notamment les atteintes touchant les
véhicules. Il est proposé que l'article 705-14 du code de
procédure pénale soit modifié en conséquence. Le
supplément de charges en résultant pour le Fonds, après
récupération des sommes auprès des responsables du dommage
ou de la victime, si celle-ci perçoit postérieurement des
indemnités au titre du dommage subi, serait financé par une
majoration des droits de consommation sur les tabacs qui l'alimente
déjà.
Tel est l'objet de la proposition de loi que nous
vous prions de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article
1
er
Dans le premier alinéa de l'article 705-14 du code de procédure pénale, les mots "ou d'un abus de confiance" sont remplacés par les mots "d'un abus de confiance ou de la destruction, de la dégradation ou de la détérioration de leur véhicule, au sens des articles 322-1 et 322-5 du code pénal".
Article 2
Les dépenses entraînées pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme ou d'autres infractions par l'application des dispositions de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts dont le produit lui est affecté.