Application du taux réduit de TVA au chocolat, à la confiserie et à la margarine
N°
416
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 14 juin 2000
PROPOSITION DE LOI
tendant à appliquer le
taux réduit de TVA au
chocolat
, à la
confiserie
et
à la
margarine
,
PRÉSENTÉE
PAR M. Denis BADRÉ
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
TVA. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans l'état actuel de la législation française, tous les
produits alimentaires sont soumis au taux réduit de TVA, en application
de l'article 278 bis 2° du code général des
impôts.
Or, par exception à ce principe général, seuls parmi
les produits alimentaires
1(
*
)
, le chocolat et la
confiserie en tout ou partie, ainsi que la margarine et les graisses
végétales restent soumis au taux normal qui est désormais
de 19,6 %.
Aussi vous est-il proposé par la présente proposition de loi de
mettre fin à cette incohérence de notre fiscalité qui est
source de distorsions de concurrence et qui, par son manque de
« lisibilité », entraîne de nombreux conflits
d'interprétation surtout pour le chocolat et la confiserie. Par ailleurs
de telles baisses ciblées de TVA sur des produits de consommation
courante auraient un impact sur le prix payé par le consommateur final
bien supérieur et un coût moindre pour les finances publiques, que
ceux d'une baisse générale du taux normal de la TVA de 20,6
à 19,6 %.
Telle est la voie que nous préconisons, et vous proposons de suivre.
LE TAUX NORMAL DE TVA POUR LE CHOCOLAT, LA CONFISERIE ET LA MARGARINE : UNE SITUATION DÉROGATOIRE AU DROIT COMMUN
Le
régime de la TVA applicable au chocolat est très
vraisemblablement un héritage des années de pénurie.
Faut-il pour autant conclure que le chocolat et la confiserie sont des produits
de luxe ? Cette conception pouvait éventuellement se
défendre lors de la création de la TVA en 1954, lorsque
l'économie sortait à peine de la période de
reconstruction, et qu'il pouvait sembler opportun, à l'époque, de
freiner la consommation d'une denrée fabriquée à partir
d'un produit d'importation, le cacao.
Or, le chocolat est devenu aujourd'hui un produit de consommation de masse et
il ne s'agit donc plus que d'une atteinte non justifiée au principe de
neutralité de la TVA.
De même pour la margarine, ses propriétés et son rôle
dans la prévention des maladies cardio-vasculaires justifient pleinement
de voir le taux de TVA applicable être réduit.
A cet égard, il convient de relever que l'évolution des
différents taux de TVA s'est faite dans le sens d'une
simplification : suppression du taux majoré de 22 %, suppression du
taux intermédiaire aligné sur le taux normal depuis 1977, fusion
du taux réduit de 7 % avec le taux « super
réduit » de 5,5 %.
Dans cette évolution
générale, le chocolat, la confiserie et la margarine ont
été oubliés !
De ce fait, l'écart est donc de 14,1 points de TVA
2(
*
)
en leur défaveur ce qui, de facto,
représente un surcoût de 13,4 %, payé par le consommateur
final, et cela sans aucune justification.
UN « BYZANTINISME JURIDIQUE »
Cette
situation entraîne par ailleurs, ainsi que je l'avais rappelé dans
le rapport d'information fait au nom de la commission des finances
« Comment baisser le taux de TVA ? »
3(
*
)
, des distinctions qui deviennent rapidement
« byzantines » et sont le fruit d'une véritable
« casuistique fiscale ».
On rappellera à ce sujet que le Conseil constitutionnel a reconnu en
décembre dernier valeur constitutionnelle à
l'objectif
consistant à rendre la loi plus accessible et plus intelligible, de
manière à en faciliter la connaissance par les citoyens
4(
*
)
.
D'une part, on comprend difficilement les raisons qui peuvent continuer
à justifier l'imposition des matières grasses à des taux
distincts de TVA, selon que ces dernières sont d'origine animale ou
végétale. A ce titre, il convient de rappeler que dans tous les
Etats membres de l'Union européenne à l'exception de la France et
dans une moindre mesure de la Belgique la margarine, les matières
grasses composées, le beurre et les huiles végétales sont
soumis au même taux de TVA.
D'autre part, s'agissant du taux de TVA applicable aux chocolats et aux
produits de confiserie, les produits de confiserie (bonbons, dragées,
pralines, caramels, nougats, chewing-gum, fruits confits, pâtes
d'amande...) relèvent du taux normal, alors que les confitures,
purées, gelées et marmelades sont au taux réduit.
Les chocolats et produits composés contenant du chocolat ou du cacao
relèvent en principe du taux normal. Le taux réduit s'applique
à certaines catégories de chocolats en tablettes ou en
bâtons, aux fèves de cacao et au beurre de cacao, ainsi
qu'à certains produits composés de chocolat ou de cacao.
La complexité du régime fiscal actuel, s'agissant des produits
de chocolaterie, ressort très largement du tableau
ci-après :
Produits bénéficiant du taux réduit |
Produits relevant du taux normal |
Chocolat, chocolat de ménage } présentés
en
|
Tous les
chocolats (y compris ceux désignés ci-contre)
présentés autrement qu'en tablettes ou en bâtons (par
exemple en flocons, palets, granules, pastilles, croquettes).
|
Source : Memento pratique F. Lefebvre - 1998
UNE BAISSE DE TVA « EURO-COMPATIBLE »
De plus,
l'application du taux normal au chocolat, à la confiserie et à la
margarine est un choix propre à la France, nullement imposé par
les textes communautaires définissant l'assiette commune de la TVA.
En effet, la directive 92/77/CEE du 19 octobre 1992 relative au rapprochement
des taux de TVA dans l'Union Européenne dispose que chaque Etat membre
doit appliquer un taux normal de TVA qui est fixé à un
pourcentage de la base d'imposition pour les livraisons de biens comme les
prestations de service, et qui ne peut être inférieur à 15
%.
Elle permet, par ailleurs, aux Etats membres d'appliquer un ou deux taux
réduits qui ne peuvent pas être inférieurs à
5 % et qui s'appliquent strictement aux biens et services repris dans la
liste de l'annexe H de cette même directive.
En son annexe H, la 6ème directive TVA de 1977
5(
*
)
autorise les Etats membres à appliquer des taux
réduits aux « denrées alimentaires destinées
à la consommation humaine et animale », sans aucune
restriction sauf pour les boissons alcooliques.
On constate donc que le chocolat, la confiserie et la margarine ne s'inscrivent
dans aucune des logiques applicables aux autres produits alimentaires qui
bénéficient intégralement du taux réduit de TVA.
QUEL COUT POUR LES FINANCES PUBLIQUES ?
Seul le
coût pour le budget de l'Etat de cette mesure en a interdit la
réalisation effective à ce jour.
S'agissant du chocolat et de la confiserie
, comme le reconnaissait le
gouvernement lors de la discussion des dernières lois de finances, une
telle mesure est totalement compatible avec le droit communautaire. Le
principal obstacle est son coût budgétaire chiffré par le
Gouvernement à 3,2 milliards de francs
6(
*
)
.
Il serait cependant plus limité si la baisse ne s'appliquait qu'à
une catégorie de produits plus spécifiques : le Gouvernement
chiffrait ainsi à 400 millions de francs la perte de recettes qui
résulterait de la soumission du seul chocolat au lait, quelle qu'en soit
la présentation, au taux réduit. Une telle mesure permettrait, le
cas échéant, en étalant son application dans le temps,
d'en réduire le coût budgétaire immédiat. C'est
d'ailleurs ce qu'avait proposé notre regretté collègue
Bernard Barbier dans son rapport fait sur cette question il y a
déjà quelques années, au nom de la commission des
finances
7(
*
)
.
Pour la margarine
, ce coût est estimé par les organisations
professionnelles concernées à 457 millions de francs.
A l'évidence, le coût budgétaire n'est donc qu'un alibi
masquant l'absence de volonté et de détermination politiques en
ce domaine.
C'est pourquoi, Mesdames, Messieurs, il vous est demandé de bien vouloir
adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
Les deuxième (a.), troisième (b.) et quatrième (c.) alinéas du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts sont supprimés.
Article 2
La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions de l'article 1 er est compensée, à due concurrence, par une augmentation de la taxe additionnelle aux droits sur les tabacs mentionnée aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
1
Outre le caviar, et cela pour des
raisons
symboliques et à ce titre aisément compréhensibles.
2
Différence entre le taux normal de 19,6 % et le taux
réduit de 5,5 %.
3
Rapport d'information n° 474 (1998-1999).
4
Décision n° 99-241 DC du 16 décembre
1999 : loi portant habilitation du gouvernement à procéder
par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de
certains codes.
5
Directive du Conseil n° 77/388 du 17 mai 1977.
6
In JO Débats Sénat 24 novembre 1997, p. 3805.
7
Rapport n° 353 (1996-1997).