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N° 28
SÉNAT
PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1970-1971
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre 1970. |
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à créer une Commission d'enquête
sur les conditions de l 'intervention militaire française au Tchad,
PRESENTEE
Par MM. Serge BOUCHENY, Jacques DUCLOS, Raymond GUYOT et les membres du groupe communiste (1) et apparenté (2),
Sénateurs.
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(Renvoyée à la Commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
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(1) Ce groupe est composé de : MM. André Aubry, Jean Bardol, Serge Boucheny, Fernand Chatelain, Georges Cogniot, Léon David, Jacques Duclos, Jacques Eberhard, Roger Gaudon, Mme Marie-Thérèse Goutmann, M. Raymond Guyot, Mme Catherine Lagatu, MM. Fernand Lefort, Louis Namy, Guy Schmaus, Louis Talamoni, Hector Viron.
(2) Apparenté: M. Marcel Gargar.
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Sénat. -- Commission d'enquête - Tchad
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Il est une réalité incontestable que l'on essayerait vainement de dissimuler : la France est en guerre. Des troupes françaises sont directement engagées au Tchad dans des opérations militaires qui ont coûté la vie à des milliers de Tchadiens considérés comme « rebelles » et à des soldats français.
Pourtant le Parlement est tenu à l'écart de cette intervention qui conditionne dans une large mesure l'état présent et futur de nos relations internationales, notamment avec les pays africains.
Le Gouvernement voudrait masquer la réalité, dissimuler l'ampleur et plus encore les véritables raisons de la guerre.
Les expériences ne manquent pas pour rappeler que les aventures coloniales les plus longues et les plus meurtrières ont bien souvent commencé comme des « opérations de police » ou de «maintien de l'ordre». Quand les Américains -- pour ne prendre que cet exemple -- sont entrés au Viet-Nam dans le terrible engrenage de la guerre, ils étaient moins nombreux que ne le sont aujourd'hui les militaires français qui ratissent les villages du Tchad.
C'est en secret que le Gouvernement français fait débarquer ses troupes, conscient du fait que la demande d'assistance du Président Tombalbaye et les accords de défense passés entre les deux pays ne sauraient valablement justifier sa participation dans cette guerre.
D'ailleurs cette référence à des accords sur lesquels les parlementaires communistes, au moment où ils avaient été conclus, avaient formulé les plus expresses réserves est, sans conteste, l'expression d'une volonté de renforcer le dispositif néo-colonialiste français en une région capitale de sa stratégie africaine.
L'amitié et la coopération franco-tchadienne commandent, au contraire, que cesse au plus tôt l'intervention militaire et politique de la France dans les affaires intérieures du Tchad.
Devant la gravité des faits révélés et la volonté manifeste du Gouvernement de poursuivre la guerre, le Sénat se doit de procéder à une enquête sur :
1° Les raisons politiques et économiques de l'intervention française ;
2° Les moyens tant militaires que financiers mis en oeuvre ;
3° Le fonctionnement des services qui ont joué un rôle dans le déclenchement et la poursuite de l'intervention, de manière à ce que soient situées les véritables responsabilités et que cesse l'intervention militaire française.
Telles sont les considérations qui nous conduisent, Mesdames et Messieurs, à vous demander d'adopter la proposition de résolution suivante.
PROPOSITION DE RESOLUTION
Article unique.
Conformément à l'article 11 du Règlement du Sénat, il est institué une Commission d'enquête sur les conditions de l'intervention militaire française au Tchad.