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N° 314
SÉNAT
SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1982-1983
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 mai 1983.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission de contrôle des services publics et des entreprises nationales chargés de veiller directement ou indirectement à l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives au traitement, au transport, à l'importation et au stockage des déchets industriels toxiques ou de les mettre en oeuvre.
PRÉSENTÉE
Par MM. Etienne DAILLY, Charles BEAUPETIT, Jean BÉRANGER, Georges BERCHET, Guy BESSE, René BILLÈRES, Stéphane BONDUEL, Édouard BONNEFOUS, Louis BRIVES, Henri CAILLAVET, Jean-Pierre CANTEGRIT, Henri COLLARD, Georges CONSTANT, Émile DIDIER, Edgar FAURE, François GIACOBBI, Paul GIROD, Mme Brigitte GROS, MM. Pierre JEAMBRUN, André JOUANY, France LÉCHENAULT, Bernard LEGRAND, Max LEJEUNE, Charles-Edmond LENGLET, Sylvain MAILLOLS, Jean MERCIER, Pierre MERLI, Josy MOINET, André MORICE, Georges MOULY, Jacques MOUTET, Jacques PELLETIER, Hubert PEYOU, Joseph RAYBAUD, Michel RIGOU, Paul ROBERT, Victor ROBINI, Abel SEMPÉ, Raymond SOUCARET et Pierre TAJAN,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan.)
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Pollution et nuisances . - Commissions de contrôle - Déchets et produits de la récupération - Dioxine - Environnement.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
La disparition, en France, des déchets de dioxine de l'usine Icmesa de Seveso et l'émotion justifiée qu'elle suscite dans l'opinion, mettent en évidence la gravité des menaces qui peuvent peser sur la santé publique si le transport, le stockage et le traitement des déchets industriels toxiques ne sont pas réalisés dans des conditions particulièrement rigoureuses. À cet égard, l'impossibilité dans laquelle se trouve le Gouvernement français de localiser des produits qui n'auraient jamais dû transiter par notre territoire sans l'accord des autorités responsables, est extrêmement inquiétante et révélatrice.
Pour apprécier réellement le degré de gravité de la situation, il convient de prendre conscience des principales données du problème des déchets toxiques industriels.
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D'après le rapport d'activité pour 1981 de l'Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets, sur les 150 millions de tonnes de déchets industriels produits en France chaque année, on estime à 18 millions de tonnes la quantité de déchets dits « spéciaux » (huiles usagées, solvants, colorants, etc.) qui sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement. Sur ces déchets spéciaux, 2 à 3 millions de tonnes présentent des caractères de toxicité qui imposent que leur élimination soit assurée dans des conditions d'une extrême sévérité.
Cette sévérité est d'autant plus justifiée que les effets des produits en cause sur l'homme et l'environnement sont très variables et parfois mal connus. Ainsi il y a peu de similitudes entre la violence des poisons tels que l'amanitine ou l'aconitine et la toxicité de produits tels que la dioxine. Ce dernier produit, par exemple, (dont l'appellation chimique exacte est le tetrachloro 2, 3, 7, 8 dibenzo-p-dioxine ou T.C.D.D.) tire sa triste réputation de l'étendue de ses effets biologiques et des doses très faibles qui sont suffisantes pour les déclencher. Certaines de ses variétés sont 500 fois plus toxiques que la strychnine et 10.000 fois plus que le cyanure. Quand on sait que quelques milligrammes de cyanure par litre dans un cours d'eau peuvent provoquer la mort de centaines de poissons et que 0,2 milligramme par litre de chrome 6 suffit pour tuer un saumon, on comprend la gravité de la menace.
Mais, que les déchets toxiques aient un effet foudroyant et immédiat ou qu'ils n'agissent qu'à long terme en s'accumulant dans les organismes vivants et en se concentrant dans les chaînes alimentaires dont l'homme est en général l'ultime maillon, importe à vrai dire peu : le danger existe.
Il est donc vital pour la santé publique de s'assurer du devenir des milliers de tonnes de produits toxiques ou dangereux rejetés par les industriels et de disposer d'une réglementation rigoureuse adaptée à la gravité du problème.
À cet égard, de nombreuses questions méritent d'être posées :
- N'y-a-t-il pas un paradoxe à disposer d'une législation qui est à la fois complexe et touffue mais dont certaines dispositions demeurent privées d'effet en raison des retards ou défauts de parution de divers textes d'application ?
- L'arsenal des sanctions a-t-il un caractère suffisamment dissuasif ? En particulier, peut-on considérer comme suffisantes des peines d'emprisonnement de deux mois à deux ans et des amendes de 2.000 à 100.000 F, quand des menaces aussi graves pèsent sur la salubrité publique ?
- La notion de responsabilité du producteur de déchets ne gagnerait-elle pas à être mieux définie, afin que cessent les tergiversations telles celles qu'ont entraînées, dans l'affaire des déchets de Seveso, les controverses successives entre la société Hoffmann-La Roche et ses sous-traitants qui se sont renvoyés mutuellement les responsabilités relatives au transport des produits incriminés ?
- N'y-a-t-il pas une faille dans la réglementation s'agissant du contrôle aux frontières et du transit sur le territoire national des déchets en provenance de pays étrangers et ne conviendrait-il pas d'instituer, par exemple, le principe d'une déclaration préalable à tout transport de matières toxiques et dangereuses ? Une harmonisation des réglementations européennes sur ce point et sur l'ensemble du problème des déchets toxiques n'est-elle pas devenue indispensable ?
- Enfin, plus de sept ans après l'élaboration par le Parlement d'une législation novatrice à beaucoup d'égards, peut-on considérer que le contrôle du transport, du stockage et du traitement des déchets industriels toxiques est assuré d'une manière satisfaisante ? L'inspection des établissements classés dispose-t-elle à cet effet des moyens nécessaires en personnel et en matériel ?
Etc., etc., etc.
Autant de questions auxquelles il importe de donner des réponses précises afin d'éclairer un secteur trop lourdement laissé dans l'ombre et dont on peut se demander s'il est bien effectivement contrôlé conformément à la législation et à la réglementation en vigueur ou si ce sont ces dernières qu'il faut aménager pour en assurer un meilleur contrôle.
C'est pourquoi nous avons l'honneur de proposer au Sénat d'adopter la proposition de résolution suivante tendant à créer une commission de contrôle sur le fonctionnement des services publics et des entreprises nationales chargés de veiller directement ou indirectement à l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives au traitement, au transport, à l'importation et au stockage des déchets industriels toxiques - ce qui ne saurait exclure les déchets radioactifs -, ou chargés directement ou indirectement, de les mettre en oeuvre, cette commission pouvant être appelée, si elle le juge nécessaire, à proposer des modifications à la législation ou à la réglementation en vigueur.
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PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article premier.
Il est créé, conformément à l'article 11 du Règlement du Sénat, une commission de contrôle des services publics et des entreprises nationales chargés de veiller directement ou indirectement à l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives au traitement, au transport, à l'importation et au stockage des déchets industriels toxiques ou de les mettre en oeuvre.
Art. 2.
Cette commission est composée de vingt et un membres désignés conformément à l'article 11 du Règlement du Sénat.