Question de M. LARCHER Gérard (Yvelines - RPR) publiée le 24/01/2002
M. Gérard Larcher demande à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité de lui indiquer selon quels critères a été choisi le site de Montlieu, commune d'Emance, dans les Yvelines, pour l'installation d'un centre d'accueil de demandeurs d'asile, et pourquoi cette implantation est envisagée dans un village rural, sans transports collectifs, où les conditions de traitement des eaux pluviales et des eaux usées sont notoirement insuffisantes pour accueillir une population de 350 personnes supplémentaires. L'arrivée d'un tel nombre de nouveaux résidents représente en effet une augmentation de plus de 40 % de la population actuelle de la commune. Par ailleurs, il lui demande quels sont les moyens médicaux, sociaux, éducatifs et de sécurité qui ont été prévus pour assurer l'accueil de ces demandeurs d'asile.
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Réponse du ministère : Personnes âgées publiée le 20/02/2002
Réponse apportée en séance publique le 19/02/2002
M. Gérard Larcher. En juillet dernier, par hasard, Mme le maire d'Emancé apprenait qu'était préparé au ministère de l'emploi et de la solidarité, en quelque sorte dans le secret, un projet d'installation, dans ce village de 650 habitants situé au fond des bois, d'un centre de premier accueil des demandeurs d'asile. Le député et le sénateur des Yvelines ayant été avertis par cette élue - je constate avec plaisir que Mme Boutin, députée, se trouve dans la tribune de la présidence du Sénat - nous avons obtenu d'être reçus - pour ainsi dire en catastrophe - au ministère à la fin du mois de juillet.
Ce projet, qui portait à l'origine sur 500 places d'accueil, risque, bien sûr, de déstructurer ce village, qui a pourtant une longue tradition d'accueil et de tolérance.
Il a ainsi accueilli des dizaines de familles - polygames - de Maliens, dont les enfants ont été scolarisés au sein même du village, alors que, parallèlement, l'Etat se désengageait et ne tenait pas ses promesses : plus d'assistante sociale, aucun enseignant supplémentaire en renfort, etc.
Ce même village a aussi accueilli 150 Albanais, qui ont d'ailleurs dû partir parce que les conditions de sécurité n'étaient pas assurées.
Quels ont donc été les critères retenus pour l'implantation de ce centre d'accueil des demandeurs d'asile ? Pourquoi cette implantation est-elle envisagée dans un village dépourvu de transports collectifs, situé à trois kilomètres de la première gare et à dix kilomètres du premier commerce ?
J'ajoute que ce village n'est pas en mesure d'assurer le traitement des eaux supplémentaires. Même la distribution d'eau potable pose problème puisque, dans une partie du village, elle n'est pas assurée au-delà du premier étage.
Le choix a ainsi été opéré en fonction de critères que même l'association Forum des réfugiés considère comme déraisonnables.
Cette manière de procéder appelle, madame la secrétaire d'Etat, quelques éclaircissements, et je vous dis d'emblée que je n'accepterai pas que le débat soit porté sur le terrain de la xénophobie. La tradition d'accueil que je viens de rappeler démontre que c'est tout le contraire !
Accueillir des demandeurs d'asile nécessite que certaines conditions soient réunies pour que soit respectée leur dignité. Il ne faut pas que ces demandeurs d'asile soient abandonnés, comme l'ont été les familles maliennes - quatre sont encore sur le site - sans assistante sociale et alors que le gestionnaire, la SONACOTRA, ne paie pas depuis trois ans sa taxe sur les ordures ménagères au syndicat intercommunal, lequel connaît, d'ailleurs, mais pour d'autres raisons, de grandes difficultés !
Nous avons besoin de comprendre et, surtout, nous ne voulons pas, sur ce sujet délicat et douloureux, d'une politique de l'approximation, du secret et, finalement, du n'importe quoi. Les demandeurs d'asile sont des êtres humains et on ne peut les traiter ainsi.
Voilà pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, je souhaite connaître les conditions dans lesquelles ce choix a été opéré. Il n'y a pas de clivage politique sur cette question puisque des conseillers généraux socialistes partagent notre sentiment ; il s'agit non pas d'une affaire droite-gauche mais de la vie quotidienne des habitants d'Emancé et de l'avenir des demandeurs d'asile.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, il n'y a pas de secret, ma réponse en apportera la preuve.
Mais, avant d'en venir au cas précis que vous évoquez, permettez-moi de rappeler le contexte national, parce qu'il me paraît important de bien situer le problème.
La France connaît une forte demande d'hébergement liée à l'augmentation du nombre de demandes d'asile conventionnel. Cette croissance intervient dans un contexte de saturation des capacités d'hébergement en centres d'accueil des demandeurs d'asile. Les capacités d'accueil totales - hors nuitées d'hôtel - sont en effet aujourd'hui insuffisantes. Ainsi, près de 11 500 demandeurs d'asile sont actuellement hébergés hors de ce dispositif spécifique. Par exemple, en Ile-de-France, 3 500 personnes sont hébergées dans des structures de droit commun, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Cette situation conduit à priver d'hébergement les populations accueillies habituellement dans le cadre du dispositif d'urgence, et de nombreuses personnes isolées sont aujourd'hui dans une situation de grande précarité.
C'est dans ce contexte qu'avec d'autres sites celui de Montlieu, sur la commune d'Emancé, dans les Yvelines, a été choisi afin d'accueillir 300 demandeurs d'asile conventionnels, et non 350, voire 500.
Ce choix se justifie, d'une part, parce que le centre d'hébergement de Montlieu est un bien qui appartient à l'Etat et, d'autre part, parce qu'il est situé en région Ile-de-France où, vous le savez, monsieur le sénateur, la question de l'hébergement des demandeurs d'asile est particulièrement préoccupante.
Ce site est, en effet, situé en zone rurale.
Je vous indique par ailleurs, mais vous le savez probablement, que le site de Montlieu a été affecté par le passé à la protection judiciaire de la jeunesse - c'est ce à quoi vous faisiez allusion en disant que cette commune avait une tradition d'accueil - et qu'il avait accueilli alors plusieurs centaines de personnes. Je ne vois donc pas en quoi le changement d'activité de ce site constitue un problème. C'est, bien au contraire, l'occasion pour l'Etat, avec le concours de la SONACOTRA, de rénover ce site vieillissant et de régler certaines difficultés liées notamment à l'écoulement des eaux usées, dont vous venez de faire état. Une collaboration existe d'ailleurs entre le préfet des Yvelines et le maire d'Emancé dans ce domaine.
Je voudrais également vous rassurer sur les moyens humains mis en oeuvre sur ce site puisqu'une trentaine de personnes y travailleront, dont deux infirmières, six travailleurs sociaux, six animateurs, plusieurs gardiens et des agents de maintenance.
Deux classes seront ouvertes à l'intérieur du centre pour accueillir les mineurs des familles de demandeurs d'asile. Une convention avec le rectorat est en cours de préparation sur ce point.
Enfin, s'agissant des moyens médicaux mis en oeuvre, depuis le 19 décembre dernier, le préfet des Yvelines prépare, à la demande d'Elisabeth Guigou et en liaison avec la DDASS, une convention avec un établissement hospitalier.
Monsieur le sénateur, je tiens à vous rassurer : Emancé n'est pas Sangatte. Il n'est pas question d'y accueillir plus de 300 personnes. Il n'est pas davantage question d'y accueillir des personnes en situation irrégulière ou d'établir de manière permanente les demandeurs d'asile à Emancé puisqu'il ne s'agit que d'un centre de préaccueil.
M. Gérard Larcher. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher.
M. Gérard Larcher. Madame la secrétaire d'Etat, vos propos ne m'ont pas rassuré. Je me doutais bien que des animateurs, des infirmières et des enseignants seraient affectés à ce centre !
Permettez-moi de rappeler que le chiffre de cinq cents demandeurs d'asile à héberger émanait du ministère, qui, lors d'une réunion en septembre à la mairie d'Emancé, l'a ramené à trois cents ; le chiffre de cent vingt correspond quant à lui au nombre de jeunes qui étaient accueillis au titre de la protection judiciaire de la jeunesse. Mme le maire d'Emancé a fixé, à la lumière de ce qui se pratique ailleurs, à cinquante personnes la capacité d'accueil de sa commune, comme elle l'a rappelé hier dans la presse. Il ne s'agit donc pas d'un refus total !
En fait, le chiffre de trois cents personnes à accueillir correspond à l'équilibre financier de la SONACOTRA. Mais on ne conduit pas une politique, en matière de centres de premier accueil, au nom des équilibres financiers de la SONACOTRA ! Aujourd'hui, c'est donc un calcul strictement capitaliste qui amène à fixer à trois cents le nombre des demandeurs d'asile devant être hébergés sur le territoire de la commune d'Emancé. Outre que la SONACOTRA devra régler ses dettes liées à la gestion déliquescente qui a été la sienne antérieurement, je ne peux accepter que ses objectifs d'équilibre financier déterminent la politique d'accueil !
Comprenez-le bien, madame la secrétaire d'Etat, nous ne tournons pas le dos aux problèmes, nous les regardons en face. Je pourrais évoquer aussi le cas des Roumains qui ont été installés à Saint-Cyr-l'Ecole, commune en grande difficulté, au prétexte de l'existence d'un terrain militaire. Dans un premier temps, il avait été question de les établir aux Mureaux, où la situation est déjà très délicate !
A l'heure actuelle, c'est l'approximation qui prévaut s'agissant de l'accueil des demandeurs d'asile, conséquence d'une politique nationale qui me paraît d'ailleurs devoir être revue.
En tout cas, je peux affirmer, au nom des élus de ma région, que nous ne refusons pas d'affronter les problèmes, mais que nous n'accepterons pas qu'une commune soit en quelque sorte sacrifiée pour des motifs économiques, alors qu'elle a déjà, me semble-t-il, honoré de manière exceptionnelle sa tradition d'accueil.
M. Paul Blanc. Très bien !
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