Question de Mme LUYPAERT Brigitte (Orne - UMP) publiée le 07/11/2002
Mme Brigitte Luypaert attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les résultats d'une enquête réalisée par le mensuel " 60 millions de consommateurs " qui mettent en cause des pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre, semble-t-il, par certains fabricants et distributeurs de produits " bruns " (télé, hi-fi et vidéo) : ententes sur les prix, exclusivités de vente concertées... Elle le prie de bien vouloir préciser les mesures qu'il compte prendre visant à faire en sorte qu'une saine et libre concurrence puisse jouer dans ce secteur, qui soit véritablement profitable aux consommateurs.
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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 15/01/2003
Réponse apportée en séance publique le 14/01/2003
Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une enquête assez stupéfiante publiée dans le numéro du mois de novembre 2002 de la revue 60 millions de consommateurs, qui est l'émanation de l'Institut national de la consommation, et intitulée « Comment le cartel du brun a tué la concurrence », semble mettre en lumière certaines pratiques anti-concurrentielles qui, si elles étaient avérées, pourraient causer un préjudice considérable aux consommateurs.
C'est ainsi qu'en prenant comme base de comparaison un lecteur de DVD les enquêteurs de cette revue se sont rendu compte qu'un seul modèle a été trouvé dans douze magasins sur quatorze, ce, à un prix rigoureusement identique et, au demeurant, 10 % plus cher que sur les sites internet allemands.
En outre, s'agissant toujours de DVD, pas moins de deux cents références ont été trouvées pour vingt-neuf marques existantes ; aucun modèle de lecteur n'est vendu dans les six principales enseignes à la fois ; seuls 2 % des modèles de lecteurs se retrouvent dans cinq enseignes à la fois, soit 4 modèles sur 200. De plus 78 % des références ne sont proposées que par un seul distributeur et le choix par marque est curieusement très faible : alors qu'une marque très connue propose une vingtaine d'appareils, dans les points de vente on en trouve seulement de un à quatre. Chaque distributeur semble avoir ses références quasi-exclusives, mais si les références sont bien différentes, les appareils semblent se ressembler étrangement.
Dans ces conditions, si, en effet, chaque enseigne ne distribue que ses propres références de grandes marques, les consommateurs peuvent difficilement effectuer un comparatif de prix et donc faire jouer la concurrence. Or les exclusivités de vente concertées sont prohibées par l'article L. 420-1 du code de commerce, qui interdit de « répartir les marchés ».
Il en va de même des ententes sur les prix : au demeurant, le Conseil de la concurrence a déjà condamné une grande enseigne et des groupements de commerçants pour harmonisation de leurs prix, des fournisseurs pour refus de livrer à des revendeurs pratiquant des prix bas, des marques d'électroménager pour avoir fait pression sur certains distributeurs, afin qu'ils remontent leurs prix à la demande, semble-t-il, d'un autre distributeur.
Que dire, enfin, des engagements pris par de nombreux distributeurs de « rembourser la différence » si le consommateur trouvait, par miracle, un produit similaire meilleur marché dans une certaine zone de chalandise. Outre que, comme je viens de l'évoquer, les comparaisons de prix sont très difficiles à réaliser, ce slogan ne servirait-il pas, en réalité, à transformer les consommateurs en vigies permettant de signaler un distributeur moins cher sur un produit, lequel se verrait « invité » par son malheureux concurrent à aligner son prix vers le haut ? Cette pratique serait, dès lors, tout autant répréhensible, dans la mesure où le code de commerce interdit de « faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ».
J'ajoute qu'il semble surprenant de voir, en France, une aussi faible concurrence des produits bruns sur Internet, alors que celle-ci est bien plus importante à l'étranger.
Toutes les pratiques évoquées par 60 millions de consommateurs ont déjà été, par le passé, condamnées par le Conseil de la concurrence ou par la justice. Mais l'enquête réalisée en 2002 semble démontrer qu'elles se poursuivent, voire s'amplifient : tout semble fait pour annihiler la concurrence et maintenir, dans la mesure du possible, des prix élevés.
Ma question est donc simple : que comptez-vous faire, madame la ministre, afin qu'une saine et libre concurrence puisse jouer dans ce secteur et qui soit véritablement profitable aux consommateurs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Mme Luypaert a appelé mon attention sur des pratiques anticoncurrentielles qui ont été mises en oeuvre par certains fabricants et distributeurs d'appareils d'électronique grand public, communément appelés « produits bruns ». En effet, par une décision du 28 juin 2002, le Conseil de la concurrence a lourdement sanctionné pour entente anticoncurrentielle deux fabricants et cinq distributeurs de ce type d'appareils.
Cette décision est intervenue à la suite d'une enquête effectuée par la Direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes de 1989 à 1992, qui avait permis de mettre en évidence le fait que les distributeurs pratiquaient des prix identiques ou très proches pour les références des marques des deux fabricants mis en cause. Le Conseil de la concurrence a constaté que cet alignement des prix procédait d'une série d'ententes verticales entre fabricants et distributeurs sur les prix de vente au détail lors des négociations commerciales.
Ces ententes de prix, qui pénalisent le consommateur en faussant le libre jeu de la concurrence par les prix, constituent des pratiques anticoncurrentielles systématiquement relevées et sanctionnées par les autorités de la concurrence. Elles sont d'autant plus graves que les entreprises en cause sont des acteurs importants du marché.
Parallèlement à l'action vigilante de surveillance du marché menée par les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, différentes mesures législatives ont été prises pour renforcer la transparence des relations entre distributeurs et fournisseurs : ainsi, la loi du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales et la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ont introduit de nouvelles dispositions en matière de droit de la concurrence qui ont été intégrées dans le livre IV du code de commerce.
Nous veillerons à ce que le consommateur puisse largement bénéficier de ces mesures, qui ont pour objetde favoriser un fonctionnement plus concurrentiel du marché.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert. Je tenais simplement à vous remercier, madame la ministre, de votre réponse très détaillée.
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