Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - RPR) publiée le 21/11/2002
M. Jean-Louis Masson attire l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur le fait qu'il a répondu à sa question concernant l'étiquetage en français des produits mis en vente sur le territoire national. La réponse ministérielle ne correspond cependant pas exactement à la question car le décret pris récemment par le Gouvernement a pour but de permettre l'étiquetage à la fois en français et dans une langue étrangère des produits vendus. Au contraire, l'arrêt de la Cour européenne de justice voudrait, semble-t-il, qu'il soit possible de vendre un produit en l'étiquetant uniquement en anglais. Une telle démarche s'inscrit dans la logique de ceux qui voudraient imposer l'anglais comme langue européenne unique se substituant progressivement à toutes les autres langues dans le domaine des échanges économiques, et probablement même dans toute l'administration institutionnelle de l'Union européenne. La situation ainsi créée met en cause un intérêt vital pour la France. A titre préventif, le Gouvernement a annoncé un décret prévoyant que l'étiquetage en langue française peut être juxtaposé à celui dans une autre langue étrangère. Ce décret poursuit certes un objectif louable, mais le problème n'est pas là car la Cour européenne de justice prétend, elle, légaliser sur le territoire français l'étiquetage unique dans une langue étrangère. Il semble que la Cour européenne de justice outrepasse ses droits car aucune disposition des différents traités européens signés par la France ne prévoit une telle limitation imposée à l'obligation d'utiliser la langue française sur le territoire national. Toutefois, le décret annoncé par le Gouvernement français ne règle rien car il ne peut pas faire obstacle à la jurisprudence de la Cour européenne, qui s'imposera à chaque fois en cas de contentieux. C'est donc au niveau des instances mêmes de l'Union européenne, et en particulier au niveau du Conseil des ministres et de la Commission, que par le biais d'une directive ou par le biais d'un alinéa spécifique d'un futur traité, il doit être précisé que chaque pays est libre de prendre les mesures qu'il estime indispensables pour préserver sa langue et sa culture. Il lui demande donc ce que le Gouvernement envisage de faire en ce sens.
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Réponse du Ministère délégué à la coopération et à la francophonie publiée le 30/10/2003
L'honorable parlementaire a appelé l'attention du ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur le respect de l'usage de notre langue dans les documents disponibles pour les consommateurs de produits distribués en France. Il s'interroge sur les conséquences futures de l'arrêt rendu le 12 septembre 2000 par la Cour de justice des Communautés européennes et se demande s'il peut conduire, à terme, à une légalisation ou à une généralisation sur le territoire français de l'étiquetage unique en langue étrangère, processus qui serait préjudiciable à la préservation de notre langue et de notre culture. Cet arrêt avait été rendu en réponse à une question préjudicielle soulevée par la cour d'appel de Lyon sur la compatibilité de l'article R. 112-8 de notre code de consommation, lequel prévoit que les mentions d'étiquetage des denrées alimentaires doivent être rédigées en langue française, avec le droit communautaire. La Commission européenne avait par la suite interrogé les autorités françaises sur les conséquences qu'elles entendaient tirer de cet arrêt et exprimé à plusieurs reprises le souhait que la France mette sa législation en conformité avec l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes. Comme suite à un avis motivé de la commission, enjoignant à la France de s'exécuter, un décret, n° 2002-1025 en date du 1er août 2002, est venu modifier la rédaction de l'article R. 112-8 du code de consommation qui dispose dorénavant que " les mentions d'étiquetage prévues par le présent chapitre peuvent figurer en outre dans une ou plusieurs autres langues ". Ce décret, interprété au regard des dispositions de la loi du 4 août 1994 - loi Toubon relative à l'emploi de la langue française - a permis de mettre en conformité le droit national avec le droit communautaire. Les autorités françaises s'emploient activement à faire partager cette analyse aux services de la Commission qui estiment, en première approche, que les dispositions du décret du 1er août 2001 constituent une entrave à la libre circulation des marchandises en ce qu'elles autorisent à libeller les étiquettes des produits vendus en France dans une autre langue que le français, seulement dans la mesure où elles le sont également en français. Dans la pratique, l'étiquetage en plusieurs langues, dont le français, qui obéit à un double impératif de sécurité sanitaire et d'information, était déjà fréquent avant la modification de l'article R. 112-8 du code de la consommation, même si celui-ci ne le prévoyait pas explicitement. La France ne saurait renoncer à ce que les consommateurs disposent d'une information intelligible en français sur son territoire. C'est la raison pour laquelle, aux termes de l'article 2, alinéa 3, de la loi Toubon, seuls les produits typiques et spécialités d'appellation étrangère connus du plus large public sont dispensés de cette obligation. Le ministre délégué estime, avec l'honorable parlementaire, qu'il convient par ailleurs d'agir à un niveau normatif afin d'infléchir la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui entend limiter le plurilinguisme au nom de la libre circulation des marchandises. De ce point de vue, l'inscription, souhaitée par la France, du principe de la diversité des cultures et des langues dans le corps de la future constitution sera de nature à prévenir cette tendance en établissant un principe constitutionnel susceptible de contrecarrer les atteintes portées au plurilinguisme, au nom d'autres principes fondateurs de l'Union européenne. Sur un plan plus général, le Gouvernement partage pleinement le souci de l'honorable parlementaire de défendre et de promouvoir l'usage de la langue française dans les institutions européennes. La France mène une politique volontariste visant à consolider la présence de notre langue dans ces institutions en inscrivant son action dans une dynamique francophone afin d'en améliorer la cohérence et d'en accroître les moyens.
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