Question de M. TRÉGOUËT René (Rhône - RPR) publiée le 28/11/2002

M. René Trégouët rappelle à l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, les termes d'un article intitulé " Le parquet doit connaître une réforme profonde " publié, dans l'édition du 21 novembre 2002 du magazine L'Express. Un procureur général y propose de créer un " procureur général de la nation " qui serait responsable de la direction de l'action publique conduite par les parquets de l'ensemble du pays, rapprochant ainsi la France de la situation " de bien d'autres pays européens ". Entend-il donner suite à cette proposition et pour quelles raisons ?

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 25/09/2003

Le garde des sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire que la tradition française conçoit les magistrats du ministère public comme les représentants de la nation. Magistrat à part entière, garant à la fois de la protection des libertés individuelles et des intérêts généraux de la société, le procureur de la République tire son pouvoir propre directement de la loi, expression de la nation souveraine. Il agit au nom de la République, à qui l'ensemble des citoyens a délégué sa souveraineté. Il exerce l'action publique et détient l'opportunité des poursuites, qui est un acte extrêmement complexe compte tenu de ses différentes composantes. Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leur hiérarchie et sous l'autorité du garde des sceaux. Cette structure permet de donner une forte impulsion à la lutte contre les infractions à la loi pénale tout en garantissant le respect des pouvoirs propres des magistrats du parquet. Ainsi, nul ne peut empêcher ces derniers de poursuivre une infraction ou de prendre librement la parole. Le parquet met en oeuvre la politique pénale du Gouvernement, telle qu'elle est exprimée par le garde des sceaux, soit par des instructions dans une affaire particulière, soit par des directives générales. Par ailleurs, le Gouvernement doit pouvoir répondre de sa politique criminelle, de nature régalienne par essence, devant la représentation nationale et devant le peuple au moment des élections. Représentant de la nation, chargé d'assurer le respect de la loi, le parquet est en même temps invité à tenir compte du point de vue du Gouvernement et permettre à l'exécutif de le faire connaître aux magistrats du siège. Le ministre de la justice a ainsi le pouvoir d'enjoindre aux procureurs généraux de poursuivre tous les faits qui constituent une infraction à la loi pénale et de déposer dans toute procédure les réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, actuellement en cours d'examen par le Parlement, prévoit de clarifier ce fonctionnement en inscrivant dans le code de procédure pénale que le ministre de la justice veille à la cohérence de l'application de la loi pénale sur l'ensemble du territoire de la République. C'est cette conception du ministère public à la française, équilibre entre le respect des pouvoirs propres et de l'indépendance des magistrats du parquet et la nécessaire implication du Gouvernement dans cette tâche régalienne et essentielle au respect du pacte social, que les pouvoirs publics entendent défendre et promouvoir.

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