Question de Mme POURTAUD Danièle (Paris - SOC) publiée le 12/12/2002

Mme Danièle Pourtaud attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle sur l'avenir des délégations régionales aux droits des femmes et des centres d'information des droits des femmes. De nombreux centres d'information des droits des femmes et des délégations régionales connaissent des difficultés financières chroniques, voire insurmontables pour certains centres et délégations. Pourtant, le samedi 30 novembre dernier, lors de la session budgétaire, le Gouvernement a avalisé l'amendement de la commission des finances visant à amputer de 7 %, soit 1,25 million d'euros, les crédits destinés à financer " des interventions en faveur des droits des femmes ". Ces structures ont par ailleurs des incertitudes quant à l'avenir même des délégations et centres d'information dans le cadre de la loi sur la décentralisation. Elle souhaiterait savoir ce que Mme la ministre est en mesure de proposer pour préserver la politique d'information et de prévention que mènent ces centres et délégations.

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Réponse du Ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle publiée le 05/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/02/2003

M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, auteur de la question n° 122, adressée à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
Mme Danièle Pourtaud. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'avenir des délégations régionales aux droits des femmes et des centres d'information sur les droits des femmes, ou CIDF.
De nombreux centres d'informations sur les droits des femmes et des délégations régionales connaissent des difficultés financières chroniques, voire insurmontables pour certains d'entre eux.
Je prendrai l'exemple du CIDF de Caen, qui était particulièrement dynamique et actif et avait été sélectionné pour mener des actions au niveau européen. Une trésorerie délicate et le retard du règlement de ses prestations par ses créanciers publics - mairie de Caen, fonds européens... - ont conduit le tribunal à le placer en liquidation judiciaire le 6 décembre dernier.
Comme vous le savez, ce problème est chronique pour de nombreux centres, même s'il n'a pas encore atteint la même gravité ailleurs.
Dans votre discours prononcé le 4 juillet dernier à Caen, vous rappeliez que « le Gouvernement est attaché à la politique de dialogue et de proximité, une politique tournée vers l'égalité dans la vie quotidienne et la prise en compte de la spécificité des territoires... ».
Ces paroles louables et les faibles augmentations des budgets des centres prévues par le ministère pour 2003 n'auront pas suffi à sauver ce CIDF, dont vous ne pouviez ignorer la situation, puisqu'il concerne, si je ne m'abuse, votre département.
Pouvez-vous me dire, madame la ministre, ce que vous comptez faire pour la pérennité de cette structure ?
Par ailleurs, les personnels des délégations et des CIDF ont les plus grandes incertitudes sur leur sort dans le cadre de la loi relative à l'organisation décentralisée de la République proposée par le Gouvernement.
Il semblerait que vous envisagiez un désengagement total de l'Etat, la formation et l'égalité professionnelle étant confiées aux conseils régionaux, la contraception et la lutte contre les violences faites aux femmes aux départements, et la vie quotidienne aux municipalités.
Si tel était le cas, madame la ministre, cela s'apparenterait inévitablement au démantèlement complet de la politique en faveur des droits des femmes.
J'ajoute que, d'ores et déjà, la plus grande incertitude règne sur le sort des personnels de ces centres. Certaines déléguées régionales et départementales aux droits des femmes ont ainsi vu leur contrat renouvelé pour un an seulement, alors que ce sont des professionnelles de catégorie A, dont le contrat est renouvelable en principe tous les trois ans.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, ce qui justifie cette décision, qui s'apparente, selon moi, à une remise en cause du remarquable travail effectué par ces déléguées, dévouées à la cause des femmes et au service de l'Etat ?
Aujourd'hui, les Françaises ont pour première préoccupation l'égalité professionnelle et la lutte contre la précarité des femmes au travail. J'avoue que le signal que vous leur envoyez à travers la remise en cause des déléguées régionales et départementales à de quoi inquiéter nombre d'entre elles !
Je vous remercie donc, madame la ministre, de me dire ce que vous entendez faire pour préserver la politique menée au plus près du terrain par les CIDF et les délégations régionales, et pour éviter la précarité des personnels.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la sénatrice, croyez bien que je suis très sensible à l'intérêt que vous portez aux moyens d'actions de mon ministère et aux modalités d'exercice des missions relatives aux droits des femmes, à l'égalité professionnelle et à la parité.
S'agissant des moyens financiers, vous avez exprimé vos inquiétudes au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 2003. Vous connaissez d'ailleurs l'issue positive du vote de ce budget puisque, d'un commun accord, députés et sénateurs ont conclu que la réduction des crédits portait non pas sur les interventions en faveur des droits des femmes, mais sur une autre ligne de budget du travail, de la santé et de la solidarité. Je tiens à remercier les membres de la Haute Assemblée qui ont bien compris l'enjeu des politiques en faveur des droits des femmes et la nécessité de mener une action forte et déterminée en faveur de la parité et de l'égalité.
S'agissant des centres d'information sur les droits des femmes, j'attache une attention particulière à leur fonctionnement. Mais, vous avez raison, madame la sénatrice, nous avons trouvé ces centres dans un état de très grande vétusté financière. Un effort important doit être envisagé, car ils forment, avec le Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles, un réseau éminemment précieux, proche du public, et dont la mission est très importante pour l'accueil, l'information et l'orientation des femmes dans les domaines juridique, professionnel, économique, social et familial. Ils sont les partenaires privilégiés de l'Etat et de ses délégués, les chargées de mission départementales aux droits des femmes et à l'égalité, pour la conduite de la politique gouvernementale.
C'est pourquoi un effort budgétaire important - plus de 40 % du budget dont je dispose - est consacré au financement de ce réseau, même si, j'en conviens, des difficultés subsistent encore.
Il convient que les actions de ces centres soient également soutenues par les collectivités locales.
J'en viens aux services déconcentrés de l'Etat, c'est-à-dire les délégations régionales et les chargées de mission départementales aux droits des femmes et à l'égalité. A cet égard, madame la sénatrice, je ne sais pas pourquoi vous avez employé les termes « remise en cause ». Telle n'était nullement mon intention. J'ai voulu au contraire qu'un débat soit ouvert et qu'une réflexion soit engagée à l'occasion de l'évaluation nécessaire de ces services et de l'évolution de la décentralisation, afin de nous interroger sur la façon dont nous pouvons redéfinir ces missions, pour ne pas dire les élargir, et renforcer leurs conditions d'exercice.
En outre, la politique de l'égalité entre les hommes et les femmes doit être consolidée. L'Etat, garant de la cohésion sociale, est porteur de la politique d'égalité, qui représente un enjeu essentiel puisqu'on juge du degré de démocratisation d'une nation à la place qu'elle réserve aux femmes dans la société.
L'approche globale de l'égalité ne peut se transférer ; elle doit se partager.
La mobilisation en faveur de l'égalité doit être étendue aux collectivités territoriales.
Tout d'abord, en matière d'égalité professionnelle, les régions ont un rôle privilégié à jouer, ce qu'elles font d'ailleurs déjà. Vous avez bien voulu citer le département du Calvados. J'évoquerai l'exemplarité de la région Basse-Normandie qui a déjà intégré, dans son contrat de plan, cette dimension de la place et du rôle des femmes.
Par ailleurs, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et l'exclusion dont elles sont victimes, c'est au niveau départemental que les partenariats doivent se renforcer.
Enfin, c'est sur le plan communal et intercommunal, dans une relation de proximité, que nous devons rechercher l'amélioration de l'adéquation des solutions aux problèmes qui se posent. C'est en effet souvent là que les problèmes se présentent avec le plus d'acuité.
Vous le voyez, madame la sénatrice, il n'y a pas de désengagement de l'Etat. Mais il nous faut rechercher un nouvel équilibre des responsabilités entre l'Etat, les collectivités territoriales et les associations, encourager un renforcement des réseaux et des partenariats - j'insiste en effet sur la nécessaire coordination des moyens - afin de permettre des avancées décisives sur la voie de l'égalité.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je vous remercie, madame la ministre, de toutes les indications que vous avez bien voulu me communiquer. Je remarque toutefois que vous n'avez pas apporté d'éléments susceptibles de rassurer les personnels du CIDF de Caen et les femmes du département du Calvados.
L'Etat, garant de la cohésion sociale, est porteur de la politique d'égalité entre les hommes et les femmes, avez-vous dit. Je partage totalement votre volonté à cet égard. La « marche des femmes », au départ de Vitry-sur-Seine, nous rappelle d'ailleurs à quel point le chemin est encore long : en effet, dans notre pays, si l'égalité des droits entre hommes et femmes est inscrite dans les textes, elle est loin d'être acquise dans les faits. Nous serons donc très vigilants sur la manière dont l'Etat saura préserver cette égalité sur l'ensemble du territoire, quel que soit l'avenir de la loi relative à l'organisation décentralisée de la République.
Par ailleurs, nous serons également extrêmement attentifs aux conséquences des projets de réforme des modes de scrutin régionaux, européens, voire sénatoriaux, sur l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives.

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