Question de Mme LUYPAERT Brigitte (Orne - UMP) publiée le 15/01/2003
Mme Brigitte Luypaert demande à M. le ministre délégué aux libertés locales de bien vouloir préciser les mesures que le Gouvernement envisage de proposer visant à améliorer le statut de l'élu local notamment en ce qui concerne la formation, la retraite et l'aide au reclassement professionnel.
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Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 12/03/2003
Réponse apportée en séance publique le 11/03/2003
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert, auteur de la question n° 136, adressée à M. le ministre délégué aux libertés locales.
Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le ministre, la gestion des collectivités territoriales a considérablement évolué au cours des vingt dernières années, et les élus doivent faire face à une législation de plus en plus complexe. Ils ont aussi pour interlocuteurs des administrés de plus en plus exigeants.
Cela nécessite de leur part des connaissances accrues dans tous les domaines de compétences, une disponibilité de plus en plus importante, souvent peu compatible, en vérité, avec une vie professionnelle prenante, voire avec leur vie privée.
Cette situation n'a pas échappé au législateur qui, par deux fois, s'est préoccupé du sort des élus locaux, en 1992. Tout d'abord, par le vote de la loi relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, qui a prévu une première revalorisation des indemnités des maires et des adjoints, une possibilité de formation ainsi que des crédits d'heures leur permettant, théoriquement, d'exercer dans de meilleures conditions leur mandat. Ensuite, par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, qui a notamment prévu une nouvelle revalorisation des indemnités des élus.
Nous qui sommes des élus de terrain, nous sentons bien que, malgré toutes ces dispositions législatives, les maires, les adjoints, les présidents de communautés de communes éprouvent toujours autant de difficultés à concilier l'exercice de leurs mandats et leur vie professionnelle.
Tout d'abord, un constat s'impose, pour brutal qu'il soit : pour exercer un mandat local, mieux vaut être retraité ou, à la rigueur, salarié du secteur public que relever d'une profession indépendante ou être salarié du secteur privé.
Prenons pour seul exemple les crédits d'heures. Pour en bénéficier, un salarié du secteur public n'aura sans doute pas trop de difficultés à faire valoir ses droits auprès de sa hiérarchie ; il n'en va évidemment pas de même pour un salarié du secteur privé, notamment dans les petites entreprises, ni pour celui qui exerce une profession indépendante, secteur où le système est quasi inopérant. Il faut mettre fin à ce type d'injustice.
En ce qui concerne la formation des élus, il va de soi qu'elle est désormais plus qu'indispensable. La loi relative à la démocratie de proximité a prévu un triplement du nombre de journées de formation. Je me demande s'il ne conviendrait pas d'aller plus loin, notamment pour les nouveaux élus qui, pour certains, découvrent souvent au lendemain de leur élection la complexité de la gestion communale ou intercommunale.
S'agissant de l'aide au reclassement professionnel, elle concerne essentiellement les maires de villes importantes ayant fait le choix d'exercer à temps plein leur mandat. Leur verser une indemnité durant les six mois qui suivent la fin de leur mandat est bien, mais les aider à trouver un nouvel emploi serait encore mieux : pourquoi ne pas prévoir que l'ANPE leur accorde une priorité de reclassement ? (M. le ministre délégué s'étonne.)
Concernant le régime indemnitaire, les revalorisations intervenues méritent assurément d'être saluées, mais un problème n'a pas été réglé pour autant, à savoir la très grande pauvreté de nombreuses petites communes rurales dont les budgets ne peuvent pas supporter le paiement de ces indemnités revalorisées, indemnités auxquelles renoncent souvent, d'ailleurs, leurs élus. Il faut donc impérativement revaloriser l'indemnité « élu local » qui est justement versée, au titre de la DGF, aux communes de moins de 2 000 habitants pour, théoriquement, compenser l'augmentation des indemnités mais qui ne tient, malheureusement, nullement compte des dernières évolutions intervenues dans ce domaine.
Quant à la retraite des élus, force est de reconnaître que le régime IRCANTEC auquel ils sont affiliés ne verse que de maigres retraites, aussi faibles que l'étaient précédemment les retraites agricoles.
Certes, depuis quelques années, des systèmes de retraite, complémentaires par capitalisation ont été mis en place mais, outre le fait que l'un d'eux a déposé son bilan, ces régimes coûtent relativement cher à l'élu et à la collectivité et ne règlent pas le problème des élus plus anciens qui ont ou qui vont cesser d'exercer leur mandat.
M. Gérard César. C'est vrai !
Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le ministre, il est tout de même navrant que, après avoir exercé quelquefois pendant dix-huit ans un mandat de maire dans une petite commune, avec tout ce que cela a comporté comme contraintes, un ancien élu ne perçoive que quelques dizaines d'euros de retraite par mois !
Ce problème ne sera, selon moi, réglé que par la mise en place d'une caisse de retraite des élus locaux financée par toutes les collectivités au prorata de leur potentiel fiscal et dotée, en tant que de besoin, d'une subvention d'équilibre de l'Etat, comme cela vient d'être fait pour la retraite complémentaire des exploitants agricoles. Cela permettrait, par exemple, de prévoir un minimum décent de retraite pour chaque élu qui devrait atteindre, dans le cas que je viens de citer, la somme de 300 euros : demander 300 euros de retraite pour dix-huit années de mandat ne me paraît nullement excessif !
J'ose espérer que le Gouvernement sera attentif aux préoccupations que je viens d'évoquer et mettra tout en oeuvre afin de faciliter l'exercice du mandat des miliers de nos collègues maires, adjoints, présidents de communautés de communes qui se dépensent sans compter au service de leurs concitoyens.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Madame la sénatrice, je formulerai deux observations préalables.
Tout d'abord, il convient de rappeler - même si la réponse n'est guère satisfaisante - le principe selon lequel être élu, c'est d'abord servir, sur la base du volontariat. Par conséquent, il ne saurait être question de professionnalisme ou de revendications catégorielles. C'est le civisme qui nous conduit à exercer des mandats publics, à vouloir améliorer la situation de nos concitoyens et il doit rester le moteur principal. Je déplorerais que cela fût oublié face à des revendications catégorielles.
Par ailleurs, du fait de l'éparpillement des collectivités, le nombre d'élus locaux s'élève à 500 000. C'est une caractéristique française au sein de l'Europe. C'est pourquoi il est plus difficile pour la France que pour d'autres pays européens d'indemniser les élus et de leur donner des droits supplémentaires, le coût de telles mesures étant notablement plus important.
Aussi, dès la loi du 27 février 2002, nous sommes-nous orientés vers l'intercommunalité, qui peut constituer une solution pour indemniser davantage les élus et pour améliorer leur retraite et leur formation. En France, il convient de le rappeler, un nombre considérable de petites communes ont moins de cent habitants. S'il faut indemniser tout le monde, le budget sera fortement amputé !
Madame la sénatrice, vous l'avez indiqué, la récente loi du 27 février 2002 a mis en place un corps de règles applicables aux élus locaux. Par conséquent, avant de franchir une étape supplémentaire, sans doute faut-il expérimenter davantage cette loi et attendre que tous les décrets d'application aient été publiés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Cette loi a d'ailleurs donné lieu à une importante contribution du Sénat et, si vous la trouvez insuffisante, peut-être faut-il d'abord envisager la question au sein de la Haute Assemblée.
J'observe, et ce n'est pas rien, que le droit à congé de formation a été triplé, passant de six à dix-huit jours. Avant de faire mieux, commençons déjà par expérimenter cette nouvelle durée. Je remarque, moi, que les congés de formation sont peu utilisés. Dès lors, à quoi cela servirait-il de renforcer ce droit s'il est sous-employé ?
Vous le savez, l'assemblée délibérante de la collectivité était invitée, dans les trois mois suivant son renouvellement, à se prononcer sur l'exercice du droit à formation. Or l'on constate que, souvent, elle ne l'a pas fait. Certes, cette loi étant récente, la pratique n'est sans doute pas encore entrée dans les moeurs. On peut le comprendre, et c'est pourquoi il faut justement attendre avant de vouloir éventuellement l'améliorer encore.
S'agissant de la retraite, des progrès sensibles ont été enregistrés. Vous les jugez insuffisants, mais, un an après l'entrée en vigueur de la loi, il faut, je crois, s'en satisfaire. J'ajoute que l'avenir du régime de retraite des élus est lié à la réflexion sur l'avenir de l'ensemble des retraites et ne peut pas être traité isolément.
Vous avez aussi souligné la différence qui peut exister entre un élu salarié d'une petite entreprise et un élu fonctionnaire. J'ajoute même que, selon que l'élu fait partie d'une grande entreprise ou d'une micro-entreprise, les libertés ne peuvent pas être les mêmes. Vous trouvez cela injuste, mais la survie économique d'une micro-entreprise requiert une disponibilité beaucoup plus grande. La taille de l'entreprise a une incidence importante.
Le mieux est souvent l'ennemi du bien : si vous contraignez davantage les responsables de PME dans le domaine des congés ou de la disponibilité, ils n'emploieront tout simplement plus d'élus. Le cumul d'activités sera impossible parce qu'il mettra la cellule économique en péril.
Je veux vous indiquer que deux décrets d'application seront prochainement soumis à la concertation. Ils détermineront les modalités de perception de l'allocation, le taux de cotisation des collectivités contributrices au fonds de financement ainsi que l'assiette de celui-ci, s'agissant des indemnités de reclassement professionnel.
Par ailleurs, les maires de communes de plus de 1 000 habitants, les adjoints de communes de plus de 20 000 habitants, les présidents et vice-présidents de conseils généraux, régionaux et d'établissements publics de coopération intercommunale qui ont abandonné leur activité professionnelle pour l'exercice de leur mandat peuvent déjà bénéficier d'une formation professionnelle et d'un bilan de compétences, de même que d'un congé de formation. Le droit à autorisation d'absence et à crédit d'heures a, en outre, été largement étendu.
Avant de faire un pas supplémentaire, expérimentons les grandes avancées dont le principe a été adopté voilà encore si peu de temps.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le ministre, être élu, c'est se mettre au service des habitants d'une collectivité. Toutefois, les communes rurales n'ont rien à voir avec les villes plus importantes...
M. Gérard César. C'est vrai !
Mme Brigitte Luypaert. ... et, souvent, le maire ne dispose d'aucun collaborateur. Le temps donné par l'élu coûte très peu cher à la collectivité. Les budgets sont faibles.
Les maires, il est vrai, utilisent peu leur droit à la formation ; peut-être ont-ils du mal à se rendre disponibles. De ce fait, de nombreuses catégories professionnelles ne sont pas représentées parmi les élus. Qu'elles puissent l'être apporterait certainement une richesse à la conduite de nos collectivités.
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