Question de Mme BIDARD-REYDET Danielle (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 24/01/2003
Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche quant au devenir de la recherche sur les sciences de la vie en France et plus particulièrement sur l'entreprise Aventis. Le personnel du site de Romainville, suite à l'annonce de la restructuration annoncée le 18 octobre 2002 par la direction, a décidé de proposer un projet alternatif qui permettrait de préserver les compétences, les infrastructures, et les emplois. Il permettrait de développer la recherche dans la chaîne du médicament en matière de produits anti-infectieux. Ce projet s'inscrit, par ailleurs, dans les préoccupations de la Commission de Bruxelles. Ce projet vient d'être présenté au comité central d'entreprise. Elle lui demande ce qu'il compte faire pour soutenir ce dossier.
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Réponse du Ministre délégué à la recherche et aux nouvelles technologies publiée le 26/02/2003
Réponse apportée en séance publique le 25/02/2003
Mme Danielle Bidard-Reydet. Madame la ministre, ma question porte sur l'avenir de la recherche sur les sciences de la vie en France et, plus particulièrement, sur l'avenir de l'entreprise Aventis.
Aventis, issu de l'ex-Rhône-Poulenc Rorer et de l'ex-Roussel-Uclaf, est composé de centres d'expertise depuis des décennies. L'expertise et le savoir-faire des chercheurs, notamment de Vitry et de Romainville, ont permis la découverte et la mise à disposition de médicaments innovants parmi lesquels la RU 486 et, le dernier-né, l'antibiotique Ketek.
Depuis la création d'Aventis, les abandons se sont multipliés. En France, en 1999, Aventis comptait 2 867 chercheurs et scientifiques contre 2 210 aujourd'hui. Ne subsistent actuellement que les recherches dans les domaines anti-infectieux, l'oncologie et les maladies d'Alzheimer et de Parkinson.
Le nouveau projet de restructuration présenté par les dirigeants prévoit d'abandonner la recherche, notamment sur la maladie de Parkinson et sur les anti-infectieux, mais tente de minimiser ce désengagement en externalisant une partie de cette activité, qui serait alors limitée à 80 personnes. Le plan prévoit également la suppression de plus de 660 postes de recherche et d'appui, ainsi qu'un désengagement total du site ultramoderne de Romainville, soit plus de 1 000 salariés.
Seules resteraient en France les recherches en oncologie et une partie des recherches sur la maladie d'Alzheimer, suivies également aux Etats-Unis, qui détiennent par ailleurs la responsabilité de cet axe de recherche.
Si Aventis se désengage de la France, il renforce sa présence aux Etats-Unis avec l'embauche de 400 scientifiques en trois ans. Le jour où quelques laboratoires américains auront le monopole des médicaments pour ces maladies, ils pourront fixer leurs prix et décider seuls des pays auxquels ils les fourniront !
Dans ce contexte, les possibilités de découvrir des médicaments innovants seront réduites. C'est d'autant plus dramatique que les maladies infectieuses tuent dans le monde 17 millions d'être humains chaque année. Il est naturellement indispensable d'amplifier les recherches sur les vaccins pour combattre les maladies d'origines bactériennes ou virales, mais cela ne remplacera pas la nécessaire découverte de nouveaux antibiotiques et de nouveaux antiviraux.
Les dangers révélés du bioterrorisme montrent, par ailleurs, qu'il est absolument nécessaire pour un pays d'avoir sur son territoire des capacités de recherche et de production de médicaments susceptibles de répondre à toute urgence.
L'ensemble de la communauté scientifique et médicale est d'accord pour reconnaître qu'il faut renforcer les recherches sur les maladies infectieuses, qui constituent un problème majeur de santé publique. C'est une question stratégique.
Les salariés d'Aventis, soutenus par de nombreux chercheurs, ainsi que par des élus territoriaux et nationaux, se sont mobilisés pour que la direction d'Aventis retire son plan de restructuration. Ils ont également proposé un projet qui vient d'être refusé.
Ce texte alternatif prévoit le maintien, voire le développement du potentiel de recherche autour des anti-infectieux en s'appuyant sur l'infrastructure, les plateaux technologiques et les expertises présentes sur le site de Romainville. Plusieurs recherches - dans les domaines des antibactériens et des antifongiques - sont à des niveaux d'avancement permettant d'envisager l'arrivée de nouvelles molécules dans six à sept ans. Le Ketek pédiatrique issu de Romainville est en cours de développement avec l'ambition d'une mise sur le marché en 2003 ou en 2004. Un axe antiparasitaire répondant au problème majeur de santé publique des pays du Sud pourrait également être créé.
Le projet des salariés prévoit la participation des pouvoirs publics, qui pourraient fixer des axes de recherche prioritaires pour la santé publique, celle des instituts de recherche publique, tels que le CNRS, l'INSERM, le CEA, celle des fondations, comme l'Institut Pasteur, qui pourraient s'appuyer sur ce pôle de recherche et de développement du médicament pour prolonger leurs travaux en trouvant et développant des molécules pouvant devenir des médicaments innovants. L'OMS et des fonds européens pourraient financer ces projets constituant des priorités mondiales.
Enfin, Aventis pourrait y participer.
Les élus du personnel ont présenté ce projet aux conseillers des ministères de l'industrie, de la recherche, de la santé et du travail, qui ont souligné l'intérêt que celui-ci présentait pour le maintien et le développement de la recherche et de l'industrie pharmaceutique dans notre pays.
Le Gouvernement peut être un acteur déterminant en incitant Aventis à étudier et à travailler ce projet avec les pouvoirs publics, les collectivités territoriales, la communauté scientifique et les élus du personnel.
Je vous demande, madame la ministre - et je sais combien vous êtes attachée à la recherche -, de soutenir concrètement ce dossier et d'agir rapidement auprès d'Aventis pour éviter un démantèlement programmé à court terme. Le Gouvernement doit s'engager pour maintenir le potentiel de la recherche médicale et pharmaceutique en France.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Madame Bidard-Reydet, je vous remercie de ce plaidoyer bien argumenté en faveur des activités de recherche pharmaceutique en général et, plus particulièrement, en faveur du site de Romainville.
Le projet de reconversion défendu par les élus du personnel, représentants de la CGT et de la CFDT, nous a en effet été soumis il y a quelques semaines. Vous le savez, je vous le confirme, l'évolution du site de Romainville est suivie très attentivement par mes collaborateurs.
J'ai pris connaissance personnellement et de façon détaillée du projet Nereïs qui nous a été présenté. Vous avez bien montré, à travers de votre argumentaire, l'aspect réellement intéressant de ce concept de pharmapôle consacré au développement du médicament, notamment dans le domaine des anti-infectieux. Vous avez souligné l'aspect stratégique que doit revêtir ce projet en associant étroitement les partenaires publics et les partenaires privés. Ce programme ambitieux mérite toute notre attention.
Cependant, à la première lecture, ce projet n'en est qu'à un stade préliminaire. En particulier, il ne comporte pas d'étude de faisabilité, qu'il s'agisse des investissements nécessaires, des partenaires mobilisables - vous en avez cités - ou des porteurs scientifiques. Son dimensionnement doit également être précisé en fonction de la mobilisation des acteurs privés. En effet, ce projet n'a de sens - chacun en conviendra - que s'il répond à une logique de développement économique fondée sur la recherche et l'innovation.
Il faut encore travailler à l'élaboration de cette proposition, et le dialogue doit être mené en ce sens entre les différents ministères concernés et Aventis, qui dialoguera ensuite avec son personnel.
Plus globalement, vous avez aussi posé le problème de l'appauvrissement progressif de notre pays, au cours des dix dernières années, dans le domaine de la recherche pharmaceutique. Nous devons impérativement engager des actions à très court terme pour contrecarrer ce phénomène, car cette tendance doit bien évidemment être inversée. Certes, les solutions ne sont pas simples, et ce n'est sûrement pas en employant des méthodes coercitives que nous y parviendrons. Nous devons plutôt engager des actions attractives et, bien sûr, jouer le plus possible la carte des synergies entre l'industrie pharmaceutique et la recherche académique.
Dans cette optique, tous les départements ministériels concernés, notamment le ministère de la recherche et des nouvelles technologies, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi que le ministère de la santé, de la famille et des personne handicapées, sont en train d'élaborer une stratégie spécifique dans le domaine des biotechnologies. A la fin du mois de décembre, en collaboration avec Mme Nicole Fontaine, nous avons présenté ce plan de soutien à la recherche et à l'innovation, comprenant des mesures déjà bien ciblées, mais assez largement ouvertes à toute jeune entreprise, qui pourrait être ainsi renforcée dans son action. En outre, d'ici à la fin du premier semestre 2003, nous présenterons un plan spécifique consacré aux biotechnologies, incluant d'ailleurs les biotechnologies végétales, pour lesquelles peu d'actions sont actuellement conduites. Nous sommes très mobilisés sur tous les aspects des biotechnologies, lesquelles représentent bien sûr un fort potentiel économique et ont d'importantes conséquences sur la santé publique. Ce sont des domaines dans lesquels nous souhaitons tous voir des progrès pour le bien-être de chacun de nos concitoyens.
S'agissant du plan de restructuration de Romainville, le Gouvernement portera un regard particulier pour valoriser au mieux les compétences exceptionnelles qui sont présentes sur ce site, aussi bien en termes de compétences humaines - et vous l'avez souligné - qu'en termes de ressources et de matériels, d'expertise acquise depuis de nombreuses années. Nous prendrons bien sûr en compte les propositions constructives du comité central d'entreprise.
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je vous remercie, madame la ministre, de votre longue réponse qui comporte des éléments très positifs. Vous avez indiqué que certains aspects du projet doivent être complétés - et tout le monde est d'accord sur ce point -, mais il y a des urgences à prendre en compte. En effet, les salariés d'Aventis savent que, dans quelques semaines, la société veut fermer le site de Romainville. Il est donc urgent de nouer dès à présent des contacts avec la société Aventis, de façon que ce site ne soit pas fermé. C'est essentiel.
Je rappelle que les bénéfices annuels de la société Aventis sont loin d'être négligeables. Ce qui se passe, notamment à Romainville, c'est non seulement un enjeu national - vous l'avez souligné -, mais également un enjeu international, comme je l'ai indiqué.
Je me permets d'insister : le Gouvernement doit intervenir d'urgence. A cet égard, peut-être pourrait-on réunir très rapidement une table ronde, sur l'initiative du ministère avec tous les intéressés pour travailler, comme vous le souhaitez, sur un projet dont certains aspects pourraient être complétés et qui permettrait de sauvegarder ce très bel outil de travail pour la recherche pharmaceutique et médicale qu'est le site de Romainville ?
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