Question de M. TRÉMEL Pierre-Yvon (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 31/01/2003
M. Pierre-Yvon Trémel attire l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur les établissements scolaires publics dispensant l'enseignement d'une langue régionale à parité égale avec le français. En effet, le Conseil d'Etat a, par décision du 29 novembre 2002, annulé l'arrêté du 31 juillet 2001 relatif à la mise en place d'un enseignement bilingue en langues régionales. L'enseignement bilingue en langues régionales relève en grande partie de l'enseignement public et présente aujourd'hui un excellent bilan. La croissance permanente des effectifs le démontre. Les résultats scolaires y sont particulièrement encourageants. Enfin, son implantation depuis une vingtaine d'années a permis de capitaliser un savoir-faire pédagogique tout à fait remarquable et largement reconnu au sein même de l'éducation nationale. La conséquence de cette décision doit rapidement être analysée afin d'assurer la pérennité des classes publiques bilingues. Il faut par ailleurs noter que, très récemment, une délégation de la Flarep (Fédération langues régionales de l'enseignement bilingue) a été reçue au ministère de l'enseignement scolaire qui s'est voulu rassurant en indiquant que l'enseignement bilingue paritaire dans l'enseignement public n'était pas hors la loi. Aussi, s'interrogeant sur le fondement juridique d'une telle affirmation au regard de l'appréciation émise par le Conseil d'Etat, il lui demande de bien vouloir l'informer de son analyse sur ce dossier, et des dispositions qu'il envisage de prendre pour développer durablement, dans un cadre juridique solide, les classes bilingues de langues régionales dans l'éducation nationale. Cette clarification aurait sans doute son utilité à être prolongée vers la définition d'un véritable statut des classes européennes.
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Réponse du Ministère délégué à l'enseignement scolaire publiée le 12/03/2003
Réponse apportée en séance publique le 11/03/2003
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, auteur de la question n° 162, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation des établissements scolaires publics dispensant l'enseignement d'une langue régionale à parité horaire avec le français. C'est un sujet que vous connaissez bien ; j'ai entre les mains un exemplaire du Bulletin officiel du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche d'avril 1995, dans lequel figure une circulaire signée de M. Xavier Darcos sur le sujet. (Sourires.)
Le Conseil d'Etat, saisi sur l'enseignement immersif dans les écoles Diwan, a, par décision du 29 novembre 2002, annulé l'arrêté ministériel du 31 juillet 2001 relatif à la mise en place d'un enseignement bilingue en langues régionales.
Cet enseignement bilingue en langues régionales relève, en grande partie, de l'enseignement public et présente aujourd'hui un excellent bilan. La croissance permanente des effectifs le démontre. Les résultats scolaires y sont particulièrement encourageants. Son implantation depuis une vingtaine d'années a permis de capitaliser un savoir-faire pédagogique tout à fait remarquable, d'ailleurs largement reconnu au sein même de l'éducation nationale.
La conséquence de cette décision du Conseil d'Etat doit rapidement être analysée afin que soit assurée la pérennité des classes bilingues. Il faut par ailleurs noter que, très récemment, une délégation de la FLAREP, la Fédération des langues régionales de l'enseignement bilingue, a été reçue au ministère de l'enseignement scolaire, qui s'est voulu rassurant en indiquant que l'enseignement bilingue paritaire dans l'enseignement public n'était pas « hors la loi ».
Aussi, m'interrogeant sur le fondement juridique d'une telle affirmation au regard de l'appréciation émise par le Conseil d'Etat, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous me fassiez part de votre propre analyse sur ce dossier et des dispositions que vous envisagez de prendre pour développer durablement, dans un cadre juridique solide, les classes bilingues de langues régionales dans l'éducation nationale.
Il serait sans doute utile que cette clarification débouche sur la définition d'un véritable statut des classes européennes.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, les langues régionales sont, et nous l'avons compris depuis longtemps à l'éducation nationale, des outils de développement culturel dans l'ensemble des régions dans lesquelles elles sont enseignées, spécifiquement dans la région que vous représentez. Elles sont d'ailleurs une part inaliénable de notre patrimoine national.
Il convient donc de les développer, de les promouvoir et de les protéger lorsque cela s'avère nécessaire, et ce, bien sûr, dans le respect des lois de la République et des principes qui la fondent, dont le principe de l'unicité de la langue.
Je tiens à vous rassurer, monsieur le sénateur, ainsi que l'ensemble des parlementaires qui connaissent dans leurs circonscriptions une forte tradition d'apprentissage des langues régionales. En effet, les décisions de la haute juridiction du 29 novembre 2002 n'ont jamais fait peser de menace réelle sur cet enseignement.
Au contraire, elles permettent de clarifier le cadre méthodologique de l'enseignement bilingue des langues régionales dans les établissements scolaires.
La décision du Conseil d'Etat du 29 novembre 2002 ne concerne qu'une forme d'enseignement des langues régionales : la méthode dite de « l'immersion », considérée comme incompatible avec la loi du 4 août 1994, qui dispose que la langue d'enseignement est le français.
En revanche, cette décision ne remet pas en cause l'enseignement bilingue à parité horaire tel qu'il existe dans nombre d'écoles et d'établissements. Le juge administratif exige simplement, pour ce qui concerne cette méthode d'apprentissage, une définition rigoureuse des horaires entre le français et la langue régionale enseignée, afin que l'on soit assuré qu'une partie des enseignements des différentes disciplines se fait effectivement en français. Vous savez, cher monsieur Trémel, que, dans les écoles Diwan, on en arrivait à ce qu'une partie des disciplines scientifiques soient enseignées en anglais parallèlement au breton, situation pour le moins paradoxale !
Nous avons donc pris acte de la position de la haute juridiction. Un projet d'arrêté destiné à se substituer à l'arrêté annulé du 31 juillet 2001 est en cours d'élaboration et sera présenté au Conseil supérieur de l'éducation le 13 mars prochain.
Le dispositif réglementaire d'enseignement des langues régionales sera ainsi pleinement actualisé. Il confortera l'assise réglementaire de l'enseignement bilingue à parité horaire et garantira la poursuite de son développement.
Je peux donc vous rassurer, monsieur Trémel, la décision du Conseil d'Etat n'aura pas d'effet direct sur les 10 000 enfants qui sont actuellement scolarisés suivant ce système dans votre région.
Je voudrais également, puisque vous avez évoqué le sujet, vous apporter le même apaisement concernant les classes européennes. Celles-ci s'inscrivent dans une démarche dynamique d'enseignement des langues vivantes. C'est un dispositif performant, dont les recteurs organisent la cohérence dans le cadre de cartes définies à l'échelon académique ; la Bretagne est un modèle en la matière. Aujourd'hui, 2 500 classes sont ouvertes dans la plupart des académies.
La scolarité y est sanctionnée par une mention spéciale portée sur le diplôme du baccalauréat, mention qui n'est inscrite que si l'élève justifie d'un niveau suffisant de maîtrise de la langue concernée.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse complète.
L'arrêt du Conseil d'Etat avait suscité des interrogations, voire des confusions. Il me semblait important que les choses soient clarifiées, ce à quoi vous vous êtes employé. Chacun examinera attentivement les éléments d'information que vous nous avez fournis.
J'espère que, grâce à l'arrêté qui sera pris au mois de mars, l'enseignement bilingue sera garanti et que seront préservées ses caractéristiques auxquelles nous tenons beaucoup ainsi que la continuité de la scolarisation au collège et au lycée.
De nombreux élus suivent ce dossier et vous sont reconnaissants, monsieur le ministre, de faire en sorte que la poursuite de cet enseignement bilingue contribue à la sauvegarde du patrimoine que constituent les langues régionales.
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