Question de M. DREYFUS-SCHMIDT Michel (Territoire de Belfort - SOC) publiée le 27/02/2003
M. Michel Dreyfus-Schmidt demande à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales s'il n'estime pas, comme lui, qu'il est nécessaire de former spécifiquement les forces de l'ordre à la pratique de l'interrogatoire, cette formation comportant un enseignement en matière des droits de l'homme. Qu'en est-il d'une telle formation aujourd'hui ? Existe-t-elle ? Est-elle en harmonie avec les instruments internationaux et européens, préconisant cette formation, auxquels la France a souscrit, telle la Convention des Nations unies contre la torture de 1984 ? En outre, l'élaboration d'un code de conduite pour les interrogatoires des personnes soupçonnées d'une infraction pénale n'est-elle pas une exigence ? Dans l'affirmative, dans quels délais compte-t-il le mettre en chantier puis le publier ?
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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 19/06/2003
Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a demandé le 15 janvier dernier au directeur général de la police nationale de faire préparer une circulaire relative à la garantie et à la dignité humaines des personnes gardées à vue, afin d'harmoniser les conditions matérielles de la garde à vue et les pratiques professionnelles, avec la lettre et l'esprit de la législation en vigueur ainsi qu'avec l'évolution de la jurisprudence européenne des droits de l'homme, en vue de répondre aux normes modernes d'un Etat de droit. Cette démarche fait suite à une première demande à l'inspection générale de la police nationale dès novembre 2002 d'une étude spécifique réalisée par un groupe de travail portant sur les mesures susceptibles de renforcer la garantie de la dignité des personnes gardées à vue. Cette circulaire devra préciser la place de la dimension déontologique lors de l'enquête d'investigation menée par les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale. Toutefois, sans attendre la finalisation de ce texte, le ministre a adressé le 11 mars dernier aux responsables de la police et de la gendarmerie nationales des instructions relatives à la garantie de la dignité des personnes placées en garde à vue, qui précisent que la violence dont les policiers peuvent être amenés à faire usage n'est légitime que dans la mesure où elle s'exerce de façon proportionnée au but à atteindre et dans le respect du droit à l'intégrité physique et morale édicté par la Convention européenne des droits de l'homme. De même, il est rappelé aux fonctionnaires de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale que, dans le cadre des mesures administratives à l'égard d'un prévenu - présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit jugé coupable par un jugement devenu définitif -, la pratique de la fouille avec déshabillage systématique doit demeurer l'exception au profit de la palpation de sécurité qui devient le régime de droit commun. Si des vérifications plus poussées paraissent nécessaires, elles ne pourront l'être qu'après avis d'un OPJ détenant des éléments lui permettant d'apprécier la dangerosité des personnes concernées. Par ailleurs, il est précisé que le menottage est soumis aux conditions édictées par l'article 803 du code de procédure pénale - lié à la dangerosité de l'individu - et que le serrage excessif est bien évidemment proscrit. Les instructions du ministre précisent également l'attention qu'il convient de porter aux conditions matérielles de la garde à vue (surveillance, soins, alimentation, repos, hygiène) et indique qu'un officier de police, ou à défaut un gradé du corps de maîtrise et d'application aura la charge du suivi administratif de l'ensemble des personnes gardées à vue, en liaison avec les OPJ. Ces dispositions font l'objet d'instructions écrites, au niveau de chaque service de police ou unité de gendarmerie. Enfin, ces instructions indiquent que le ministère de la justice sera associé au groupe de travail précité chargé de proposer de nouvelles mesures propres à renforcer et à garantir la dignité des personnes gardées à vue. En outre, un guide pratique de déontologie de la police nationale élaboré par le Haut Conseil de déontologie est diffusé depuis le premier semestre 1999 dans toutes les structures de formation initiale et continue de la police nationale. Ce guide a pour objet d'expliciter les dispositions du décret du 18 mars 1986 relatif au code de déontologie de la police nationale, elles-mêmes reprises par l'arrêté du 22 juillet 1996 portant règlement général d'emploi de la police nationale. Ce document aborde notamment le comportement des fonctionnaires lors du recueil des dépositions, celui à l'égard des auteurs d'infraction et l'usage des pouvoirs de contrainte. Par ailleurs, la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes a introduit dans le code de procédure pénale de nouvelles dispositions favorables aux prévenus en matière de garde à vue : notification au gardé à vue de la possibilité de faire prévenir sa famille sans délai sauf décision contraire du procureur de la République, enregistrement audiovisuel des interrogatoires de mineurs placés en garde à vue, recours à un interprète en langue des signes en cas de surdité du prévenu, mention des heures pendant lesquelles la personne a pu s'alimenter pendant cette période. S'agissant plus précisément de la formation, les programmes de scolarité des trois corps de la police nationale visent à donner aux futurs policiers le maximum de capacités professionnelles et, à cette fin, mettent l'accent sur le respect de la citoyenneté, des valeurs de la République. Dans le cadre du nouveau schéma directeur de la formation dans la police nationale (2003-2007), des instructions ont été données pour que cet accent soit encore renforcé. Ainsi les dispositions du code de déontologie précité sont rappelées tout au long de la formation des policiers, étant précisé que les dispositions de la convention des Nations unies contre la torture sont prises en compte dans l'enseignement des règles déontologiques. Pour le corps de maîtrise et d'application de la police nationale, un volume horaire d'environ 20 heures y est réservé sous forme de cours magistraux, de conférences ou d'exercices pratiques. L'objectif de formation repose sur l'apprentissage des droits et devoirs inhérents à la profession de policier. Il est particulièrement présent lors des enseignements consacrés aux techniques policières et plus particulièrement lors des auditions ou interrogatoires. Pour les élèves officiers et commissaires, un volume horaire moyen de 10 heures est consacré à cette matière, avec la particularité d'être abordé de manière transversale aussi bien à l'occasion des enseignements professionnels que lors des stages pratiques. En outre, la formation des commissaires inclut l'étude de la Convention européenne de lutte contre la torture et les traitements inhumains dégradants et les droits fondamentaux de l'homme. Cet aspect est d'ailleurs rappelé lors des cours de procédure pénale consacrés aux auditions. Par ailleurs, dans le cadre du travail de rénovation portant actuellement sur la scolarité des officiers et gardiens de la paix, cet aspect fait l'objet d'une attention toute particulière. En formation continue, la pratique de l'interrogatoire fait l'objet d'actions de formation telles que l'audition - interrogatoire sous enregistrement vidéo ainsi que la formation à la psychologie, du témoignage et à l'entretien cognitif. Cette thématique est développée transversalement dans le cadre d'actions de formation relatives aux victimes, à l'audition de l'enfant victime, dans le cadre des disparitions inquiétantes, ainsi celui sur l'audition des auteurs d'infractions. Dans toutes ces actions de formation, la déontologie est systématiquement mise en exergue. De manière générale, les formateurs abordent les principes déontologiques de manière plus appuyée à l'occasion des stages consacrés aux actes de police et aux situations professionnelles, avec comme objectif l'acquisition d'une maîtrise exemplaire des comportements. Par ailleurs, dans le cadre de la formation pour l'obtention de la qualité d'officier de police judiciaire de l'article 16 du code de procédure pénale, 31 heures sont consacrées aux libertés publiques, matière au sein de laquelle la déontologie est abordée. Le développement des compétences en matière d'interrogatoire est assuré au travers d'exercices pratiques permettant une mise en situation. De plus, avec le concours de l'inspection générale de la police nationale, des cas réels anonymés seront présentés en formation initiale et continue. Enfin, les instructions précitées du ministre en date du 11 mars, en matière de rappel des conditions de gardes à vue, seront intégrées dans les contenus des formations tant initiale que continue.
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