Question de M. MERMAZ Louis (Isère - SOC) publiée le 07/03/2003
Question posée en séance publique le 06/03/2003
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'aurais voulu poser ma question à M. de Villepin, mais je comprends parfaitement que, compte tenu des circonstances, il ne puisse pas être parmi nous cet après-midi.
J'aurais voulu lui poser cette question en raison du tort que causent au renom de la France une opération telle que l'expulsion par charter, lundi dernier, de cinquante-quatre Africains à partir de l'aéroport de Roissy, ainsi que les intentions désormais affichées par le Gouvernement en la matière.
Au moment où notre pays s'élève contre le recours à la guerre dans l'affaire irakienne, je forme le voeu que cet effort ne faiblisse pas. Au moment où il affirme vouloir nouer des liens privilégiés avec l'Algérie, pourquoi ce retour à la pratique honteuse des charters ?
M. Jean-Claude Gaudin. Aucun rapport !
Un sénateur de l'UMP. Et Sangatte ?
M. Louis Mermaz. Je n'ai pas attendu le changement de majorité et de gouvernement pour dénoncer dans un rapport, au nom de la commission des lois, la honte pour la République que constitue le fonctionnement des zones d'attente et des centres de rétention administrative.
J'ai demandé aussi, en son temps, qu'il soit tenu compte des liens historiques entre la France et les pays francophones.
Comment ne pas comprendre qu'une opération telle que celle qui a été menée lundi dernier à Roissy cause un grave dommage au rayonnement de la France ? Etait-il opportun de renvoyer trente-quatre ressortissants ivoiriens à Abidjan, ce qui a fait courir, au demeurant, les risques les plus graves - je l'ai constaté hier - aux fonctionnaires qui les ont accompagnés ? Il n'aurait plus manqué qu'un charter fût dirigé sur Alger au moment du voyage du Président de la République !
Je visitais hier après-midi avec deux collègues, Mme Marie-Christine Blandin et M. Yves Dauge, non seulement la zone d'attente pour les personnes en instance, la ZAPI 3, mais aussi la salle de correspondance du terminal 2 A de Roissy, où nous avons trouvé trente-six personnes, hommes et femmes, entassées dans un local dégradé. Certaines étaient détenues dans cette pièce depuis dimanche, dans une zone de non-droit. Ce local était dépourvu de sanitaires et de douches.
M. le président. Posez votre question, monsieur Mermaz !
M. Louis Mermaz. La question, la voici : que va-t-on faire pour changer cela ?
Je vous laisse deviner la détresse de ces personnes, à commencer par celle des femmes qui auraient voulu bénéficier de conditions d'hygiène élémentaires.
Deux heures plus tard, le nombre des voyageurs retenus dans ce lieu était passé à quarante-six, dont un tout petit enfant.
M. le président. Votre question !
M. Louis Mermaz. J'en viens à ma conclusion, monsieur le président.
J'ai constaté la même situation dans la zone de correspondance du terminal F, où vingt Africains étaient serrés les uns contre les autres, assis à même le sol, dans une sorte de débarras dont il avait fallu laisser la porte ouverte. À qui fera-t-on croire que la quatrième puissance économique au monde ne peut dégager quelques crédits pour changer cela ?
Est-on, enfin, certain que toutes ces personnes ont vraiment été mises au courant de leurs droits et de la procédure à suivre, éventuellement, pour l'obtention du droit d'asile ?
Je vous demande donc, monsieur le ministre, s'il n'est pas temps de changer de telles pratiques si nous voulons offrir au monde un autre visage de la France.
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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 07/03/2003
Réponse apportée en séance publique le 06/03/2003
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Mermaz, permettez-moi de vous dire avec la même sincérité que vous parlez bien mal de notre pays, qui n'a pas à être culpabilisé.
De tous les pays du monde, la France est l'un de ceux qui est le plus ouvert à l'immigration internationale et qui est le plus généreux. Je regrette que, au sein de la Haute Assemblée, un de ses membres...
M. Jean-Claude Gaudin. Un seul !
M. Nicolas Sarkozy, ministre ... puisse accuser ainsi son pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées du groupe socialistes et du groupe CRC.) Souffrez ma réponse jusqu'au bout ! (Les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC martèlent : « C'est scandaleux ! »)
Mais je veux vous dire une deuxième chose, monsieur Mermaz. Votre question, outre qu'elle est choquante par rapport à ce que fait notre pays dans le monde, est doublement incohérente.
M. Jacques Mahéas. C'est scandaleux !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. En effet si les retours groupés sont contraires aux valeurs des droits de l'homme, c'est donc que l'Internationale socialiste a explosé puisque le gouvernement socialiste et vert allemand a été co-organisateur, avec le gouvernement français, du vol groupé qui a renvoyé dans leur pays cinquante-quatre Africains. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations renouvelées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Mais il y a les Chinois, aussi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'avais cru comprendre que M. Schroeder était un grand ami, à l'époque de l'Internationale socialiste, de M. Jospin !
Mais il y a mieux, monsieur Mermaz : j'ai voulu savoir quelle était la ligne de conduite de nos quatorze partenaires de la Communauté européenne en ce domaine. Tous, sans exception, organisent des retours groupés.
Mme Nicole Borvo. C'est contraire à la convention européenne des droits de l'homme, monsieur le ministre !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Les socialistes britanniques en ont organisé trente-quatre l'an passé, les Espagnols vingt-six, les Hollandais vingt-sept. Le seul pays à ne pouvoir décider qui peut venir sur son territoire ou qui n'a pas le droit d'y résider serait la France ?
M. René-Pierre Signé. Il est touché !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je relève une dernière incohérence dans votre question, monsieur Mermaz. Mais vous en êtes-vous même seulement rendu compte ? Vous reprochez en effet au Gouvernement qu'il y ait trop de monde dans la zone d'attente de Roissy et, dans le même temps, que nous ramenions dans des conditions particulièrement dignes ceux qui s'y trouvent ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Vous étiez hier après-midi à ZAPI 2 et à ZAPI 3, je vous en donne acte, monsieur Mermaz. J'y étais la nuit dernière. Ces zones comptent trois cents places dignes. Or cinq cents personnes y attendaient, dont deux cents dans des conditions indignes. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé que les dernières seraient renvoyées dans leur pays, après examen de chacun de leurs dossiers dans le délai de vingt jours par les services du ministère des affaires étrangères.
Qu'il soit dit devant la Haute Assemblée - ce sera ma conclusion - que, si la France est ouverte à tous les immigrés qui ont des papiers, ceux qui n'en ont pas seront raccompagnés chez eux, de façon soit individuelle, soit groupée. A ma connaissance, en effet, le devoir d'un ministre de l'intérieur, c'est d'appliquer la loi. C'est ce qui a été fait, et c'est ce que nous continuerons à faire .
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