Question de M. MASSERET Jean-Pierre (Moselle - SOC) publiée le 19/03/2003
M. Jean-Pierre Masseret rappelle à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que l'entreprise privée Arcelor vient d'indiquer la fin programmée de la filière chaude en Moselle (hauts fourneaux d'Hayange, l'aciérie de Sérémange, l'agglomération de Rombas et peu après la cokerie de Sérémange). La société Arcelor qui gagne de l'argent sur les sites incriminés (8 à 9 % des profits nets) a fait le choix d'exploiter une main-d'oeuvre moins chère à l'étranger (Brésil et Pologne). Elle a donc choisi, au mépris de toute considération morale, la rentabilité boursière en écartant, d'un revers de main méprisant, toute notion de responsabilité aussi bien à l'égard des salariés qu'à celui des collectivités territoriales. En conséquence, il souhaiterait connaître les initiatives et les mesures envisagées par le gouvernement : 1. Pour sauvegarder l'activité en Moselle, en rappelant les dirigeants d'Arcelor à leurs obligations morales et industrielles ; 2. pour contraindre, le cas échéant, l'entreprise à dépolluer les terrains avant de les proposer à un prix symbolique aux collectivités. Cette perspective ultime est à envisager dès maintenant car il ne s'agit pas qu'Arcelor se soustraie à cette obligation. Pour cela, il convient de prévoir des provisions financières importantes auprès de la Caisse des dépôts et consignations afin que la charge réelle ne soit pas supportée, au pire moment, par les collectivités, mais supportée par les actionnaires d'Arcelor. A défaut de législation contraignante existante, le Gouvernement devra prendre, avant la fin de l'année 2003, l'initiative de déposer un projet de loi et demander à sa majorité de la voter : 1. Pour garantir aux communes concernées, organisées en une communauté d'agglomération, l'intégralité des impôts locaux supportés par Arcelor, et cela pour les vingt années suivant l'arrêt d'activité. Le montant de ces sommes, nécessaires pour faire face aux charges multiples occasionnées par le départ d'Arcelor, devrait faire l'objet, chaque année, d'un prélèvement complémentaire auprès d'Arcelor et mis en réserve dans les caisses du Trésor ; 2. Pour favoriser, d'ores et déjà, le remplacement du tissu industriel historique et puissant qui aurait subsisté longtemps si " l'argent roi " ne l'avait pas condamné ; 3. Pour maintenir bien au-delà de 2006 les fonds structurels européens indispensables.
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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 30/04/2003
Réponse apportée en séance publique le 29/04/2003
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, en remplacement de M. Jean-Pierre Masseret, auteur de la question n° 213, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, Jean-Pierre Masseret, Gisèle Printz et moi-même sommes tous les trois très concernés par l'annonce que vient de faire Arcelor de la fin programmée de sa filière à chaud en Moselle. Cette mesure concerne les hauts-fourneaux d'Hayange, l'aciérie de Serémange, l'agglomération de Rombas et, peu après, la cockerie de Serémange.
L'entreprise privée Arcelor, qui gagne de l'argent sur ces sites et y réalise entre 8 % et 9 % de profits nets, a choisi d'exploiter une main-d'oeuvre jugée moins chère à l'étranger, notamment au Brésil et en Pologne. Au mépris de toute considération morale, elle a donc opté pour la rentabilité boursière, écartant d'un revers de main méprisant toute notion de responsabilité à l'égard aussi bien des salariés que des collectivités territoriales.
Cette décision s'inscrit dans la logique de la fusion d'Usinor, d'Arbed et d'Aceralia conduite par M. Mer alors qu'il tentait de se présenter comme le sauveur de la sidérurgie lorraine. Aujourd'hui ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, il poursuit le travail qu'il a commencé en tant que PDG.
Les dirigeants actuels d'Arcelor vont nous promettre, comme d'habitude, de s'employer à une réindustrialisation du bassin d'emploi. Mais quelle crédibilité les Mosellans peuvent-ils encore accorder à de telles paroles, alors qu'on leur a toujours demandé des sacrifices censés garantir la survie de la sidérurgie lorraine ? Ces paroles, ces promesses ne se traduisent jamais, dans les faits, par les actes qu'attendent les salariés, leurs familles et les élus.
Nous nous interrogeons aussi sur la filière à froid.
En outre, la décision d'Arcelor, qui coïncide avec l'annonce à mots couverts de l'ennoyage des galeries des mines de fer dans le Pays-Haut, plonge les populations du bassin dans la détresse la plus totale.
Il est urgent de mettre l'économie au service des hommes, et non plus les femmes et les hommes au service de l'économie.
Monsieur le ministre, quelles sont les initiatives et les mesures envisagées par le Gouvernement pour sauvegarder l'activité en Moselle en rappelant les dirigeants d'Arcelor à leurs obligations morales et industrielles ?
Quelles mesures compte-t-il mettre en oeuvre pour contraindre l'entreprise, le cas échéant, à dépolluer les terrains avant de les proposer à un prix symbolique aux collectivités ? Cette perspective ultime est à envisager dès maintenant, car il ne s'agit pas qu'Arcelor se soustraie à cette obligation. Pour cela, ne convient-il pas de prévoir des provisions financières importantes auprès de la Caisse des dépôts et consignations, afin que la charge réelle soit supportée, au pire moment, non par les collectivités, mais par les actionnaires d'Arcelor ? A défaut de législation contraignante existante, le Gouvernement devra, avant la fin de l'année 2003, prendre l'initiative de déposer un projet de loi et demander à sa majorité de le voter.
Que ferez-vous, monsieur le ministre, pour garantir aux communes concernées, qui sont organisées en une communauté d'agglomération, l'intégralité des impôts locaux acquittés par Arcelor, et ce pour les vingt années suivant l'arrêt de l'activité ? Ces sommes, qui sont nécessaires pour faire face aux charges multiples occasionnées par le départ d'Arcelor, devraient faire chaque année l'objet d'un prélèvement complémentaire auprès d'Arcelor dont le produit serait mis en réserve dans les caisses du Trésor.
Quelles décisions comptez-vous prendre pour favoriser d'ores et déjà le remplacement du tissu industriel historique et puissant, qui aurait subsisté longtemps si l'« argent roi » ne l'avait pas condamné ?
Pouvez-vous nous garantir que vous prendrez les mesures nécessaires pour maintenir bien au-delà de 2006 les fonds structurels européens indispensables ?
Pour conclure, monsieur le ministre, je rappellerai que, à la suite de la décision d'Arcelor et vu la gravité de la situation, cinq parlementaires mosellans avaient sollicité un rendez-vous avec le Premier ministre. Or, à ce jour, les élus du peuple que nous sommes n'ont même pas reçu un simple accusé de réception. Où se trouve donc cette démocratie de proximité dont le gouvernement auquel vous appartenez ne cesse de se prévaloir ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous avez posé une question extrêmement longue ; ma réponse sera beaucoup plus courte. Au fond, vous essayez, vous aussi, de déterminer le programme d'Arcelor pour les dix prochaines années. Mais pourquoi ne devrait-on pas se réjouir qu'une entreprise puisse indiquer, dix ans à l'avance, ses intentions ? Cela permet d'envisager les mesures qui sont nécessaires.
Le groupe Arcelor a annoncé, en janvier dernier, ses orientations stratégiques pour les dix années à venir. Celles-ci le conduiraient à concentrer les investissements concernant l'amont de la filière des produits plats en acier au carbone sur les sites industriels situés en bord de mer. Cette orientation est liée à un avantage de compétitivité sur le coût du transport des sites côtiers par rapport aux sites continentaux.
Au regard des échéances liées à la réfection des hauts fourneaux, l'arrêt de la partie amont de l'usine de Florange serait concerné à l'horizon 2009-2010.
Cette perspective donne tout le temps à ce groupe industriel de mettre en place la concertation nécessaire, aussi bien avec les représentants du personnel qu'avec les collectivités territoriales concernées, pour limiter les effets social et territorial de ces décisions et veiller au strict respect des règles sociales et environnementales qui s'appliquent en la matière. Croyez bien, monsieur le sénateur, que le Gouvernement y veillera le moment venu.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Tout d'abord, je remercie M. Loos de m'avoir répondu. Mais, monsieur le président, vous vous êtes peut-être félicité trop vite, ce matin, de la présence des ministres lors des séances de questions orales, en évoquant le passé. M. Aillagon a affirmé qu'un ministre avait le devoir de venir répondre à un parlementaire. Sans vouloir être désagréable avec M. Loos et même si je peux comprendre les impératifs du ministre des finances j'aurais préféré que M. Mer lui-même me réponde. Les Lorrains et les Mosellans jugeront.
Sur le fond, inutile de vous dire, monsieur Loos, que votre réponse ne peut pas convenir aux Mosellans.
Comme je l'ai dit dans mon intervention, des promesses ont été faites. Des réductions de salaires ont été décidées par le passé pour le maintien de cette sidérurgie continentale en Lorraine. Vous n'apportez pas de réponse aux collectivités locales.
Vous vous félicitez de l'annonce par le groupe Arcelor d'une fermeture programmée dans neuf ans. Mais je vous rappelle que cette entreprise réalise en Lorraine des bénéfices de l'ordre de 8 % à 9 %. C'est aujourd'hui qu'il faut prévoir les mécanismes pour sortir de cette mono-industrie.
Les collectivités locales concernées seront frappées de plein fouet. On assistera à des faillites, à des dépôts de bilan.
Si vous ne mettez pas en place dès aujourd'hui les mécanismes qui permettront à ces collectivités locales d'avoir une garantie quant à la réindustrialisation possible de ces sites, dans sept ou huit ans, nous serons plus sinistrés encore qu'à l'heure actuelle.
Vous avez évoqué, monsieur le ministre, les obligations du groupe Arcelor à l'égard de ses salariés. Certes, je sais bien que nous ne sommes pas là en présence de patrons « voyous », mais j'aurais préféré obtenir une réponse plus sérieuse et plus complète sur l'avenir des collectivités territoriales concernées.
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