Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 21/03/2003
M. Michel Doublet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur le dispositif réglementaire communautaire relatif au versement des aides aux grandes cultures, lequel exclut les surfaces de vignes ayant bénéficié de la prime à l'arrachage au 31 décembre 1991. Or, de nombreux agriculteurs de la région délimitée Cognac, qui, dans leur déclaration PAC 2002, ont mentionné ces surfaces se voient aujourd'hui lourdement sanctionnés. En effet, jusqu'en 2002 la France bénéficiait d'un régime dérogatoire ouvrant la possibilité aux agriculteurs de bénéficier des compensations PAC sur des surfaces anciennement plantées en vigne et ayant récupéré la prime d'incitation à l'arrachage. Au-delà de ce cas d'espèce, la suppression de l'éligibilité à la PAC des surfaces arrachées pose également un autre problème majeur. A quelle destination peut être vouée une surface sur laquelle les vignes ont été arrachées ? En conséquence, il lui demande s'il envisage, dans le cadre de la révision de la politique agricole commune, la négociation d'une modification des dispositions communautaires correspondantes.
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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales publiée le 30/04/2003
Réponse apportée en séance publique le 29/04/2003
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 217, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Michel Doublet. Le dispositif réglementaire communautaire relatif au versement des aides aux grandes cultures exclut que celles-ci puissent concerner des terres dont les exploitants ont bénéficié de la prime à l'arrachage.
Or l'impossibilité de rendre ces surfaces éligibles à la politique agricole commune, la PAC, pénalise d'ores et déjà de nombreux agriculteurs de la région délimitée « cognac » qui, dans leur déclaration relative à la PAC 2002, les ont mentionnées et se voient aujourd'hui lourdement sanctionnés. Cette sanction est particulièrement sévère, car elle peut aller jusqu'à la suppression pure et simple des compensations pour l'année concernée.
En effet, jusqu'en 2002, la France bénéficiait d'un régime dérogatoire, qui offrait aux agriculteurs la possibilité de recevoir des compensations, au titre de la PAC, pour des surfaces anciennement plantées en vigne et ayant fait l'objet de la prime d'incitation à l'arrachage. Depuis, cette dérogation n'est plus accordée.
Au-delà de ce cas d'espèce, la suppression de l'éligibilité à la PAC des surfaces arrachées pose un problème de fond. En effet, que faire des terres sur lesquelles les vignes ont été arrachées ? Vous savez en outre, monsieur le ministre, l'importance que revêtent, malheureusement, ces compensations pour le revenu de l'agriculteur.
Les agriculteurs du sud de la Charente-Maritime ont pratiqué, ces dernières décennies, le reboisement de ces surfaces. Non seulement cette pratique n'engendre pas de revenus, mais la tempête de décembre 1999 a anéanti les investissements réalisés.
Dans le cadre du projet d'avenir de la viticulture charentaise, il avait été prévu de laisser aux viticulteurs la possibilité d'arracher leurs vignes ; c'était là, pour certains d'entre eux, la seule solution envisageable.
Cependant, quelles sont les perspectives aujourd'hui ouvertes à un agriculteur approchant de la retraite et n'ayant d'autre solution que d'arracher tout ou partie de sa vigne s'il ne peut relouer ses terres parce qu'elles ne seront pas éligibles à la PAC ?
Dans l'optique de la révision de la PAC, il serait donc très souhaitable de modifier les dispositions communautaires correspondantes.
De même, une autre voie pourrait être explorée. En effet, la réglementation européenne laisse la possibilité aux agriculteurs d'opérer un transfert d'éligibilité au profit de ces surfaces. Ainsi, un exploitant peut demander qu'une certaine parcelle, non éligible à la PAC parce que non labourée au 31 décembre 1991, puisse devenir éligible à la place d'une autre dans la mesure où la nouvelle surface en céréales et oléoprotéagineux de l'exploitation, la SCOP, est inférieure ou égale à celle qui avait été déclarée antérieurement.
Au regard de ce principe, il serait plus aisé de recenser les surfaces éligibles dont la destination a été modifiée pour permettre la réalisation d'équipements collectifs, tels que des routes, ou l'aménagement de lotissements ou de zones d'activité diverses. Aux échelons départemental ou régional, la SCOP, qui est donc éligible à la PAC, a diminué de ce fait. Par conséquent, il pourrait être envisagé de mettre en place une « bourse » départementale ou régionale qui permettrait de transférer l'éligibilité à la PAC des surfaces consacrées à la réalisation d'équipements collectifs à des surfaces plantées en vigne restant dans le domaine agricole.
Une telle gestion ne pénaliserait pas la France, dont le potentiel, en termes de SCOP, serait maintenu, et permettrait de résoudre la question à laquelle la région délimitée « cognac » est confrontée.
En conséquence, monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous mettre en oeuvre pour remédier à une situation particulièrement préjudiciable aux agriculteurs concernés ? Quid, par ailleurs, des pénalités appliquées au titre des déclarations « PAC 2002 » ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, le règlement communautaire actuellement en vigueur établi par le Conseil des ministres de l'agriculture prévoit que les terres susceptibles d'ouvrir droit à des aides à la surface au titre des grandes cultures ne peuvent avoir porté des cultures permanentes, notamment de la vigne, au 31 décembre 1991.
Par ailleurs, les producteurs ayant arraché des vignes reçoivent des aides spécifiques qui comprennent une indemnisation pour perte de revenu. Il n'est donc pas prévu, dans les dispositions relatives à la viticulture, de mesures de reconversion particulières vers la production de céréales ou d'oléoprotéagineux.
Les pratiques contraires aux règlements communautaires étant susceptibles de faire encourir de fortes pénalités aux Etats membres, il n'est pas possible d'admettre des dérives qui entraîneraient des risques financiers insupportables. Telle est la situation actuelle.
S'agissant de la révision à mi-parcours de la PAC, aucune mesure visant à faciliter les restructurations économiques des exploitations n'est prévue à ce stade sur la base des propositions de la Commission européenne. C'est là une des faiblesses des options retenues par cette dernière, qui ne recueillent pas, sur le plan général et dans l'état actuel du projet, l'assentiment de la France. Le Sénat a d'ailleurs publié un excellent rapport sur ce sujet, dont le sous-titre est : Précipitation n'est pas raison. Il s'inscrit tout à fait dans la ligne suivie par le Gouvernement, qui déplore que les propositions de la Commission européenne ne comportent aucune des avancées dont nombre de secteurs de notre agriculture ont besoin.
Enfin, je formulerai une dernière observation concernant la situation spécifique du vignoble de votre département, monsieur le sénateur, que connaît bien également M. Dominique Bussereau, qui vient de rejoindre le banc des ministres.
Soyez assuré, monsieur Doublet, de notre détermination totale à fournir les réponses adaptées aux difficultés que ce vignoble doit affronter. Nous procédons encore à des consultations et travaillons actuellement sur ce thème, dans le cadre d'un ordre du jour particulièrement chargé, mais ne doutez pas, monsieur le sénateur, que nous saurons apporter dans les semaines qui viennent, du point de vue des mesures tant nationales qu'européennes, les réponses appropriées qu'attendent les viticulteurs de votre département.
Tels sont, monsieur le sénateur, les quelques éléments de réponse que je voulais vous communiquer, sachant que nous avons encore beaucoup de travail devant nous. Cela étant, compte tenu de l'excellent état d'esprit qui préside aux négociations, je crois que nous serons en mesure, avant l'été, d'envisager l'avenir de manière plus sereine.
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Je remercie M. le ministre de sa réponse, et je profite de cette occasion pour saluer mon ami Dominique Bussereau, lui aussi élu de la Charente-Maritime.
Nous avons eu avec vous, monsieur le ministre, des échanges très fructueux. J'espère que les annonces seront rapidement suivies d'effets, car c'est tout l'avenir du nouveau schéma de structures agricoles et viticoles de la Charente-Maritime et de la Charente en secteur délimité « cognac » qui est en jeu. Nous sommes à vos côtés pour défendre ce dossier primordial pour l'économie agricole de notre département.
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