Question de M. NATALI Paul (Haute-Corse - UMP) publiée le 30/04/2003
M. Paul Natali attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le problème de la couverture du risque attentat en Corse. Le récent plasticage de la perception de Borgo, bâtiment déjà visé en octobre 2001, ainsi que les différents attentats perpétrés à différents endroits de l'île, posent à nouveau avec acuité la question de la couverture de ce risque. A la fin des années 80, afin d'y faire face, les compagnies d'assurance s'étaient regroupées sous la forme d'un " pool des risques aggravés " et ce système s'était révélé satisfaisant. Malheureusement, il a été supprimé il y a plus de deux ans, et le précédent gouvernement a échoué à trouver avec les assureurs une solution qui ne pénalise pas les victimes de ces attentats. Or ce déficit de couverture entrave considérablement l'activité des entreprises et hypothèque sérieusement le développement économique et social de la Corse. C'est pourquoi il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend traiter ce dossier, notamment en examinant avec la profession de l'assurance les solutions qui pourraient être envisagées.
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Réponse du Ministère délégué au budget et à la réforme budgétaire publiée le 28/05/2003
Réponse apportée en séance publique le 27/05/2003
M. Paul Natali. Ma question porte sur la couverture du risque attentat en Corse. Or Dieu sait le nombre d'attentats qui sont perpétrés aujourd'hui en différents endroits de l'île et qui posent de nouveau avec acuité le problème de la couverture de ce risque.
Monsieur le ministre, je sais que vous en êtes informé, puisque vous avez envoyé sur place deux membres de vos services afin de trouver des solutions avec les différents professionnels, notamment ceux du bâtiment et des travaux publics.
A la fin des années quatre-vingt, afin d'y faire face, les compagnies d'assurance s'étaient regroupées sous la forme d'un « pool des risques aggravés ». Ce système s'était révélé tout à fait adapté à la gravité de la situation ; malheureusement, il a été supprimé il y a plus de deux ans, et le précédent gouvernement n'a pas su trouver avec les assureurs une solution qui ne pénalise pas les victimes de ces attentats.
Or ce déficit de couverture entrave considérablement l'activité des entreprises et hypothèque sérieusement le développement économique et social de la Corse. Et je ne parle pas des particuliers qui sont victimes d'attentats contre leurs biens et qui, après en avoir subi les conséquences sur le plan humain et psychologique, n'ont pas à en supporter, en plus, les conséquences financières.
Monsieur le ministre, je suis bien conscient que les assureurs ne peuvent travailler en Corse de manière déficitaire. Mais il est urgent, dans la situation de risque actuelle, de rechercher avec les professionnels de l'assurance les solutions qui pourraient être envisagées, à moins que l'on puisse utiliser les fonds d'indemnisation qui existent déjà pour les victimes du terrorisme.
Je souhaiterais donc connaître les intentions du Gouvernement sur ce problème, qui est particulièrement important pour la Corse.
Je me permettrai de vous citer un exemple. Mon épouse, qui est maire d'une commune d'environ cinq mille habitants, a récemment fait procéder à la construction d'une trésorerie-perception. A deux reprises, celle-ci a été plastiquée et rendue à sa plus simple expression. Les plastiqueurs ont détruit ce bâtiment de huit cents mètres carrés sans briser une seule vitre à quinze mètres des lieux de l'attentat. Aujourd'hui, on a affaire à de grands professionnels.
Les entreprises n'ont plus de couverture, car la société mutuelle d'assurance du BTP, la SMABTP, ne les indemnise plus qu'à hauteur de 150 000 euros, ce qui est insignifiant : la construction de certains types de bâtiments dépasse souvent 1 million voire 1,5 million d'euros.
Telle est, monsieur le ministre, la question qui préoccupe la Corse et les maîtres d'ouvrage que sont les collectivités et les entreprises.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, je comprends parfaitement les difficultés que vous rencontrez s'agissant de la couverture du risque attentat en Corse et de la constitution d'un pool des risques aggravés.
La récurrence du risque d'attentats en Corse a effectivement conduit les assureurs de la Fédération française des sociétés d'assurance à mettre en place, voilà maintenant quinze ans, une structure d'assurance particulière pour les biens concernés par ce risque : le pool des risques aggravés.
La baisse significative du nombre des demandes adressées au pool des risques aggravés à la fin des années quatre-vingt-dix a conduit les assureurs à envisager la dissolution de cette structure. Néanmoins, ceux-ci ont accepté, en 2000, de la maintenir dans une ultime phase transitoire avant un retour à une situation de droit commun pour des risques aggravés.
Dans les cas où ce pool intervient, les biens sont assurés selon des conditions de primes et de franchises particulières, qui sont plus élevées que pour les biens non concernés par le risque d'attentat.
Aujourd'hui, les chantiers qui sont destinés à des collectivités publiques sont visés par des attentats, et ce de manière parfois répétée. La question de la couverture du risque attentat se pose donc avec acuité.
Par ailleurs, le Gouvernement a récemment lancé un grand programme d'investissements en Corse - le « programme exceptionnel d'investissements » - que la recrudescence des attentats ne doit surtout pas entraver.
C'est pourquoi les services du ministère du budget, en étroite collaboration avec ceux du ministère de l'intérieur, traitent actuellement ce dossier avec une attention particulière, en liaison avec les professions concernées, qu'il s'agisse du bâtiment, des travaux publics ou des assureurs.
Je m'engage devant la Haute Assemblée, monsieur le sénateur, à vous tenir informé dans les prochaines semaines des conclusions de ces travaux.
M. le président. La parole est à M. Paul Natali.
M. Paul Natali. Je sais, monsieur le ministre, que, actuellement, des réunions de concertation ont lieu avec le ministère de l'intérieur pour trouver une solution. Mais cela devient urgent, car, aujourd'hui, les entreprises ne peuvent plus se porter adjudicataires de certains types de travaux pour lesquels les collectivités ont reçu des financements, même si ce n'est pas dans le cadre du plan exceptionnel d'investissements : ces financements proviennent de la région, des conseils généraux ou de leurs fonds propres.
Le problème se pose surtout quand il s'agit de bâtiments destinés à différents services de l'Etat : perception, gendarmerie... Finalement, les autres bâtiments ne sont pas trop concernés, même si récemment un hôtel Mercure, du groupe Accor, a été plastiqué à deux reprises.
Je citerai de nouveau le cas de mon épouse : elle est maire d'une commune de moyenne importance, dont la perception a été plastiquée à deux reprises. Après le premier plastiquage, l'assurance a remboursé les dommages et le bâtiment a donc pu être reconstruit. Après le second plastiquage, le bâtiment s'est totalement effondré. L'entrepreneur n'est plus assuré qu'à hauteur d'un million de francs, soit 150 000 euros. Comment le maire peut-il justifier la dépense de six ou sept millions de francs qui a été engagée ? Contre qui le maire peut-il se retourner ? Pour l'assureur, c'est le dépôt de bilan !
Si l'on ne parvient pas à trouver une solution prochainement, cela risque d'encourager les plastiqueurs à commettre de nouveaux attentats sur d'autres bâtiments publics.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même un problème avec la caserne de CRS, qui a été détruite par deux fois. Aujourd'hui, l'entreprise refuse de reprendre les travaux parce qu'elle n'est plus couverte par une assurance. Cette situation est préoccupante et pour les élus et pour le BTP.
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