Question de Mme BLANDIN Marie-Christine (Nord - SOC-R) publiée le 01/05/2003

Mme Marie-Christine Blandin souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'atteinte aux libertés syndicales que représente la condamnation de deux responsables syndicaux de la Confédération paysanne pour des actes commis dans le cadre de leurs responsabilités syndicales. Pour avoir participé à des actions syndicales ayant consisté à neutraliser des essais de plants d'organismes génétiquement modifiés, ces deux responsables syndicaux se trouvent condamnés à dix mois de prison ferme. Ces condamnations excessivement lourdes sont sans commune mesure avec les faits reprochés. En effet, les actions non violentes menées par la Confédération paysanne ont toujours eu une dimension essentiellement symbolique. Leur but, plus que de porter préjudice aux entreprises visées, était avant tout de déclencher un débat national sur une technologie qui menace l'autonomie des paysans vis-à-vis de grands groupes semenciers, et que la majorité de nos concitoyens refuse de trouver dans leur assiette. Il faut d'ailleurs rendre justice à l'action de ce syndicat pour avoir su déclencher un débat national d'une grande ampleur médiatique. Face aux multinationales de l'agro-chimie, aux lobbies de l'agriculture productiviste et aux semenciers américains, seules des actions symboliques retentissantes pouvaient permettre aux petits agriculteurs et aux simples citoyens de faire entendre leur désarroi. Que ces actions puissent sortir parfois du cadre légal et que le syndicat soit alors condamné en justice, cela s'entend, même si on attend encore les condamnations de la FNSEA pour le saccage des bureaux de la ministre de l'environnement. Mais nous ne pouvons admettre un tel acharnement procédurier à l'encontre de personnes. Leur action a été menée dans le cadre d'un mandat syndical décidé collectivement et démocratiquement : c'est donc le syndicat dans son ensemble qui devrait faire l'objet d'une condamnation. Aux yeux de l'opinion publique, l'incarcération de ces responsables syndicaux constituerait une atteinte avérée au droit syndical et remettrait en cause le bien-fondé du débat public sur les OGM, du droit de tous de jouir d'une alimentation et d'un environnement sain, ainsi que du droit de faire prévaloir l'intérêt général sur des intérêts privés. Elle souhaiterait connaître l'état d'avancement de l'instruction par les services de la demande de grâce exprimée par de très nombreux concitoyens et s'il a d'ores et déjà obtenu une réponse de la Présidence de la République concernant cette question.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux programmes immobiliers de la justice publiée le 28/05/2003

Réponse apportée en séance publique le 27/05/2003

Mme Marie-Christine Blandin. Je souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'atteinte aux libertés syndicales que représente la condamnation de deux responsables syndicaux de la Confédération paysanne pour des actes commis dans le cadre de leurs responsabilités syndicales.

Pour avoir participé à des actions syndicales ayant consisté à neutraliser des essais de plants d'organismes génétiquement modifiés, OGM, ces deux responsables syndicaux ont été condamnés à dix mois de prison ferme. Ces condamnations excessivement lourdes sont sans commune mesure avec les faits reprochés.

En effet, les actions non violentes menées par la Confédération paysanne ont toujours eu une dimension essentiellement symbolique. Plutôt que de porter préjudice aux entreprises visées, elles avaient avant tout pour objet d'ouvrir un débat national sur une technologie qui menace l'autonomie des paysans à l'égard des grands groupes semenciers, et que, dans leur majorité, nos concitoyens refusent de subir en retrouvant des OGM dans leur assiette.

Il faut d'ailleurs rendre justice à l'action de ce syndicat qui a su déclencher ce débat national d'une grande ampleur médiatique. Face aux multinationales de l'agrochimie, aux lobbies de l'agriculture et aux semenciers américains, seules des actions symboliques retentissantes pouvaient permettre aux petits agriculteurs et aux simples citoyens de faire entendre leur désarroi.

Que ces actions puissent sortir parfois du cadre légal et que le syndicat soit alors condamné en justice, cela s'entend, même si nous attendons toujours les condamnations de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA, pour le saccage voilà quelques années des bureaux de la ministre de l'environnement. Mais nous ne pouvons admettre un tel acharnement procédurier à l'encontre de personnes physiques. En effet, leur action a été menée dans le cadre d'un mandat syndical décidé collectivement et démocratiquement : c'est donc le syndicat dans son ensemble qui devrait faire l'objet d'une condamnation.

Aux yeux de l'opinion publique, l'incarcération de ces responsables constituerait une atteinte avérée au droit syndical et remettrait en cause le bien-fondé du débat public sur les OGM, du droit de tous de jouir d'une alimentation et d'un environnement sains, ainsi que du droit de faire prévaloir l'intérêt général sur des intérêts privés.

Je souhaiterais connaître l'état d'avancement de l'instruction par les services du ministère de la justice de la demande de grâce exprimée par de très nombreux citoyens et savoir si vous avez d'ores et déjà obtenu une réponse de la présidence de la République sur cette question.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Madame le sénateur, vous m'avez interrogé sur l'état d'avancement d'un dossier de recours en grâce relatif à un représentant syndical de la Confédération paysanne. A cette occasion, vous avez souhaité attirer mon attention sur l'atteinte aux libertés syndicales que représenterait, selon vous, la condamnation de responsables de la Confédération.

Sur ce dernier point, je souhaite rappeler que, comme vous, nous sommes particulièrement attachés au respect de la liberté syndicale et de la liberté d'expression, et qu'en sa qualité de garde des sceaux M. Dominique Perben entend protéger l'exercice de ces libertés, qui constituent des principes républicains de premier ordre.

L'exercice de ces libertés syndicales doit bien sûr s'inscrire dans le cadre de la loi votée par la représentation nationale. L'abus de droit, qui va au-delà de son exercice normal et qui est susceptible de porter atteinte à d'autres droits également légitimes tels, en l'occurrence, le droit de propriété ou la liberté d'aller et venir, doit être sanctionné, comme cela est normalement le cas dans tout système démocratique et pluraliste.

A ce titre, les juridictions correctionnelles, composées de magistrats indépendants et impartiaux, ont eu à connaître de procédures pénales mettant en cause des représentants de diverses organisations syndicales à qui il était reproché des manquements à la loi pénalement sanctionnables.

Ces poursuites ont pu être engagées par le parquet, mais également par les victimes d'infractions pénales, comme la loi les y autorise.

Il appartient aux tribunaux répressifs, à la suite d'un débat contradictoire permettant aux prévenus de faire valoir leurs droits, directement ou par l'intermédiaire d'avocats de leur choix, de décider si les éléments de culpabilité sont réunis, et d'apprécier, en fonction de la gravité des faits et de la personnalité de l'auteur, la condamnation qui doit être infligée.

De surcroît, des recours existent, tels que l'appel ou la cassation, qui permettent aux condamnés de contester le bien-fondé de la condamnation, en droit comme en fait.

En outre, je souligne que, si la loi d'amnistie du 6 août 2002 a été particulièrement restrictive, conformément aux engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement, elle a, dans son article 3, prévu l'amnistie des délits commis au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics à l'occasion des conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales et de revendications salariales.

Elle a également prévu l'amnistie de plein droit des délits en relation avec des conflits à caractère industriel, agricole, rural ou commercial, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics.

Seuls les actes les plus graves, tels que les dégradations aggravées ou les violences volontaires commises à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique ou de personnes chargées d'une mission de service public, ont légitimement été exclus de l'amnistie.

Enfin, et pour en terminer sur ce point, je voudrais vous indiquer que, dans le cadre de l'affaire à laquelle vous faites allusion, deux responsables de la Confédération paysanne ont effectivement été condamnés à deux reprises pour dégradation de semences génétiquement modifiées et de divers autres matériels, après entrée par effraction sur les lieux d'expérimentation et de stockage.

Dans le cadre de la présente procédure, M. le garde des sceaux n'entend pas déroger au principe de respect de l'indépendance de la magistrature, et ne peut, dès lors, commenter les décisions de justice.

Votre question porte en outre sur l'état d'avancement de l'instruction par les services du ministère de la justice de la demande de grâce faite en faveur de l'un des deux condamnés, ainsi que sur la réponse du Président de la République.

Permettez-moi de rappeler que le droit de grâce est une prérogative constitutionnelle du seul Président de la République, qui n'a pas à rendre compte des motifs qui inspirent sa décision. Il n'appartient donc ni au garde des sceaux, ni à moi-même, ni à aucun autre membre du Gouvernement d'en commenter l'exercice.

Une disposition réglementaire du code de procédure pénale prévoyant que les recours en grâce sont instruits par le ministre de la justice, le Président de la République a donc demandé au garde des sceaux de faire procéder à l'instruction du recours en grâce qui était présenté en faveur de l'un des deux condamnés.

Conformément à l'usage, la décision du Président de la République sera notifiée au principal intéressé par le ministère de la justice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Il en allait de même sous François Mitterrand !

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Loin de moi l'idée de contester la liberté des magistrats ! Mon souci est simplement d'attirer l'attention sur le fait que le Gouvernement ne doit pas être hémiplégique s'agissant des subventions qu'il accorde ou des sanctions prononcées à l'encontre de syndicats agricoles. Ma question portait précisément sur l'état d'avancement du dossier par les services de M. Perben. Il nous a été précisé qu'ordre avait été donné de faire procéder à l'instruction de ce recours en grâce. Mais nous ne savons toujours pas où en est cette instruction. Nous attendrons !

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