Question de M. MUZEAU Roland (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 16/05/2003

Question posée en séance publique le 15/05/2003

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les salariés du public et du privé, les citoyens, jeunes ou moins jeunes, se sont mobilisés dans la grève et sont massivement descendus dans la rue ce mardi. Ils ont dit non au fatalisme en matière de retraite. Ils ont dit non à votre projet, facteur de recul social pour les générations présentes et à venir.

L'ampleur du mécontentement vous a contraint à apporter quelques aménagements.

Mais, dès le début, le Gouvernement annonçait, par la voix de son ministre des affaires sociales, « qu'il n'y avait pas d'alternative à la réforme ». Les négociations de cette nuit ne pouvaient donc qu'échouer.

La seule certitude que peuvent aujourd'hui avoir les Français, c'est que, désormais, ils devront travailler plus longtemps, bien au-delà de soixante ans, et pour des retraites réduites.

Vous refusez toujours d'annuler les mesures Balladur, dont les salariés retraités du privé font déjà les frais.

La question centrale, celle du financement, n'est toujours pas abordée.

Monsieur le Premier ministre, vous devez entendre la colère, la déception, les insatisfactions exprimées et y répondre, sauf à prendre la responsabilité de laisser s'installer une grave crise sociale dans notre pays.

Les déclarations intempestives de vos ministres sur les prétendues grèves illégales et sur la prise en otage des non-grévistes sont de véritables provocations. (Protestations sur les travées du groupe UMP.)

M. Henri de Raincourt. Non, c'est la vérité !

M. René-Pierre Signé. Réaction de nantis !

M. Roland Muzeau. Monsieur le Premier ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous demandent de retirer ce projet de loi et d'ouvrir de véritables négociations avec l'ensemble des organisations syndicales au cours desquelles seraient posés tous les paramètres, discutées toutes les solutions, y compris celle qui consiste à consacrer une part plus importante des richesses produites et des revenus financiers au financement de notre système par répartition.

M. Robert Bret. C'est ça la solidarité !

M. Roland Muzeau. Il s'agit là d'un choix politique, d'un choix de société. Mais il est à l'opposé de la vision ultralibérale que vous défendez.

Plusieurs sénateurs socialistes. Eh oui !

M. Roland Muzeau. Allez-vous, monsieur le Premier ministre, accepter enfin de discuter sans exclusives des propositions formulées par les organisations syndicales en faveur de financements qui garantiraient le droit à la retraite à soixante ans et le pouvoir d'achat des retraités du public et du privé ?

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Réponse du Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité publiée le 16/05/2003

Réponse apportée en séance publique le 15/05/2003

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Muzeau, le sujet que vous venez d'évoquer est difficile. La France compte aujourd'hui dix millions de retraités et en comptera 20 millions en 2040, date à laquelle le nombre des actifs qui financeront ces retraites sera plutôt moins important qu'aujourd'hui.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Surtout avec 2 millions de chômeurs !

M. François Fillon, ministre. Ce problème se pose dans tous les pays développés, notamment dans tous les pays européens.

Mme Nicole Borvo. Les salariés protestent partout !

M. François Fillon, ministre. Or quatorze pays européens sur quinze ont notamment choisi...

Mme Nicole Borvo. Les fonds de pension !

M. François Fillon, ministre. ... d'allonger la durée de cotisation, à la fois pour tenir compte de l'allongement de la durée de la vie - le temps que l'on passe aujourd'hui en retraite est de plus en plus long - et pour faire en sorte que l'effort de financement des retraites soit plus équitable, mieux partagé, et qu'il ne pèse pas seulement sur les jeunes actifs. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo. Sur les salariés !

M. François Fillon, ministre. C'est le choix de tous les pays européens et c'est celui que nous avons décidé de proposer aux Français. Nous en discutons aujourd'hui avec les partenaires sociaux qui, loin d'avoir rejeté ces propositions, souhaitent, en tout cas pour un certain nombre d'entre eux, les améliorer sur tel ou tel aspect.

M. Robert Bret. Et les revenus financiers ?

M. François Fillon, ministre. Le débat est ouvert depuis quelques mois dans le pays. J'ai d'ailleurs reçu les responsables du parti communiste voilà trois mois pour recueillir leurs propositions sur les retraites.

Mme Nicole Borvo. Il n'y a pas de débat possible !

M. François Fillon, ministre. Je suis au regret de dire qu'il n'existe aujourd'hui aucune alternative au projet du Gouvernement. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo. Mais si !

Mme Hélène Luc. Nous avons fait des propositions, mais vous n'en voulez pas !

M. François Fillon, ministre. La seule alternative que j'ai entendue, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la vague référence, en rien étudiée, en rien chiffrée, d'affecter au financement des retraites des ressources financières dont personne ne dit d'où elles proviennent (Brouhaha ! sur les travées du groupe socialiste) ni, surtout, quel serait leur impact sur l'économie française, sur la croissance et sur l'emploi, ainsi que sur la sécurité des retraites. (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. C'est l'avis du baron !

M. René-Pierre Signé. La voix de son maître !

M. François Fillon. ministre. Monsieur le sénateur, on n'est pas obligé de pratiquer l'insulte dans un débat qui devrait être beaucoup plus digne et qui a été consensuel dans la plupart des pays européens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Hélène Luc. Ailleurs, ils font pareil : ils sont en grève !

M. François Fillon, ministre. Comment la sécurité des retraites pourrait-elle être assurée si elle était largement assise sur les bénéfices des entreprises,...

Mme Nicole Borvo. Sur les revenus financiers des entreprises !

M. François Fillon, ministre. ... sur des produits financiers qui sont extraordinairement fluctuants et mobiles !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. François Fillon, ministre. Il n'y a en réalité aucune alternative au projet que le Gouvernement propose. D'ailleurs, la meilleure preuve de cette affirmation, c'est que vous auriez pu abroger la réforme Balladur que vous venez d'évoquer, et que vous ne l'avez pas fait !

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