Question de Mme FÉRAT Françoise (Marne - UC-UDF) publiée le 08/05/2003

Mme Françoise Férat appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire sur les inquiétudes suscitées parmi les maires du syndicat scolaire du Belval, par un récent jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui annule la décision du maire de Ville-en-Tardenois de refuser l'inscription d'un enfant au " motif inopérant d'augmentation croissante des effectifs dans les écoles du groupement de la communauté de communes " d'Ardre-et-Tardenois. Du fait de leur activité professionnelle et de l'absence de services de restauration et (ou) de garderie dans l'école, les requérants se voient donc reconnaître la faculté d'inscrire leur enfant dans une école différente de celle prévue par le périmètre scolaire, dès lors qu'il existe à proximité du domicile parental plusieurs écoles publiques localisées ou non sur le territoire de la commune. En l'espèce, ce jugement va inciter plusieurs familles résidant dans les communes du Châtillonnais à entreprendre une démarche identique auprès de la mairie de Ville-en-Tardenois. Cette dernière sera contrainte de les accueillir dès lors que le nombre d'élèves, fixé par voie réglementaire, n'est pas atteint. Cette situation risque de conduire au dépeuplement du groupe scolaire de Cuchery, et ce malgré la présence d'assistantes maternelles agréées disponibles, qui peuvent donc assurer les missions de garde et de restauration. Elle pourrait également obérer la capacité d'accueil de l'établissement de Ville-en-Tardenois, commune sujette à une arrivée massive de familles en raison de la construction de la ligne à grande vitesse. C'est donc tout un équilibre scolaire, fruit de la réflexion de l'inspection académique et des importants investissements intercommunaux, qui sera remis en cause. Il lui semble donc indispensable d'appréhender la réelle portée d'une telle décision qui pourrait, à l'avenir, être consacrée par la jurisprudence du Conseil d'Etat. Cette reconnaissance pourrait en particulier influer sur les initiatives des collectivités qui contribuent à une part importante du financement du système éducatif. A la lumière de ces éléments, elle lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il envisage de prendre pour assurer le maintien des effectifs de nos écoles rurales, pièces maîtresses de l'aménagement du territoire et garantes d'une scolarisation ouverte à tous.

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Réponse du Ministère délégué à l'enseignement scolaire publiée le 28/05/2003

Réponse apportée en séance publique le 27/05/2003

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les inquiétudes qu'a suscitées, parmi les élus, un récent jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Le juge administratif vient, en effet, d'annuler la décision du maire de Ville-en-Tardenois de refuser l'inscription d'un enfant en raison de l'augmentation croissante des effectifs dans les écoles du groupement de la communauté de communes d'Ardre-et-Tardenois.

Du fait de leur activité professionnelle et de l'absence de services de restauration et de garderie dans une école, les parents peuvent donc inscrire leur enfant dans une école différente de celle qui est prévue par le périmètre scolaire, dès lors qu'il existe, à proximité de leur domicile, plusieurs écoles publiques localisées ou non sur le territoire de la commune.

Cette décision va certainement inciter plusieurs familles résidant dans les communes du Châtillonnais à entreprendre une démarche identique. La mairie de Ville-en-Tardenois sera donc contrainte d'accueillir les enfants, dès lors que le nombre d'élèves, fixé par voie réglementaire, ne sera pas atteint.

Cette situation risque de conduire au dépeuplement du groupe scolaire de Cuchery, et ce malgré la présence d'assistantes maternelles agréées disponibles, qui peuvent assurer les missions de garde et de restauration. On peut également craindre que la capacité d'accueil de l'établissement de Ville-en-Tardenois ne soit obérée, car cette commune est déjà sujette à une arrivée massive de familles, en raison de la construction de la ligne à grande vitesse.

C'est donc tout un équilibre scolaire, fruit de la réflexion de l'inspection académique et d'importants investissements intercommunaux, qui sera remis en cause.

Cette reconnaissance, qui pourrait à l'avenir être consacrée par le Conseil d'Etat, ne manquerait pas d'avoir une influence sur les initiatives des collectivités, lesquelles contribuent pour une part importante au financement du système éducatif.

Monsieur le ministre, je vous demande donc de bien vouloir me préciser les mesures que vous envisagez de prendre pour assurer le maintien des effectifs de nos écoles rurales, pièces maîtresses de l'aménagement du territoire et garantes d'une scolarisation ouverte à tous.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. En appelant mon attention sur l'affectation des élèves en zone rurale, vous soulevez, madame la sénatrice, une question plus large, celle du traitement de ces territoires spécifiques par l'éducation nationale.

Permettez-moi de rappeler que la prise en compte des particularités des zones rurales est une constante de notre action, et un souci permanent du Gouvernement. Nous travaillons actuellement à la définition de réseaux d'écoles - une notion nouvelle - qui permettront de maintenir sur l'ensemble du territoire un service public de qualité, notamment dans le domaine scolaire.

Toutefois, il faut reconnaître que le tribunal administratif, en rendant cette décision dont vous redoutez les conséquences pratiques, n'a fait qu'appliquer le droit en vigueur, en particulier le décret du 12 mars 1986.

Ce décret prévoit que l'inscription d'un enfant dans l'école d'une autre commune est possible, et ce sans accord préalable du maire de la commune de résidence, en cas d'obligation professionnelle des parents, lorsque la commune de résidence n'assure pas la restauration ou la garde des enfants.

Vous insistez sur la présence d'assistantes maternelles sur le territoire de la commune de Cuchery. Or, au regard de la loi, des moyens de garde existent quand il y a une action volontaire des communes pour permettre un accueil automatique de tous les enfants concernés, ce qui implique la responsabilité de l'organisation de l'accueil. Comme l'a rappelé la circulaire du 25 août 1989, la présence d'assistantes maternelles sur le territoire de la commune n'est pas suffisante en elle-même.

La décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne était donc fondée en droit.

En outre, il n'y a pas lieu de s'inquiéter dans l'immédiat des capacités d'accueil de l'établissement de Ville-en-Tardenois : l'école élémentaire peut recevoir six élèves supplémentaires ; quant à l'école maternelle, cinq places y sont encore disponibles.

Madame la sénatrice, j'espère avoir répondu à votre inquiétude. Je le répète, la décision du juge ne remet pas en cause les principes fondamentaux d'affectation des élèves. Comme vous pouvez le constater, les dérogations au droit commun sont limitativement énumérées, précisément afin de garantir cet équilibre scolaire auquel nous sommes tous attachés.

J'invite donc les communes à travailler ensemble sur l'implantation des services annexes - garderies, cantines scolaires, activités périscolaires -, c'est-à-dire à se constituer en réseau pédagogique intercommunal élargi, afin d'éviter ce transfert d'élèves. La constitution de réseaux d'écoles autour d'un projet fédérateur est une solution qui me semble particulièrement adaptée au type de situation que vous évoquez.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, votre réponse ne calme évidemment pas mes inquiétudes.

Le premier point concerne l'accueil. Le fait de ne pas avoir mis en place l'accueil que vous qualifiez d'« automatique » ne relève pas de la mauvaise volonté des élus. Ce besoin n'est tout simplement pas présent, sauf exceptionnellement, pour un ou deux enfants, du fait de la spécificité des communes, essentiellement viticoles. L'activité professionnelle se situe au coeur même de la commune. Par conséquent, mettre en place des structures pour accueillir occasionnellement un enfant ne nous a jamais paru raisonnable. Jusqu'à présent, les assistantes maternelles, qui sont en revanche assez nombreuses, ont pu pallier ce manque.

Le second point concerne l'aspect financier, pardonnez-moi d'y insister. Dans nos budgets, qui sont malheureusement réduits un peu plus chaque année, tout ce qui a trait au secteur scolaire constitue une priorité. En conséquence, consentir des efforts importants pour l'accueil des enfants nous conduirait demain à poursuivre l'effort dans nos propres communes, mais aussi à soutenir les communes qui ont l'obligation d'accueillir ces enfants.

Monsieur le ministre, vous comprendrez que les élus soient réellement préoccupés par cette question.

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