Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 14/05/2003

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les conséquences de l'insuffisance et de l'inadéquation des crédits du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), qui est dans l'incapacité d'acquitter la facture du sinistre engendré par le naufrage du Prestige. Il lui rappelle que face au montant des dégâts occasionnés par la marée noire en Espagne et en France, estimé à un milliard d'euros, le taux d'indemnisation à 15 % est ridiculement bas. Alors que l'Etat et les collectivités locales ont déjà engagé des sommes considérables pour nettoyer les plages et tenter de prévenir les dégâts écologiques, compte tenu de la lenteur des procédures judiciaires, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'elle compte prendre afin que le principe du pollueur-payeur soit appliqué et que les trop nombreuses victimes de cette catastrophe soient indemnisées dans les meilleurs délais.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes handicapées publiée le 04/06/2003

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2003

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au lendemain de la douloureuse épreuve causée par le naufrage du Prestige et face à l'incapacité du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le FIPOL, d'acquitter la facture du sinistre, vous comprendrez qu'il est de mon devoir d'alerter à nouveau le Gouvernement sur l'inquiétude ô combien légitime des victimes de cette catastrophe.

Des mesures ont été prises par l'Etat : alors que l'enveloppe initiale prévue par le Gouvernement - 50 millions d'euros - est épuisée, les maires du littoral atlantique comptent sur une rallonge de 17 millions d'euros pour poursuivre le ramassage des pollutions résiduelles. Il n'appartient bien évidemment pas aux ostréiculteurs, aux pêcheurs, aux professionnels du tourisme et aux collectivités locales d'assumer les conséquences des comportements irresponsables et scandaleux des pétroliers pollueurs.

Le montant des dégâts ayant été estimé à 1 milliard d'euros, le taux d'indemnisation à 15 % proposé par le FIPOL est très faible. Mme la ministre de l'écologie et du développement durable a d'ailleurs fait part de son indignation face à ce taux ridiculement bas, estimant que l'Etat ne doit pas solliciter d'indemnités tant que les personnes privées ne seront pas indemnisées.

Il est inacceptable de maintenir le taux d'indemnisation à un niveau aussi dérisoire. Même si les pays de l'Organisation maritime internationale ont pris la décision récemment, d'un commun accord, d'augmenter le montant des fonds de 171,5 millions d'euros à 950 millions d'euros, cette décision ne peut profiter aux victimes du Prestige puisqu'elle n'est pas rétroactive.

Je voudrais, madame la secrétaire d'Etat, profiter de l'opportunité qui m'est donnée pour vous poser quelques questions.

Premièrement, pourquoi l'Etat français n'a-t-il rien demandé à la Commission européenne ?

Deuxièmement, où en est l'épave du Prestige ? Nous souhaiterions obtenir des informations sur ce point.

Troisièmement, comment se fait-il que l'Etat espagnol ait sollicité le FIPOL, alors qu'il est responsable de cette catastrophe écologique et économique ?

Quatrièmement, enfin, M. Alain Juppé avait annoncé des fonds structurels européens relevant de l'objectif 2 et le commissaire européen M. Michel Barnier avait promis les mêmes aides financières à la faveur de la crise. Or, pour l'instant, on n'en a pas vu la couleur. Qu'en est-il aujourd'hui ?

J'ajouterai que le commissaire européen M. Fischler avait annoncé la possibilité de mesures identiques à celles qui ont été prises en Galice pour les ostréiculteurs, pêcheurs et conchyliculteurs par le truchement de l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP. Or la France, semble-t-il, n'a jamais saisi la Commission. Pourquoi ? Le Gouvernement compte-t-il le faire, madame la secrétaire d'Etat ?

Dans l'attente de ces précisions, vous me permettrez d'espérer voir enfin appliquer le principe du pollueur-payeur, de façon à responsabiliser les auteurs de ces désastres écologiques.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le FIPOL, est une organisation intergouvernementale à vocation mondiale qui a pour objet de verser une indemnisation pour les dommages par pollution résultant de déversements d'hydrocarbures persistants. Ce fonds est alimenté par les cotisations des importateurs de pétrole.

L'indemnisation par le FIPOL des victimes de la catastrophe du Prestige est actuellement limitée à environ 171,5 millions d'euros. Par ailleurs, ces indemnités doivent avoir un taux équivalent pour chacune des victimes.

Or l'évaluation du préjudice subi par les victimes de la pollution du Prestige, ajoutée aux dépenses effectuées par l'Etat pour lutter contre cette pollution, semble dépasser, à ce stade, le plafond du FIPOL. En effet, l'Espagne annonce un préjudice situé entre 300 millions d'euros et 1 milliard d'euros. Quant à la France, nous devrons attendre la fin de la saison touristique pour procéder à une évaluation précise, mais, d'ores et déjà, environ 50 millions d'euros ont été dépensés sur le fonds POLMAR - le plan de lutte contre les pollutions marines - pour financer les opérations de lutte en mer et à terre menées par les services de l'Etat, les collectivités et les associations.

Au regard de cette situation, le comité exécutif du FIPOL a donc décidé, en mai 2003, de fixer un taux d'indemnisation provisoire des victimes à 15 %, ce qui est évidemment choquant. Pour le Gouvernement, seul un taux d'indemnisation des victimes à 100 % serait convenable.

C'est pourquoi, pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise à l'avenir, la France a obtenu, après d'importants efforts, qu'une conférence diplomatique puisse être tenue en mai 2003 afin de modifier la convention actuelle. Cette conférence s'est conclue sur un accord permettant une augmentation du plafond d'indemnisation à environ 1 milliard d'euros. La France s'est engagée à ratifier très rapidement cette convention pour lui permettre d'entrer en vigueur dans les meilleurs délais.

Afin de prévenir ces catastrophes, nous renforçons, avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau, notre dispositif de sécurité maritime : 25 % des navires dangereux sont aujourd'hui inspectés et nous avons éloigné de nos côtes plus de cinquante navires poubelles qui risquaient de les polluer.

Enfin, en parallèle, un certain nombre de mesures d'aide aux secteurs professionnels les plus touchés - conchyliculture et tourisme - ont d'ores et déjà été mises en place par le ministre de l'agriculture, Hervé Gaymard, et le secrétaire d'Etat au tourisme, Léon Bertrand.

M. le président. La parole et à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Je vous remercie de cette réponse madame la secrétaire d'Etat. Je connais l'implication de Mme la ministre de l'écologie face à cette catastrophe, mais je m'aperçois qu'il est quand même plus facile de faire payer les particuliers et les Etats que les entreprises multinationales ! Dans ces conditions je me demande comment vous ferez pour indemniser la totalité du préjudice causé par la catastrophe du Prestige, car si l'on devait en rester là, les victimes n'auraient droit qu'à une compensation.

Pour prendre un exemple concret cité par le journal Sud-Ouest, un ostréiculteur arcachonnais qui aurait subi un préjudice estimé à 1 000 euros percevrait 150 euros et devrait s'asseoir sur les 850 euros restants. Voilà tout le problème, et il faudra le résoudre !

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