Question de M. TRILLARD André (Loire-Atlantique - UMP) publiée le 04/06/2003

M. André Trillard rappelle à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales qu'en matière de droit de pêche, la Grande Brière Mottière obéit depuis très longtemps à un régime particulier et que l'application de règles spécifiques ancestrales n'y a jamais posé de problème, la Commission syndicale de Brière, composée exclusivement d'élus locaux, s'étant vu reconnaître par l'arrêté du 16 mai 1988 la compétence pour fixer les prix et réglementer la pêche. Cette réglementation n'ayant pas été modifiée depuis, le fait que dix pêcheurs aient été verbalisés en 2002 par les gardes du Conseil supérieur de la pêche pour défaut de timbre piscicole et pratique illicite de la pêche est vécu localement comme une atteinte inadmissible aux droits et à l'identité briéronne. Il lui demande donc de bien vouloir donner à ses services les instructions nécessaires pour que soit mis fin à cet épisode regrettable, que les pêcheurs concernés, tous détenteurs de la carte de pêche délivrée par la commission syndicale de Grande Brière Mottière, soient relaxés et que le système antérieur continue à s'appliquer.

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Transmise au Ministère de l'écologie et du développement durable


Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 25/06/2003

Réponse apportée en séance publique le 24/06/2003

M. André Trillard. Madame la ministre, en vertu d'un acte qui remonte à 1461 le marais de la Brière est la propriété indivise des habitants des vingt et une communes riveraines. Depuis cette date, tous les régimes successifs ont reconnu et respecté le statut particulier de ce territoire géré depuis 1838 par la commission syndicale de la Grande Brière Mottière, qui, entre autres compétences, y réglemente la pêche.

Ainsi, les Briérons n'adhèrent pas à une association agréée de pêche et ne paient pas le timbre piscicole, mais ils s'acquittent de leur carte auprès de la commission syndicale, à un tarif d'ailleurs plus élevé, pour ne pêcher qu'en Brière, principalement le week-end, et en se soumettant à une réglementation par certains aspects plus restrictive que ne l'est la réglementation nationale.

Ce système a toujours fonctionné de façon satisfaisante jusqu'à ce qu'en juillet dernier, sans concertation ni avertissement préalable, des gardes-pêche nationaux viennent contrôler des pêcheurs parfaitement en règle au regard de la réglementation du marais et, s'appuyant sur la réglementation nationale, les sanctionnent pour défaut de présentation de carte de pêche.

L'émoi très vif provoqué en Brière par cette affaire est symbolique de l'attachement viscéral des Briérons à leur marais, dont je veux rappeler que les activités - chasse, pêche, élevage, coupe du roseau, récolte de la tourbe - ont nourri des générations. Même si, aujourd'hui, la connotation de loisir est plus manifeste que celle de survie, ce sont les activités humaines qui ont façonné un milieu dont l'intérêt écologique exceptionnel est unanimement reconnu.

A travers cet épisode, ce sont donc un territoire et une communauté, avec leur histoire et leurs coutumes, qui se sentent menacés dans leur identité.

Sur un plan plus concret, je m'interroge, madame la ministre, sur l'intérêt de la remise en question d'une spécificité admise de tout temps qui ne lèse personne et n'engendre pas de privation de ressources alors que, dans le même temps, les adhésions perçues par la commission syndicale de la Brière permettent d'assurer l'alevinage, la protection et l'entretien du marais, de concourir à la protection environnementale et au façonnage du marais, ainsi qu'à la sauvegarde de la faune et de la flore.

Madame la ministre, pour attachés qu'ils soient à leurs traditions, les habitants du marais ne sont ni passéistes ni arc-boutés sur leurs prérogatives. J'ai toutes les raisons de penser que, sur ce sujet comme sur bien d'autres, leurs représentants ont à coeur de développer avec les pouvoirs publics une véritable coopération pour mieux articuler les rôles respectifs de chacun, pour autant que soit réaffirmée la reconnaissance des us et coutumes locaux ainsi que celle du rôle de la commission syndicale.

Puis-je, dès lors, vous demander, madame la ministre, de donner, dans un geste d'apaisement localement très attendu, les instructions nécessaires pour que soient levées les sanctions prises à l'endroit des dix pêcheurs concernés et pour que, dans l'attente éventuelle d'une solution acceptable par tous, le système antérieur, vieux de plus de six cents ans, continue de s'appliquer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président du conseil général de la Loire-Atlantique, je vous remercie de me poser cette question sur notre chère Brière ! Ce n'est d'ailleurs pas seulement la ministre de l'écologie et du développement durable qui va vous répondre, mais aussi la présidente de la commission aménagement du territoire et environnement du conseil régional des Pays de la Loire.

Vous le rappelez avec raison, le droit de pêche spécifique qui régit la Brière est hérité de l'histoire.

En 1461, le duc de Bretagne, François II, a reconnu par lettre patente le droit de jouissance exclusive aux quatorze paroisses du marais. Puis, le roi Louis XVI a confirmé l'exploitation indivise du marais et reconnu aux Briérons un droit de propriété. Enfin, Louis-Philippe a créé par ordonnance, en 1838, la commission syndicale chargée de la gestion du marais.

Le droit de pêche est attaché au droit de propriété. Il n'est pas contesté par la République que les Briérons sont bien titulaires du droit de pêche du marais.

Indépendamment de l'exercice de ce droit, le versement d'une taxe piscicole et l'adhésion à une association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique sont obligatoires en application de l'article L. 236-1 du code rural lorsque la pêche est pratiquée dans les « eaux libres », c'est-à-dire celles qui communiquent avec un cours d'eau.

Or, le marais de la Grande Brière est bien une « eau libre », ce qui explique les poursuites exercées en 2002 à l'encontre des personnes n'ayant ni acquitté la taxe piscicole, ni adhéré à une association agréée.

Cet événement - la « payse » que je suis le comprend - n'a fait qu'accroître une incompréhension qui s'est développée depuis la promulgation de la loi sur la pêche, voilà vingt ans. Je souhaite donc que la situation évolue et trouve une issue positive.

J'ai demandé à mes services de recevoir les représentants de la Grande Brière afin d'étudier avec eux la question, pour que nous puissions, monsieur Trillard, trouver rapidement une solution qui nous convienne à tous les deux et, surtout, qui convienne aux pêcheurs briérons.

M. le président. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Madame la ministre, vous connaissez parfaitement le sujet, et je m'en félicite, car la résolution du problème que j'évoque contribuera à préserver ce caractère paisible de la Brière auquel nous sommes l'un et l'autre si attachés. Je vous remercie donc de votre réponse.

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