Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 02/10/2003
Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur l'insuffisance de crédits accordés à l'ADEME pour que les budgets des commissions consultatives aux riverains puissent répondre aux demandes d'indemnisation déposées et instruites. Elle lui fait remarquer que, du fait du développement des nappes de nuisances, le nombre de riverains sollicitant les aides est en progression et que, du fait de la qualité de gestion de l'ADEME et de ses services spécialisés, de nombreux dossiers sont prêts techniquement et risquent de ne pas être traités au cours de l'année 2003. Elle lui demande si elle envisage de répondre rapidement à la demande d'un crédit nouveau de 20 millions d'euros. Elle lui fait remarquer que, jusqu'alors, l'appel de crédits nouveaux en matière d'insonorisation était entendu et faisait l'objet de virement des crédits nécessaires. Elle lui demande de lui faire part des mesures envisagées pour ne pas ralentir l'attribution des aides et les travaux envisagés par les riverains. Actuellement, 2 000 dossiers instruits, prêts, ne peuvent pas être approuvés faute de crédits. Elle lui demande de lui confirmer la responsabilité de l'ADEME et de la commission consultative de l'aide aux riverains (CCAR) pour le traitement des dossiers d'indemnisation des travaux nécessaires contre les nuisances et de réaffirmer une volonté d'octroi des moyens pour les dossiers actuels et ceux de l'année 2004.
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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 22/10/2003
Réponse apportée en séance publique le 21/10/2003
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, de nombreuses voix se sont élevées depuis quelques semaines et s'accordent pour vous demander de faire plus et mieux pour l'aide à l'insonorisation des logements et pavillons situés en plan de gêne sonore des zones de nuisances aéroportuaires. Je ne doute pas de votre bonne volonté lorsque vous affirmez que tel est le cas dans votre déclaration du 6 octobre dernier.
Il était temps, madame la ministre. Cette aide aux riverains a été instituée par la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit au voisinage des dix plus grands aérodromes français. La mission de gestion a été alors confiée à Aéroports de Paris et s'est révélée désastreuse, brouillonne, sans conviction ni résultat.
Les piles de dossiers non traités s'accumulant, le ministère a été conduit à retirer à Aéroports de Paris cette mission. Comment aurait-il pu en être autrement ? Aéroport de Paris produisait le bruit et ne manifestait que peu d'intérêt pour aider les riverains à s'en prémunir.
Les faits sont là et peuvent facilement être vérifiés. Combien de dossiers étaient en souffrance lorsque Aéroports de Paris s'est vu retirer la mission qui lui était confiée par le ministère et le Gouvernement ? Les services de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, peuvent vous le confirmer : trois mille dossiers n'étaient toujours pas traités. L'ADEME s'est donc vu confier la mission des Aéroports de Paris. Heureuse décision ! Avec deux ou trois employés dévoués et efficaces au départ, l'ADEME a rétabli une situation dégradée et a pu traiter les douze mille dossiers, pour un montant moyen d'aide de 7 000 euros à 9 000 euros par dossier. Et si, en cette fin d'année, quatre mille cinq cents dossiers ne sont toujours pas traités, parmi lesquels trois mille auraient pu l'être en raison de leur état d'avancement, c'est faute de crédits.
En 2003, vous avez réduit de façon injustifiée les crédits. Alors que les nuisances croissaient, la part de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, revenant à L'ADEME a été baissée. C'est d'ailleurs l'objet de ma question.
Quelle mesure envisagez-vous pour débloquer les 20 millions d'euros qui sont nécessaires aujourd'hui et pour lesquels on a demandé que, comme chaque année, une quatrième commission d'aide aux riverains se tienne en décembre et traite les dossiers en instance ?
Madame la ministre, il vous faut laisser l'ADEME gérer les dossiers, car elle sait le faire. En outre, elle a gagné, par son sérieux, la confiance des riverains et des élus, Aéroports de Paris ne suscitant que doute et rejet chez ceux-ci. Par ailleurs, il convient de donner à l'ADEME les moyens de répondre aux demandes, ce qui signifie, je le rappelle, 20 millions d'euros pour 2003.
Si ces crédits ne sont pas attribués, la commission d'aide ne pourra pas délibérer, les caisses étant vides. A la troisième réunion en septembre, des difficultés étaient déjà apparues, puisque seulement moins d'une dizaine de dossiers individuels avaient pu être traités : ils sont plusieurs centaines habituellement.
A ces deux questions, madame la ministre, j'attends une réponse précise et je ne saurais me contenter d'une réponse du type : « vous avez raison » et « j'ai pris des mesures nouvelles pour 2004 ». Car la réponse que vous me ferez s'inspirera sans doute de votre déclaration du 6 octobre dernier. Pourtant, je ne peux que vous approuver lorsque, dans votre lettre, vous écrivez : « Le dispositif d'isolation phonique des logements au droit des grands aéroports ne permet pas de faire évoluer les ressources, les crédits dont dispose l'ADEME étant déconnectés du montant de la taxe des aéroports. »
En revanche, je suis obligée de vous faire part de ma profonde déception à l'examen de vos propositions pour 2004. Vous prétendez vouloir insonoriser 8 800 logements par an. Je tiens à vous rappeler que, dans le plan de gêne sonore, le PGS, qui sera mis en révision, 140 000 logements sont concernés pour le bénéfice d'une aide. Dans les faits, il s'agit de bien plus de 140 000 logements, puisque nous approchons des 200 000. Car - et peut-être pourrez-vous me le confirmer, madame la ministre - une bonne partie des villes de Sarcelles, de Villiers-le-Bel, de Garges-lès-Gonesse et de Bonneuil-en-France échappe à l'intégration dans les limites permettant l'attribution de l'aide aux riverains. Il faudra donc vingt ans pour aboutir à une insonorisation complète du parc immobilier concerné.
Et compte tenu du développement de l'aviation civile, sur la base de 4,3 % par an, nous aurons un PGS incluant bien plus de 140 000 logements : j'ai calculé que cela représenterait le double.
Si vous pensez pouvoir indemniser les opérations d'insonorisation avec 55 millions d'euros, je suis obligée de vous rappeler que le coût d'une insonorisation s'élève à 10 000 euros en moyenne du fait de la révision des prix obtenus. Or si vous multipliez 10 000 euros par 8 800 logements, vous obtenez 88 millions d'euros. Vous le voyez, madame la ministre, nous sommes loin du compte !
Je me résumerai en vous demandant si vous envisagez de continuer à faire gérer les dossiers par l'ADEME, si vous comptez attribuer 20 millions d'euros au titre de 2003 et si vous pouvez prévoir 90 millions d'euros au budget pour 2004 afin de répondre à votre propre objectif d'insonoriser 8 800 logements par an.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question sur l'indemnisation des riverains des aéroports.
Le bruit figure en tête des préoccupations de nos concitoyens, notamment de ceux qui habitent en milieu urbain - tout particulièrement dans le département dont vous êtes l'élue - et les études les plus récentes de l'INSEE ou de l'IFEN, l'Institut français de l'environnement, le démontrent.
Vous avez bien voulu rappeler, madame la sénatrice, les déclarations que j'ai faites devant le Conseil national du bruit, et vous avez évoqué le plan d'action pour relancer la lutte contre les nuisances sonores, dont le premier axe - ce n'est pas le seul - concerne justement les riverains des dix principaux aéroports nationaux.
Le dispositif d'isolation phonique des logements au droit des dix principaux aéroports nationaux, qui est actuellement géré par l'ADEME, ne permet pas de répondre au défi de l'élargissement des plans de gêne sonore, qui sont passés, vous l'avez signalé, de 68 000 logements en 2001 à près de 140 000 logements aujourd'hui.
Cela ne signifie pas, bien évidemment, que les 140 000 logements sont à insonoriser dans le cadre de ces plans de gêne sonore : certains le sont déjà, d'autres répondent aux normes.
Le dispositif actuel ne donne pas satisfaction : il est trop centralisé, il ne tient pas assez compte des situations locales et il ne permet pas de faire évoluer les ressources à la hauteur des besoins, même si, cette année - et je m'inscris en faux s'agissant de vos affirmations - j'ai pris soin d'augmenter de 8 millions d'euros la dotation initiale de l'ADEME : elle passe ainsi de 23 millions d'euros à 31 millions d'euros, ce qui permet de répondre aux demandes les plus pressantes.
A partir du 1er janvier prochain, les gestionnaires des dix principaux aéroports nationaux vont bénéficier d'une taxe sur les aéronefs qui sera entièrement consacrée à protéger les habitations concernées par les plans de gêne sonore. Son montant passe de 17 millions d'euros en 2003 à 55 millions d'euros en 2004.
Ce nouveau dispositif, plus direct, permettra d'accélérer le traitement des dossiers.
Quand M. Gayssot était ministre des transports, je vous le rappelle, madame la sénatrice, on insonorisait 3 000 logements. Grâce à l'augmentation de cette taxe, 8 800 logements - vous l'avez précisé - seront insonorisés et le rythme des travaux va pouvoir s'accélérer significativement.
Cette disposition a été élaborée conformément à l'esprit de la charte de l'environnement. Elle responsabilise également les gestionnaires d'aéroport, qui seront conduits à prendre en compte l'impact du bruit dans leurs décisions de développement.
Enfin, ce dispositif garantit la transparence et l'information du public grâce à l'implication des commissions locales, où sont représentés élus et associations de riverains, et qui verront leur rôle confirmé.
Bien entendu, madame la sénatrice, l'Etat, et en particulier la ministre de l'écologie et du développement durable, n'abandonne pas sa responsabilité en la matière. Je ne veux pas l'abandonner : non seulement les préfets resteront présidents des commissions locales de concertation, mais en outre la direction de la prévention des pollutions et des risques au ministère de l'écologie et du développement durable, comme la direction générale de l'aviation civile au ministère de l'équipement, resteront garantes du bon fonctionnement de ce dispositif.
Par ailleurs, il me semble indispensable que les riverains ne soient pas pénalisés lors du changement de dispositif. Les gestionnaires d'aéroport doivent prendre dès à présent leurs dispositions pour être prêts au 1er janvier prochain. J'ai également demandé à l'ADEME, qui est forte de son expérience, de leur offrir ses services et son assistance pour franchir le cap des premiers mois de l'année prochaine.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, tout en vous remerciant d'être venue ce matin au Sénat pour répondre à ma question, je tiens à vous dire que je trouve votre réponse un peu trop optimiste et, en tout cas, éloignée des réalités.
Commençons par rappeler les chiffres. Vous avez annoncé l'insonorisation de 8 800 logements.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est mieux que mon prédécesseur !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Votre prédécesseur, c'est le passé ! Ce que je regarde aujourd'hui, c'est l'avenir !
Si je multiplie ce nombre de 8 800 logements par 10 000 euros, j'obtiens 88 millions d'euros : autant dire que nous sommes loin du financement concret de l'insonorisation des 8 800 logements que vous avez annoncés.
Par ailleurs, vous m'avez confirmé le transfert de la gestion de ce dispositif de l'ADEME à Aéroports de Paris.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sous garantie de l'Etat !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Décision, là encore, étonnante au vu de l'expérience passée et de ce que n'a pas fait Aéroports de Paris à l'époque. Ce transfert me paraît tout à fait irresponsable pour l'avenir.
M. Raymond Courrière. Très bien !
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