Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 08/10/2003
Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la situation de plus en plus dégradée des personnes en situation de chômage et notamment sur sa décision de réduire l'allocation de solidarité spécifique (ASS) à deux ans. Ainsi pour les communes de Choisy-le-Roi, Orly, Villeneuve-Le-Roi, Ablon et Thiais dans le Val-de-Marne ce sont 595 personnes qui se trouveront en situation de fin de droit au 1er janvier 2004 dont 122 jeunes de moins de vingt-six ans et 60 personnes de plus de cinquante ans. Une telle mesure, bien loin de relancer un marché de l'emploi en plein marasme, ne fera qu'aggraver la précarisation des françaises et des français. C'est à la lumière de mesures solidaires que doit être envisagée la situation des personnes au chômage, c'est pourquoi elle lui demande de suspendre sa décision de réduction de l'ASS pour éviter toute précarisation statutaire et du niveau de vie de ces dernières.
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Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes âgées publiée le 05/11/2003
Réponse apportée en séance publique le 04/11/2003
Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, cela n'est en rien désobligeant à votre égard, mais je regrette vivement l'absence de M. François Fillon.
Au moment où le Président de la République, à Valenciennes, affirme que la fracture sociale risque de s'élargir, la signature de l'accord UNEDIC en septembre 2002 et l'annonce de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité, l'ASS, créée en 1984 et versée aux chômeurs en fin de droits ASSEDIC, vont aggraver considérablement la situation.
Il s'agit d'une attaque en règle contre les chômeurs et les personnes les plus en difficulté au regard de l'emploi. C'est une attaque sans précédent depuis 1945 contre la protection sociale et le droit des salariés à une indemnisation en cas de chômage.
Ainsi, plus de 850 000 chômeurs seront touchés par ces mesures, dont plus de 300 000 dès le 1er janvier 2004. Parmi ces derniers, quelque 130 000 chômeurs basculeraient sur l'ASS, mais pour une durée très limitée : deux ans pour les nouveaux bénéficiaires et trois ans pour les autres.
Le nombre d'allocataires indemnisés par les ASSEDIC - chômeurs, préretraités, stagiaires en formation ou en conversion - a augmenté de 1,5 % au mois de septembre par rapport au mois d'août, selon les statistiques de l'UNEDIC. Sur un an, cette augmentation représente 8 %, soit 428 300 demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans. Ainsi, pour le Val-de-Marne, au 31 décembre 2003, sur les 54 300 demandeurs d'emploi que compte ce département, 3 840 personnes seraient en fin de droits. Pour les seules villes de Choisy-le-Roi, Orly, Villeneuve-le-Roi, Ablon et Thiais, elles seraient 595, dont 122 jeunes de moins de vingt-six ans et soixante de plus de cinquante ans. L'objectif annoncé de faire des économies à concurrence de 150 millions d'euros dès 2004 afin de financer la baisse des impôts des plus riches se fera au détriment exclusif des bénéficiaires des allocations. Cela est inadmissible.
Inquiets, choqués, désemparés, les chômeurs apprennent ces mesures avec consternation. Mais, après l'abattement, c'est la colère. La décision a été prise de repousser la réforme au mois de juillet 2004, à la suite des protestations, y compris dans les rangs mêmes de la majorité, le président de l'UDF ayant qualifié cette mesure de « signal désastreux ».
L'accès direct pour certains chômeurs au revenu minimum d'activité, le RMA, dès janvier prochain n'est qu'une mesure placebo destinée à mieux cacher l'injustice de cette mesure et la flexibilisation accrue du marché du travail. C'est la précarité de l'emploi qui est érigée en système, sans compter que, pour avoir droit au RMA, il faudra auparavant bénéficier du RMI. Or une grande partie des personnes en fin de droits dès 2004 ne pourront y prétendre. Les populations les plus touchées seront les jeunes et les personnes de plus de cinquante ans, alors même que nous connaissons les grandes difficultés qu'ils rencontrent pour trouver du travail.
Vous voulez faire assumer, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom du Gouvernement, le coût de vos mesures aux seuls demandeurs d'emploi ; cela relève de l'injustice sociale. La France ne doit plus se satisfaire de ces conditions de l'emploi en constante dégradation, qui accentuent la misère, minent les Françaises et les Français, mais aussi l'économie.
La paupérisation croissante des demandeurs d'emploi mais aussi des salariés doit cesser. C'est pourquoi je vous demande, avec fermeté et détermination, me faisant l'interprète de la colère des chômeurs, de retirer cette mesure et d'engager au plus vite des négociations avec les partenaires sociaux, mais également avec les associations représentatives de chômeurs comme l'APEIS, le MNCP, AC !, la CGT-Chômeurs, qui viennent de lancer un appel commun en demandant un « Grenelle » de l'assurance chômage pour une indemnisation juste et solidaire du chômage. Monsieur le secrétaire d'Etat je vous demande donc de revenir immédiatement, au nom du Gouvernement, sur la décision de réduire l'allocation spécifique de solidarité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. François Fillon, retenu, qui m'a chargé de le représenter aujourd'hui et de répondre à votre question.
D'abord, je voudrais vous livrer la réflexion qui m'est venue à l'esprit en vous écoutant : que de chemin parcouru, madame Luc ! En effet, votre référence est aujourd'hui le président de l'UDF. Les temps ont bien changé. Il faudra que nous nous y habituions...
Vous avez appelé l'attention du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la réduction de l'allocation spécifique de solidarité. L'objectif de la réforme de l'ASS, comme de l'ensemble de la politique de l'emploi que le Gouvernement mène depuis dix-huit mois, est de donner la priorité au retour à l'emploi.
Or, lorsque l'on est au chômage depuis plusieurs années, on a besoin non seulement d'une allocation, mais aussi d'un vrai dispositif d'insertion qui puisse ouvrir une réelle perspective à l'emploi. C'est la raison pour laquelle nous mettons en place le revenu minimum d'activité. Dès l'année prochaine, le RMA offrira une solution pour tous les allocataires de l'ASS arrivant au terme de leurs droits à indemnisation. Ces allocataires seront donc éligibles, sans avoir à satisfaire une condition d'ancienneté dans le RMI. Nous procéderons aux ajustements nécessaires dans le projet de loi qui sera prochainement discuté à l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, madame le sénateur, pour les allocataires de l'ASS qui ne seront pas concernés par la réforme en 2004 et qui sont la grande majorité, toutes les mesures pour l'emploi, en particulier les contrats initiative-emploi pour lesquels le projet de loi de finances prévoit des crédits supplémentaires dès 2004 - 110 000 contrats au lieu de 70 000 -, seront mobilisées prioritairement, et le suivi par l'ANPE sera renforcé.
Tels sont les éléments d'information dont M. Fillon, par ma voix, souhaitait vous faire part.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. A l'évidence, monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne peut me satisfaire. Mieux, elle me conforte dans l'idée que le Gouvernement veut maintenir ses mesures au détriment, je le répète, des plus démunis et des plus faibles. Et le fait de repousser leur application, si c'est une mesure de recul, ne peut en aucun cas rassurer les demandeurs d'emploi.
Le basculement vers le RMA ne nous leurre pas, d'autant qu'il fait peser le coût de cette réforme sur les collectivités locales, les conseils généraux en premier lieu.
Mme Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, a déclaré : « Ce qui permet aux gens de se réinsérer vraiment dans la société, c'est le travail. Si l'on n'a pas de travail, on est exclu. » Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, on est exclu, et l'hiver approche avec son cortège de souffrances et de morts.
Pourtant, les nouveaux chiffres officiels du chômage sont éloquents : encore 1 % de hausse, soit près de 10 % de chômeurs en France. Je veux souligner l'absence de toute politique volontariste en faveur de l'emploi, le Gouvernement ayant une part active dans la montée du chômage. L'accord qui est en train d'être conclu avec une entreprise chinoise et aux termes duquel la production des téléviseurs Thomson ne se ferait plus en France en est un exemple. Je songe aussi à la suppression des emplois-jeunes et à la casse du statut des intermittents du spectacle. L'exemple le plus flagrant est celui des aides-éducateurs, qui ne sont pas tous remplacés dans le secondaire, alors que de nombreux contrats prennent fin en décembre 2004 et que près de la moitié des 14 000 recrutements prévus dans le primaire n'ont pas encore été effectués. Je parle de l'emploi des jeunes. Monsieur le secrétaire d'Etat, demandez au Gouvernement de retirer cette mesure.
Actuellement, de nombreuses actions sont menées à travers la France afin de protester contre la précarisation des chômeurs et, au-delà, contre la précarisation de l'emploi dans son ensemble. Le 13 novembre, une nouvelle journée d'action nationale sera organisée. Des demandeurs d'emploi continuent leur action. Le groupe communiste républicain et citoyen les soutiendra. J'étais à leurs côtés lors de leur dernière manifestation devant le MEDEF. Je serai encore à leurs côtés le 13 novembre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je le répète, demandez au Gouvernement de retirer cette mesure pour le bien des chômeurs, de l'économie de la France et pour mettre en accord vos actions avec vos paroles. Je pense en particulier à celles que le Président de la République a prononcées, à Valenciennes, sur la fracture sociale, car ces mesures accentuent la fracture sociale.
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