Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOC) publiée le 22/10/2003

M. Jean-Marc Todeschini souhaiterait interroger M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences dramatiques que peuvent rencontrer des familles suite à une certaine lenteur de notre justice. Il voudrait tout d'abord rappeler certains faits. La commune de Roncourt, en Moselle, est une commune sinistrée du fait des affaissements miniers. Un certain nombre de familles ont donc vu leurs maisons se fissurer, s'affaisser. Les habitants ont tout naturellement introduit devant le tribunal de grande instance de Metz un référé en juillet 1999. Le président du tribunal a nommé deux experts qui devaient rendre leur rapport en avril 2000. A ce jour, malgré de nombreuses relances du président du tribunal de grande instance et des courriers multiples des habitants, aucun rapport définitif n'a été produit. Or, arguant de la procédure en cours, les différentes assurances refusent d'indemniser les habitants. Un tel retard se traduit, pour les cinquante-quatre familles de Roncourt concernées, par des situations dramatiques à la fois matériellement et psychologiquement. Il souhaiterait donc connaître les dispositions que compte prendre le Gouvernement pour répondre aux attentes des habitants de Roncourt, et leur démontrer que notre justice sait surmonter ses " retards ".

- page 6942


Réponse du Secrétariat d'Etat aux programmes immobiliers de la justice publiée le 05/11/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2003

M. Jean-Marc Todeschini. Je souhaiterais souligner les conséquences dramatiques d'une « certaine lenteur » de notre justice. Mme Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sait à quoi je fais allusion.

L'incertitude devient de plus en plus grande, dans le bassin ferrifère lorrain, pour les familles frappées par les affaissements miniers. Après les cas de Moyeuvre-Grande, de Landres, de Nondkeil, d'Ottange et d'Auboué, je voudrais évoquer aujourd'hui le dossier des sinistrés de Roncourt, en Moselle.

Alors que, s'agissant de communes voisines, la mobilisation de fonds provenant de l'Etat, de l'exploitant Lormines et de l'assureur de celui-ci a permis d'apporter une réponse relativement rapide, à Roncourt, en revanche, soixante mois après le début du sinistre, cinquante-quatre dossiers ne sont toujours pas réglés.

En effet, dans cette commune, sinistrée du fait des affaissements miniers, les maisons de soixante-seize familles se sont fissurées et affaissées. Vingt-deux de ces familles ont commencé à être partiellement indemnisées, car leurs biens étaient « clausés », c'est-à-dire qu'ils étaient grevés d'une clause exonérant l'exploitant minier de sa responsabilité. L'Etat assurera leur indemnisation. Il faut cependant noter que ces familles ne seront indemnisées, dans le meilleur des cas, qu'à hauteur de 60 % à 71 % du chiffrage de l'expertise judiciaire.

Les cinquante-quatre autres familles ont, en février 1999, créé une association qui a introduit un référé devant le tribunal de grande instance de Metz en juillet 1999. Le président de celui-ci a pris une ordonnance désignant deux experts qui devaient rendre leur rapport en avril 2000. A ce jour, malgré de nombreuses relances du président du tribunal de grande instance et des courriers multiples des habitants de Roncourt concernés, aucun rapport définitif n'a encore été produit.

Or, arguant de cette procédure judiciaire en cours, les différents assureurs refusent aujourd'hui d'indemniser les habitants et de trouver un accord à l'amiable. Un tel retard, monsieur le secrétaire d'Etat, se traduit, pour ces cinquante-quatre familles de Roncourt, par des situations dramatiques sur les plans matériel et psychologique. Elles demandent simplement qu'un principe d'équité leur soit appliqué. Ainsi, nous répondrons à leurs attentes et nous leur démontrerons que notre justice sait surmonter ses « retards ».

Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre les dispositions nécessaires, car, au travers de ce dossier, ce sont les conditions de vie quotidienne d'hommes et de femmes qui sont en jeu, et non pas de simples textes juridiques et techniques.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. le garde des sceaux, qui m'a demandé de vous dire combien il est sensible à la situation difficile que connaissent de nombreux habitants des communes de Roncourt et de Moyeuvre-Grande, en Moselle, dont les maisons ont effectivement subi des dégradations importantes à la suite d'infiltrations et d'inondations causées par l'affaissement des anciennes mines sur le terrain desquelles elles avaient été construites.

Les procédures engagées ont pour objet de déterminer les responsabilités et d'obtenir des indemnisations de nature à réparer l'intégralité des préjudices subis. La technicité des questions soulevées, confirmée par les pièces et mémoires nombreux que les parties échangent encore dans le cadre de certaines procédures, n'a malheureusement pas permis aux experts commis dans ces affaires d'aboutir à des avis définitifs sur la ou les responsabilités en cause.

Pour ce qui concerne les procédures portées devant le tribunal de grande instance de Metz, plusieurs prérapports ont toutefois déjà été déposés. Cela étant, comme vous le savez, monsieur le sénateur, le montant prévisible des indemnisations est extrêmement élevé, et la mise en jeu de la responsabilité doit donc s'appuyer sur des éléments de fait et de droit incontestables, afin que les décisions à intervenir ne puissent pas être remises en cause, au détriment des habitants sinistrés.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, lors d'une réunion d'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Thionville, les experts ont demandé à être destinataires de l'ensemble des rapports et études réalisés par les services de l'Etat sur le secteur.

On ne saurait reprocher à ces experts de vouloir s'entourer de toutes les analyses techniques nécessaires pour mener à bien la mission qui leur a été confiée et de rechercher les preuves les plus solides pour étayer le rapport qu'ils devront soumettre à l'approbation du tribunal.

M. le garde des sceaux a cependant demandé au chef de la cour d'appel de Metz de porter une attention soutenue à l'évolution des procédures en cours et de faire en sorte que le suivi et le contrôle des expertises soient menés de manière particulièrement efficace, afin d'aboutir dans les meilleurs délais au jugement de ces affaires.

Les lenteurs que vous dénoncez n'en sont pas pour autant plus supportables, nous en convenons. C'est pour de telles circonstances que le législateur, dans sa sagesse, a étendu, par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, le champ d'intervention du fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse aux dommages immobiliers d'origine minière.

Une indemnisation plus rapide sera donc désormais possible pour les personnes propriétaires d'un immeuble occupé à titre d'habitation principale ayant subi des dommages survenus à compter du 1er septembre 1998 à la suite d'un sinistre minier constaté par arrêté préfectoral.

Un projet de décret prévoyant les modalités d'application de cette nouvelle disposition législative est en cours d'élaboration au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le président. La parole est à M. Jean-MarcTodeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu participé aux débats ayant permis l'élaboration de la loi relative aux risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, mais, aujourd'hui, les sinistrés ne peuvent plus attendre. On assiste à de véritables drames !

J'ai pris bonne note de votre réponse et de la vigilance dont il sera fait preuve pour que les rapports soient déposés dans les meilleurs délais. Cependant, voilà tout de même quelques années que la situation perdure ! Les habitants du bassin ferrifère, ceux de Roncourt et de Moyeuvre-Grande, mais aussi, peut-être, ceux du bassin nord, si par malheur le Gouvernement donnait l'autorisation d'ennoyage, et, au-delà, de tout le bassin houiller lorrain, lequel subira la montée des eaux d'exhaure lorsque l'exploitation cessera en Sarre, doivent être rassurés.

En effet, je le redis, la situation dans les bassins ferrifère et houiller est dramatique. Les gens se trouvent vraiment dans la détresse et ne peuvent plus attendre. Certains habitants ont le sentiment d'avoir été bernés par l'exploitant minier, à qui ils ont racheté leur maison et qui les a ensuite abandonnés à leur sort. Or ces personnes, parfois gravement affectées dans leur santé tant physique que psychologique, pâtissent maintenant des lenteurs de la justice. Celles-ci ne sont certes pas propres à cette affaire et sont peut-être liées à la technicité des questions soulevées, mais il importe vraiment que le Gouvernement suive de près ce dossier.

- page 7410

Page mise à jour le