Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 05/11/2003
Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la dégradation du service rendu par La Poste aux usagers et l'éventuelle suppression de la deuxième tournée du courrier à Paris. D'ores et déjà, à Paris, des dizaines de milliers de familles sont exclues chaque jour de la distribution du courrier. De nombreuses livraisons de colis et de courriers sont mal ou pas assurées. Des milliers d'objets recommandés et ordinaires restent en souffrance. Les retards s'accumulent. Jusqu'à vingt tournées par arrondissement ne sont pas effectuées à cause des centaines d'emplois manquants à Paris. Alors que Paris restait la seule ville où deux distributions existaient, dont la première avant 9 h 30, la continuation et l'aggravation de la politique de démantèlement de la direction de La Poste fait planer une menace sérieuse sur celles-ci. La direction de La Poste prévoit en effet sur Paris des suppressions d'emploi de 20 % (environ 2000 emplois). Il est à noter que cette suppression de services et d'emplois est déjà à l'oeuvre dans le sixième arrondissement où elle s'est traduite par une dégradation du service rendu aux usagers. Actuellement, seuls 53 % (contre 70 % au niveau national) des courriers parisiens postés sont distribués le lendemain. Une lettre de Paris à Paris met plus longtemps qu'une lettre de Paris pour la province. De plus, alors qu'aujourd'hui la quasi-totalité des bureaux parisiens sont ouverts de 8 heures à 19 heures en semaine et de 8 heures à 12 heures le samedi, il est envisagé de réduire cette amplitude suivant les arrondissements et de diminuer le nombre de guichets, voire de fermer certains bureaux. Toutes ces mesures s'inscrivent dans une volonté d'engager La Poste dans la guerre de la concurrence décidée et orchestrée par les dirigeants de l'Union européenne pour mettre à bas l'ensemble des entreprises et services publics. Pourtant, la direction de La Poste de Paris continue dans cette logique et envisage même d'étendre la démarche entamée dans le sixième arrondissement à d'autres arrondissements sans qu'aucun bilan d'étape ne soit effectué. Elle lui demande quelles mesures l'Etat compte prendre pour, au contraire, donner les moyens à La Poste de demeurer à Paris comme ailleurs un service public de proximité et de qualité pour tous les citoyens. Par conséquent, elle souhaite savoir comment elle compte pérenniser la deuxième tournée parisienne qui, au vu de la constante augmentation du nombre d'objets arrivant l'après-midi, se justifie pleinement.
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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 17/12/2003
Réponse apportée en séance publique le 16/12/2003
Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, depuis le mois de juin 2003, la distribution unique du courrier a fait son entrée dans le 6e arrondissement de Paris. Cela s'est traduit par la suppression de vingt-trois emplois, et les facteurs ont dû se partager vingt et un secteurs, contre vingt-six auparavant.
Dès le mois de février 2003, j'ai dénoncé devant vous cet état de fait. Bien évidemment, la mise en cause du service postal dans un arrondissement parisien n'est qu'une première étape qui s'inscrit dans la logique de l'application du nouveau schéma directeur de traitement et de transport du courrier, schéma qui, depuis le 30 juin 2003, place trente à quarante départements à J + 2 pour la distribution du courrier.
Aujourd'hui, la direction de La Poste annonce vouloir supprimer la deuxième tournée à Paris dès 2004. J'avais malheureusement eu raison de vous alerter à ce sujet ! Les Parisiens s'en sont vivement émus, et je précise que la majorité du Conseil de Paris y est opposée.
Il faut en effet savoir qu'aujourd'hui des dizaines de milliers de foyers parisiens restent exclus, chaque jour, de la distribution du courrier : de nombreuses livraisons de colis et de plis sont mal assurées ou ne le sont pas du tout ; des milliers d'objets recommandés et ordinaires restent en souffrance ; les retards s'accumulent. Aujourd'hui, seuls 53 % des courriers parisiens postés sont distribués le lendemain, contre 70 % à l'échelon national. Une lettre de Paris à Paris met plus de temps pour parvenir à destination qu'une lettre de Paris pour la province !
De plus, alors qu'aujourd'hui la quasi-totalité des bureaux parisiens sont ouverts de huit heures à dix-neuf heures en semaine et de huit heures à douze heures le samedi, il est envisagé de réduire cette amplitude, suivant les arrondissements, et de diminuer le nombre de guichets, voire de fermer certains bureaux. Je conseille à ceux qui ne savent pas ce que cela signifie d'aller voir les files d'attente dans les bureaux de poste à Paris !
Toutes ces mesures montrent, s'il en était besoin, quel est le sens de la libéralisation des services postaux que l'on veut nous imposer par le biais de l'Union européenne : un service public dégradé et laissant le champ au privé - onéreux, bien sûr, et même très onéreux - pour aboutir à la disparition totale du service public.
Il faut au contraire que l'Etat donne à La Poste les moyens de demeurer, à Paris comme ailleurs, un service public de proximité et de qualité pour les citoyens.
C'est pourquoi, madame la ministre, je vous demande d'intervenir, en tant que ministre de tutelle, pour revenir sur le processus de suppression de la deuxième tournée : il faudrait commencer par améliorer la totalité de la distribution organisée en deux tournées pour savoir si les Parisiens souhaitent une ou deux distributions. La meilleure solution me semble être de garantir la distribution du courrier dès huit heures trente, comme c'est théoriquement le cas actuellement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Madame la sénatrice, tout d'abord, je tiens à vous garantir qu'aucune réflexion visant à réduire les horaires d'ouverture des bureaux de poste parisiens n'est à l'ordre du jour.
S'agissant de la distribution du courrier aux habitants de Paris, aujourd'hui, une partie est assurée dans la matinée, le reste à la mi-journée.
Pour permettre aux usagers de recevoir tout leur courrier en une seule fois, une nouvelle organisation des services de La Poste est, en effet, testée dans le VIe arrondissement depuis le mois de juin 2003.
Quelles observations La Poste tire-t-elle de cette expérimentation ?
Tout d'abord, le facteur fait plus de distribution et moins de tri, car l'automatisation du tri permet de lui fournir un courrier déjà trié. Auparavant, ce tri était manuel. En consacrant plus de temps à la relation avec les clients, le facteur renforce son rôle de lien de proximité avec les Parisiens.
Ensuite, le service est amélioré pour les clients particuliers et pour les petits professionnels, les artisans et les commerçants : grâce à la distribution unique, ils reçoivent la totalité de leur courrier ordinaire du jour en une seule fois, plus tôt et, dans tous les cas de figure, avant midi.
Je rappelle aussi que, du lundi au samedi, La Poste assure à Paris une distribution vespérale spécifique, du journal Le Monde à ses abonnés, ainsi que de la presse régionale qui arrive à Paris en matinée.
Permettez-moi aussi de souligner les conséquences de ce nouveau mode de distribution sur l'environnement et la qualité de vie : grâce à lui, le trafic routier des véhicules de La Poste a été réduit de 1 600 kilomètres par mois dans le seul VIe arrondissement.
La Poste envisage d'étendre progressivement, à l'horizon de 2006, la tournée unique à l'ensemble de la capitale, avec une organisation adaptée au cas par cas.
Cette évolution contribue à atteindre l'objectif de 85 % du courrier distribué à J + 1 d'ici à 2007, à Paris comme sur le reste du territoire. Cet objectif est fixé dans le contrat de plan entre l'Etat et La Poste.
Naturellement, le Gouvernement veillera à ce que toutes les évolutions soient menées dans l'intérêt des utilisateurs des services postaux et après un dialogue social que nous souhaitons d'une particulière qualité.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais elle est idyllique.
Si, en effet, le projet de contrat de plan Etat - La Poste est appliqué, seuls 6 013 bureaux de poste seront maintenus sur les 17 000 bureaux actuels, dont 12 500 sont de plein exercice. J'ai donc de grands doutes quant à la présentation que vous faites de la situation. J'ajoute que, d'ici à 2012, sur 140 000 départs à la retraite prévus, seulement un sur deux sera remplacé. J'ai du mal à croire que la distribution va s'en trouver améliorée !
C'est dans ce contexte que s'inscrit la suppression de la seconde tournée parisienne, appelée à être suivie de la diminution du nombre de bureaux de proximité. Et je ne dirai rien de la province !
Nous aurions vraiment tout intérêt, comme les députés européens de ma sensibilité le préconisent, à faire un bilan de la libéralisation des services postaux à l'échelle européenne pour établir si, effectivement, les services aux usagers se sont améliorés et sont devenus peu onéreux : certains auraient de réelles surprises - ce ne serait pas mon cas ! -, car ces services se sont dégradés.
Je ne peux évidemment pas, madame la ministre, me satisfaire de votre réponse.
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