Question de M. FRANCHIS Serge (Yonne - UMP) publiée le 04/11/2003

M. Serge Franchis rappelle à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire que le projet de loi sur le développement rural présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales prend en considération la nouvelle réalité rurale. Il affirme une priorité certaine en faveur du développement des territoires en déclin, aussi bien qu'il se préoccupe tant des " campagnes des villes " que des " nouvelles campagnes ", selon les définitions retenues par la délégation à l'aménagement du territoire. Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, réuni le 3 septembre dernier, a été exclusivement consacré au monde rural. A cette occasion, un ensemble de mesures intéressantes ont été présentées. Enfin, sous l'impulsion de M. le Premier ministre, les textes en cours d'élaboration sur la décentralisation et sur les libertés locales auront pour objet de rendre plus simples et plus proches les décisions concernant la vie quotidienne des Français. Or jamais dans nos villages, un aussi fort sentiment d'abandon de la part des pouvoirs publics n'a été ressenti devant les mesures de délocalisation, voire de suppression de services de proximité auxquels sont fondamentalement attachés nos concitoyens : perceptions, bureaux de poste, gares de chemin de fer... A défaut de la mise en place préalable d'un dispositif de substitution, cette réorganisation met en échec, psychologiquement, toute politique d'aménagement du territoire, même la plus vertueuse. Il lui demande comment il envisage d'éviter cette fracture, qui nuit gravement aux efforts consentis pour le maintien de la qualité de la vie dans les campagnes.

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Réponse du Secrétariat d'Etat à la réforme de l'État publiée le 17/12/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2003

M. Serge Franchis. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question conduit à mettre en parallèle les efforts que développe le Gouvernement à l'attention du monde rural, d'une part, et l'état d'abandon profondément ressenti par la population concernée, d'autre part.

Certes, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui prend en considération la nouvelle réalité rurale, affirme une priorité certaine en faveur des territoires en déclin.

En outre, le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 3 septembre dernier a été exclusivement consacré au monde rural et un certain nombre de mesures y ont été présentées.

Par ailleurs, le texte relatif aux responsabilités locales, qui est en cours de discussion, a pour objet de rendre plus proches les décisions concernant la vie de nos concitoyens.

Or, vous le savez aussi bien que moi, les villages se sont vidés de leurs petits commerces, de leurs services de proximité. Par conséquent, les habitants sont d'autant plus attachés à la présence des services publics, qu'il s'agisse des gendarmeries, des bureaux de poste, des perceptions, éventuellement des gares de chemin de fer. Toute mesure de suppression de l'un de ces services prise par telle ou telle administration se traduit par le constat d'un retrait de la présence de l'Etat. Cela paraît incohérent, inadmissible, de la part d'un Etat qui dénonce par ailleurs les risques d'une fracture territoriale.

A défaut de la mise en place préalable de dispositifs de substitution et en concertation réelle - pas seulement apparente - avec les élus, toute réorganisation administrative induit le rejet, psychologiquement parlant, de votre politique d'aménagement du territoire.

Comment envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, de reconquérir la confiance des habitants des petits bourgs, des petits villages, qui voient partir, sans espoir de retour, des fonctionnaires de l'Etat ou des agents des services publics.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, la promotion des territoires, notamment les territoires ruraux, est au coeur de la politique d'aménagement du territoire du Gouvernement. Vous êtes vous-même, dans votre département de l'Yonne, l'avocat inlassable de ces territoires qui, il est vrai, se sentent trop souvent abandonnés ; ils ont, et depuis fort longtemps, le sentiment que la présence des services publics se réduit comme peau de chagrin et que, finalement, ce sont toujours les mêmes qui trinquent ! Vous avez d'ailleurs donné des exemples tout à fait concrets, en évoquant les perceptions, les gares et les écoles, notamment.

Il convient de concilier deux exigences contradictoires.

Il nous faut, d'abord, éviter de contrarier la modernisation du service public, car il est vain d'entretenir l'illusion que l'on pourra maintenir des missions de service public si elles ne correspondent pas à un besoin réel et si la qualité du service public ne répond pas aux exigences actuelles de nos concitoyens, qu'ils soient ruraux ou urbains.

Il nous faut, ensuite, entrer dans une logique d'aménagement du territoire et faire en sorte que la restructuration des services publics, nécessaire dans bien des cas, ne se traduise pas par un appauvrissement de la substance de ces territoires.

C'est pourquoi, au cours du CIADT du 3 septembre, Hervé Gaymard, Jean-Paul Delevoye et moi-même, avons donné la priorité à cet aspect du dossier. C'est pourquoi également, avec Jean-Paul Delevoye, nous avons lancé dans quatre départements - la Charente, la Corrèze, la Dordogne et la Savoie - une expérimentation très novatrice afin que se croisent la logique d'aménagement du territoire et la logique sectorielle de la restructuration des services publics.

Nous avons obtenu que participent à cette expérimentation tous les organismes chargés d'une mission de service public, dix-sept au total, y compris les grandes entreprises - La Poste, France Télécom, EDF -, y compris les chambres consulaires, y compris les organismes sociaux, dont on sait le rôle qu'ils jouent dans les territoires ruraux, ainsi que, bien entendu, l'ensemble des services de l'Etat, sous l'autorité du préfet.

Il s'agit de dégager, et pour la première fois, les pistes permettant une offre d'accès aux services publics pertinente, en concertation avec les acteurs locaux, au premier rang desquels les élus, pour trouver des solutions correspondant aux besoins.

Les travaux en cours dans ces quatre départements permettront de répondre par des premières mesures concrètes à des besoins identifiés et de tester des formes d'organisation innovantes dans ces territoires ; je pense ici, par exemple, à la mutualisation de l'accueil de proximité, le traitement de fond étant, lui, confié, avec toutes les sécurités nécessaires, à des pôles de traitement qui peuvent être regroupés.

Ces expérimentations nous permettront de définir une méthode de travail qui puisse inspirer d'autres départements et d'identifier, en donnant la parole aux acteurs de terrain, les adaptations législatives et réglementaires nécessaires pour libérer les énergies de tous les acteurs.

Les premières mesures susceptibles de favoriser la poly-activité et le partenariat public-privé dans les maisons des services publics, qui seraient polyvalentes, ont été prises dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, en cours d'examen.

M. Jean-Paul Delevoye et moi-même allons nous déplacer dans les quatre départements de l'expérimentation dans le courant du mois de janvier, pour faire le point sur l'état d'avancement des travaux. Nous tirerons les enseignements de ces expériences dans le courant de l'année 2004 pour progresser dans le sens d'une modernisation du service public qui, loin de nourrir ce sentiment d'abandon intolérable sur une partie du territoire, permette de préserver la cohésion sociale et républicaine.

M. le président. La parole est à M. Serge Franchis.

M. Serge Franchis. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse : cette expérience menée dans quatre départements participe de la solution du problème.

Il est urgent d'apporter aux populations la preuve que l'Etat est déterminé à maintenir les services publics, sous une forme ou sous une autre. En effet, la population de la plupart de nos petits villages, vieillissante, est moins passionnée par les grandes innovations que par la résolution de quantité de problèmes de la vie quotidienne. La réponse globale que vous proposez ici me paraît tout à fait intéressante.

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