Question de M. LECLERC Dominique (Indre-et-Loire - UMP) publiée le 15/01/2004
M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable à la suite des pluies importantes de décembre dernier et des crues qu'elles ont engendrées dans le bassin de la Loire, sur l'impérieuse nécessité de mettre en place une véritable politique de protection des populations concernées. Cela suppose qu'au-delà des moyens de prévision et de prévention existant déjà soient mis en oeuvre des moyens complémentaires de protection comme la construction de nouveaux barrages, le renforcement des digues ou une meilleure utilisation des déversoirs. Il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir si elle envisage de prendre des mesures en ce sens.
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Réponse du Secrétariat d'Etat au développement durable publiée le 28/01/2004
Réponse apportée en séance publique le 27/01/2004
M. Dominique Leclerc. Madame la secrétaire d'Etat, les inondations du mois de décembre dernier dans le sud et le centre de la France représenteraient l'événement le plus coûteux pris en charge dans le cadre de la loi sur les catastrophes naturelles depuis son instauration en 1982.
La Loire a également été en crue, mais de façon plus modeste. En dépit de l'importance des inondations, M. le préfet de région en charge de la coordination dans le cadre de l'Etablissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents, l'EPALA, a tenu à souligner que ce n'était pas une crue majeure. Cela tenait à la localisation des pluies : des pluies fortes sur l'Ardèche, la Haute-Loire et le Morvan, mais pas sur la partie ouest du Massif central, où les affluents de la Loire sont restés à leur niveau bas.
Les riverains de la Loire, qu'ils soient habitants, élus ou responsables, savent que ce fleuve présenterait un véritable danger si, par malheur, nous avions en même temps des pluies cévenoles, ce qui fut le cas partiellement en décembre dernier, des pluies atlantiques, sans parler de la fonte des neiges au printemps.
En matière de protection, nous disposons de trois principaux outils pour lutter contre les crues : les digues, les déversoirs et certains barrages.
Nous le savons tous, l'entretien du lit de la Loire et des digues fait l'objet de vastes programmes qui sont en cours depuis un certain nombre d'années.
Lors de la crue de décembre dernier, deux déversoirs ont fonctionné pour la première fois.
Par ailleurs, le barrage de Villeret a joué, à nouveau, un rôle essentiel en écrêtant la crue de la Loire. Les débits à l'aval de l'ouvrage ont été réduits de 1 300 mètres cubes par seconde, ce qui correspond à un abaissement de la ligne d'eau de l'ordre de un mètre cinquante à un mètre de Roanne à Gien.
Les crues catastrophiques du xixe siècle ont prouvé néanmoins que les digues et les déversoirs sont insuffisants pour contenir une crue centennale.
Dans une précédente intervention sur le même sujet, qui me tient particulièrement à coeur, en octobre 2002, Mme la ministre chargée de l'environnement m'avait répondu qu'il était essentiel de mieux informer la population sur les risques, afin de créer une véritable culture, une conscience du risque, et de mettre en place différentes mesures administratives telles que les plans de prévention des risques d'inondations, les PPRI. Le préfet du loiret, en décembre dernier, a pu à juste titre se féliciter de la qualité et de la précision des prévisions qui ont permis de gérer efficacement la crise.
Informer les populations n'est pas suffisant. Face au risque d'inondation, c'est la sécurité des personnes et des biens qui doit rester la priorité de l'Etat. Il faut véritablement prévenir les crues de grande ampleur, qui surviendront un jour comme elles sont apparues dans le passé.
Au mois de décembre, les spécialistes sont convenus que le barrage écrêteur de Villeret, construit en 1985, a bien joué un rôle lors de la dernière crue de la Loire. Seuls les barrages ont un rôle suffisamment efficace dans une situation exceptionnelle.
Madame le secrétaire d'Etat, ma question concerne le projet de barrage écrêteur de crue du Veurdre, dont l'intérêt et la pertinence pour éviter les catastrophes à venir ont été à nouveau soulignés par l'équipe pluridisciplinaire Plan Loire Grandeur Nature. Quand sera-t-il réalisé ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permet de faire le point sur les actions développées depuis le printemps 2002 par la ministre de l'écologie et du développement durable en matière de prévention des inondations.
La loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages en est un premier résultat. Elle met en place de nouveaux outils pour la prévention des inondations, pour le développement de l'information préventive, notamment à l'occasion des transactions immobilières, et pour faciliter les opérations de prévention, qu'il s'agisse de travaux de ralentissement des crues facilités par la possibilité de créer des servitudes de surinondation, plutôt que de procéder à des expropriations, ou de travaux de réduction de la vulnérabilité des logements et locaux d'activités des petites entreprises prescrits par les plans de prévention des risques d'inondations, que le fonds de prévention des risques naturels majeurs pourra financer.
Les décrets d'application les plus importants de cette loi seront soumis à l'avis du Conseil d'Etat ces jours-ci.
La modernisation de la prévision des crues lancée par une circulaire du 1er octobre 2002, qui est conduite par la ministre de l'écologie et du développement durable, avec l'appui de Gilles de Robien, est en cours. Le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations, le SCHAPI, qui en est la tête de file technique, est en place depuis l'été dernier et va acquérir sa pleine capacité d'action d'ici à la fin de l'année 2004, avec trente agents. Les cinquante-deux actuels services d'annonce des crues, aux moyens et méthodes disparates, seront remplacés, d'ici à la fin de l'année 2005, par vingt-deux services de prévisions des crues modernisés.
A la suite de l'appel à projets de programmes intégrés d'action de prévention des inondations à l'échelle des bassins versants qui a été lancé le 1er octobre 2002, trente-quatre projets ont été retenus en juin 2003, auxquels viennent de s'ajouter huit nouveaux dossiers, en repêchage, sélectionnés il y a quelques jours. Ces programmes permettront de mettre en oeuvre des actions et des travaux de prévention des inondations pour un montant supérieur à 400 millions d'euros.
S'agissant de la Loire, Roselyne Bachelot-Narquin a relancé le plan Loire en faisant désigner par le Premier ministre le préfet coordonnateur de bassin comme pilote de ce programme interrégional doté de moyens spécifiques. Cette relance a porté en priorité sur le volet du plan consacré à la prévention des inondations.
La mise en oeuvre de ce volet avait pris beaucoup de retard en 2002, année au cours de laquelle à peine 5 millions d'euros avaient été effectivement consommés sur les crédits d'Etat mobilisés pour cette action, en laissant plus de 1 million non utilisé en fin d'année.
A la suite de la réorganisation du pilotage du plan, le rythme de réalisation des travaux de prévention a doublé en 2003 - plus de 10 millions d'euros y ont été affectés - et va encore doubler en 2004, ce qui permettra d'atteindre le rythme nécessaire pour rattraper le retard pris sur la mise en oeuvre du programme prévu sur les sept années 2000-2006.
L'Indre-et-Loire, votre département, monsieur le sénateur, en a tout particulièrement bénéficié puisque le ministère de l'écologie et du développement durable a mobilisé plus de 2 millions d'euros en 2003 pour les travaux de restauration des levées et du lit de la Loire.
Vous pouvez donc constater que les mesures annoncées en 2002 se mettent en place rapidement et nous souhaitons pouvoir mesurer les progrès d'ici à la fin de l'année 2004.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. J'ai bien écouté votre réponse, et je vous en remercie, madame la secrétaire d'Etat, mais, en décembre dernier, j'attirais déjà l'attention sur le lit moyen de la Loire et sur la situation des départements du Loiret, du Loir-et-Cher, de l'Indre-et-Loire et du Maine-et-Loire. Or, si je vous interroge de nouveau, c'est parce que les populations ont été très émues par la dernière crue, qui a été très forte.
Il est vrai que, depuis son arrivée au ministère, Mme Bachelot a accéléré tous les programmes de prévention, d'alerte et de surveillance des crues, et le préfet Jean-Pierre Lacroix a pu à juste titre se féliciter que le système d'information et d'alerte ait bien fonctionné, mais je rappelle que notre priorité est la préservation des populations.
Leur donner une culture du risque ne suffit plus. D'abord, cette culture est déjà établie au sein de toutes les populations qui vivent au bord de la Loire. Ensuite, un système d'information a ses limites. Quand le maire d'une commune riveraine reçoit un télégramme dans la nuit du vendredi ou le samedi soir, que peut-il faire sinon classer ce télégramme ? C'est une des insuffisances du système.
Les catastrophes résultent de la conjonction de facteurs aujourd'hui connus. Pourquoi ai-je évoqué les pluies cévenoles sur le bassin des Cévennes ? Il n'y a pas eu cette fois-ci de pluies atlantiques, mais, à n'en pas douter, si ces doubles pluies intervenaient au moment de la fonte des neiges, nous aurions une catastrophe, et que ferions-nous ?
Tout cela est connu. Au-delà de l'émotion légitime des populations, si je pose cette question c'est aussi parce que le barrage « écrêteur » - mot qui a pris toute sa signification - de Villeret a bien fonctionné. Le préfet coordonnateur s'en est d'ailleurs félicité.
En 1994, un accord tripartite entre le Gouvernement, les collectivités, l'agence de bassins pour un plan Loire grandeur nature avait fixé trois priorités. La première était la préservation des populations et des biens, la deuxième, la qualité de l'eau, la troisième, la préservation des sites naturels.
En 1999, le nouveau plan Voynet a mis un terme à tout cela et donné la priorité à des mesures pudiquement qualifiées d'« alternatives ».
Aujourd'hui, j'alerte une fois encore le Gouvernement sur le fait qu'une catastrophe par conjonction de facteurs est « inévitable » sur une période de plusieurs années, voire d'un siècle. Or, on connaît le moyen d'y remédier.
On l'a vu lors des dernières catastrophes naturelles, ni les indemnités qui ne viennent que tardivement ni les mots de réconfort ne sont de nature à apaiser les populations qui ont vu leurs habitations sous deux mètres d'eau.
Nous avons une responsabilité. Nous connaissons des moyens d'atténuer les dégâts en cas de catastrophe. Nous savons que les assurances ne peuvent pas tout régler. C'est pourquoi je demande de nouveau : à quand la réalisation du projet de barrage écrêteur sur le Veurdre ? Les techniciens assurent qu'il a toute son utilité. On a réussi grâce au barrage de Villeret à abaisser, entre Giens et Roanne, d'un mètre à un mètre cinquante le niveau de la Loire. C'est considérable. C'est pourquoi je continuerai à interroger le Gouvernement à propos du projet de barrage sur le Veurdre.
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