Question de Mme TERRADE Odette (Val-de-Marne - CRC) publiée le 15/04/2004
Mme Odette Terrade attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la manière dont la justice française aborde les affaires de pédophilie, alors que la France est montrée du doigt par l'ONU dans un rapport sur " la vente d'enfants, la prostitution et la pornographie impliquant des enfants " qui constate " que de nombreuses personnes ayant une responsabilité dans la protection des droits de l'enfant, en particulier dans le domaine judiciaire, continuent de nier l'existence et l'ampleur de ce phénomène et sont incapables d'admettre que nombre d'allégations d'abus sexuels puissent être vraies ". Même si, en décembre dernier, un " guide des bonnes pratiques pour le signalement des enfants victimes d'infractions pénales " a été diffusé auprès de 15 000 magistrats, des efforts restent à faire, notamment concernant l'écoute et la parole données aux enfants victimes d'abus sexuels. Ce rapport pointant également les suites données par notre pays, à l'histoire des fichiers Zandvoort, elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour protéger les enfants et lutter judiciairement contre la pédophilie et ses réseaux.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 22/07/2004
Le garde des sceaux indique à l'honorable parlementaire que la lutte contre les infractions sexuelles et la répression des auteurs de tels actes constituent des priorités gouvernementales. Tout d'abord, il tient à souligner que la législation française est l'une de celles d'Europe occidentale qui prévoit les peines les plus sévères contre les auteurs d'infractions sexuelles. Par ailleurs, une étude menée par le Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales, qui relève du ministère de la justice et du Centre national de la recherche scientifique, montre qu'en Europe c'est en France que les peines d'emprisonnement les plus lourdes sont prononcées. (Revue Questions pénales, mars 2004.) De nombreuses réformes sont cependant intervenues pour réprimer plus efficacement ces actes, surveiller leurs auteurs et prévenir la récidive. C'est pourquoi le régime de la prescription de l'action publique a été réformé par la loi n° 2004-204 du 9 mars vingt 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité qui modifie les articles 7 et 8 du code de procédure pénale. Désormais, le délai de prescription est de vingt ans à compter de la majorité de la victime, au lieu de dix ans antérieurement pour : les crimes de meurtre ou d'assassinat d'un mineur précédés ou accompagnés d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, ainsi que les viols ; les délits d'agressions sexuelles sur mineur de quinze ans commis avec une ou plusieurs des circonstances aggravantes suivantes : avec blessures ou lésion, par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, par une personne abusant de l'autorité que lui confère ses fonctions, par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, avec usage ou menace d'une arme, en raison de l'orientation sexuelle de la victime ; les délits d'atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans commis avec une ou plusieurs des circonstances aggravantes suivantes : par un ascendant ou tout autre personne ayant autorité sur la victime, par une personne qui abuse de l'autorité que lui confère ses fonctions, par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, lorsque la mise en contact avec le mineur a été rendue possible par l'utilisation d'un réseau de télécommunication. Enfin, le délai de prescription est porté à dix ans s'agissant des délits d'agressions sexuelles et d'atteintes sexuelles sur mineurs de quinze ans sans circonstance aggravante ainsi que le recours à la prostitution d'un mineur et la diffusion d'un message à caractère violent ou pornographique susceptible d'être vu par un mineur. Cette modification législative permettra à certaines victimes de faire valoir leurs droits après des années de silence. Concernant le problème des éventuelles récidives des délinquants sexuels, il tient à préciser que la France est dotée d'un ensemble d'outils juridiques parmi les plus complets d'Europe qui a encore été renforcé à l'occasion de l'adoption de la loi du 9 mars vingt04 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité pour permettre d'éviter les cas de récidive. Ainsi, les personnes déclarées coupables de délits sexuels pourront faire l'objet d'une mesure de suivi socio-judiciaire pour une période de dix à vingt ans, au cours de laquelle elles pourront être astreintes à suivre des soins en relation avec les faits commis. En cas de non-respect de cette obligation, la mise à exécution d'une sanction pouvant aller jusqu'à trois ans (au lieu de deux antérieurement) sera susceptible d'être prononcée par le juge de l'application des peines. Les personnes déclarées coupables de crimes sexuels pourront être astreintes à la même mesure pour une durée de trente ans pour les crimes punis de trente ans et sans limitation de durée pour les crimes punis de la réclusion criminelle à perpétuité. Par ailleurs, pour limiter les possibilités pour les délinquants sexuels d'être en contact avec les mineurs, le tribunal correctionnel ne peut dispenser de l'inscription du bulletin n° 2 du casier judiciaire les condamnations pour infractions de nature sexuelle. Aux termes de l'article 776 du code de procédure pénale, l'accès à ce bulletin est en outre étendu aux administrations ou organismes chargés du contrôle de l'exercice d'une activité professionnelle ou sociale, lorsque cet exercice fait l'objet de restrictions expressément fondées sur l'existence de condamnations pénales. Les dirigeants des personnes morales de droit public ou privé exerçant auprès des mineurs une activité culturelle éducative ou sociale peuvent obtenir la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire, pour les seules nécessités liées au recrutement d'une personne lorsque ce bulletin ne porte la mention d'aucune condamnation. Enfin, dans le but de faciliter les enquêtes pénales et de prévenir les récidives d'infractions de nature sexuelle a été instauré le fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (article 706-53-1 et suivants du code de procédure pénale). Ce fichier, qui contiendra l'identité des personnes poursuivies ou condamnées, leurs adresses anciennes et actuelle, la décision judiciaire justifiant l'inscription au casier ainsi que la nature de la décision, sera consultable par les autorités judiciaires, les officiers de police judiciaire ainsi que le préfet et les administrations de l'Etat (ces dernières uniquement pour l'examen de demandes d'agrément concernant des activités ou professions impliquant un contact avec les mineurs). Toutes les personnes inscrites dans ce fichier devront justifier de leur adresse une fois par an. Le non-respect de ces obligations constitue un délit puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Enfin, il entend préciser que le CD-Rom auquel l'honorable parlementaire fait référence a été transmis à sa demande au bureau central national français pour que ce dernier le mette à la disposition d'Interpol. Il tient au surplus à préciser qu'une information judiciaire, conduite pour identifier les mineurs figurant sur ce fichier, a été clôturée par un non-lieu après des investigations particulièrement approfondies.
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