Question de M. SAUNIER Claude (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 22/04/2004

M. Claude Saunier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le droit de dénoncer les violences sexuelles. En France, une femme peut être victime de violences sexuelles, avoir le courage de les dénoncer et, si elle est déboutée de sa plainte, être condamnée pour dénonciation calomnieuse. Une nouvelle fois, une plaignante vient d'être condamnée par le tribunal correctionnel de Dieppe pour avoir dénoncé des violences physiques de la part de son supérieur hiérarchique. Ces condamnations, ou la menace d'être condamnée de façon quasiment automatique lorsque la plainte initiale pour atteintes physiques et sexuelles n'a pas abouti, rendent illusoire le droit de dénoncer les violences sexuelles subies. Les personnes poursuivies en dénonciation calomnieuse doivent bénéficier de la présomption d'innocence, comme toutes les personnes poursuivies pénalement. Or, en raison de la procédure initiale déclarant que les violences dénoncées n'ont pas de réalité, la victime de violences sexuelles ne peut pas se fonder sur ce qu'elle a vécu, réputé judiciairement inexistant. Elle ne peut que tenter de prouver qu'elle était de bonne foi au moment du dépôt de sa plainte. En matière de viol, la victime est présumée coupable puisque nécessairement de mauvaise foi. En effet, elle n'a pas pu se tromper sur ce qu'elle dénonçait. L'article 226-10 du code pénal aboutit donc à une condamnation quasi automatique. Pourtant, la non-condamnation du violeur - qui, lui, bénéficie de la présomption d'innocence - résulte le plus souvent de l'insuffisance et non de l'inexistence des preuves réunies par la victime et par la justice. C'est donc sur cette base et non sur celle d'une absence de violences que les victimes sont condamnées sans que le doute ne leur profite. Pour les autres délits tels que le harcèlement ou les agressions sexuels, la justice devra déterminer si la dénonciation des faits résulte d'une mauvaise interprétation de la plaignante ou d'une volonté de nuire. Pour obtenir sa relaxe, la victime devra nier la souffrance vécue et dire qu'elle s'est méprise sur les intentions de l'agresseur. Tant que cette menace de condamnation pour dénonciation calomnieuse existera, tant que le coût du dévoilement des violences sera supérieur à celui du silence, les victimes ne disposeront pas effectivement du droit de dénoncer les violences qu'elles subissent. Il lui demande donc comment le Gouvernement entend traiter cette situation et voudrait connaître l'état d'avancement de ses réflexions dans ce domaine.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 24/08/2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'article 226-10 du code pénal impose la caractérisation de deux éléments constitutifs pour entraîner une condamnation du chef de dénonciation calomnieuse. D'une part, les faits dénoncés doivent être faux et, d'autre part, l'auteur doit avoir été de mauvaise foi, c'est-à-dire avoir eu connaissance de leur inexactitude au moment où il les a révélés. De plus, la présomption de fausseté des faits dénoncés ne peut résulter que d'une décision définitive d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée. Dans tous les autres cas, il appartient à la juridiction de jugement d'apprécier la réalité des faits, et la bonne ou mauvaise foi du dénonciateur. Il y a lieu de préciser que, par un arrêt du 7 décembre 2004, la Cour de cassation a rappelé qu'il n'appartient pas au dénonciateur de prouver sa bonne foi. Dès lors, les poursuites engagées du chef de dénonciation calomnieuse n'entraînent nullement la condamnation systématique des personnes mises en cause. Il importe, en outre, de rappeler à l'honorable parlementaire que la lutte contre les violences faites aux femmes constitue une priorité interministérielle à laquelle participe activement le ministère de la justice, qui s'est attaché à renforcer les dispositions civiles comme pénales, afin d'assurer une protection efficace des victimes de ce type de violences. Ainsi, un groupe de travail piloté par le ministère de la justice a publié au mois de septembre 2004 un guide de l'action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple en vue d'harmoniser les politiques pénales menées dans ce domaine, dans le sens d'une réponse judiciaire plus adaptée et d'une protection accrue des victimes de ce type de faits. Par ailleurs, la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs traduit clairement cette volonté de lutter plus efficacement contre les violences au sein du couple.

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