Question de M. BOULAUD Didier (Nièvre - SOC) publiée le 13/05/2004
M. Didier Boulaud attire l'attention de M. le Premier ministre sur la situation de nos industries de défense. En effet, en dehors des domaines de l'aéronautique et de l'espace, la restructuration des industries de défense, à l'échelle européenne, marque le pas. Dans le domaine naval et dans celui de l'armement terrestre, les industries européennes apparaissent dispersées et affaiblies. Cela facilite la montée en puissance des acheteurs étrangers, notamment américains. Aux Etats-Unis, les secteurs de la défense terrestre et navale sont désormais contrôlés par trois sociétés, General Dynamics, United Defence etNorthrop. En Europe, nous avons plus de vingt acteurs dans le même secteur. Possédant un monopole, difficilement contournable, sur le marché intérieur américain, ces firmes se lancent à la conquête du marché européen et, avec le concours des fonds d'investissements américains, elles sont en train d'acheter des industries européennes à haute technologie ajoutée. Il convient de noter que le principal mouvement de concentration européenne dans l'armement terrestre s'est produit sous l'égide d'une société américaine, lorsque General Dynamics a regroupé, en 2003, dans une même entité, l'autrichien Steyr, le suisse, Mowag et l'espagnol Santa Barbara. Or la croissance en Europe des grands acteurs américains de la défense n'est pas concomitante avec l'ouverture du marché américain. Alors que celui-ci reste pratiquement fermé à l'industrie de défense européenne, hormis quelques cas particuliers, le marché européen demeure largement ouvert aux industriels américains, comme en témoigne la percée du F 35 - JSF, destiné à capter les efforts industriels et les financements européens. Face à cette situation, si l'Europe souhaite conserver une autonomie industrielle et technologique, elle se doit de réagir. Il souhaite connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre pour susciter la re-structuration européenne des industries de défense dans les domaines terrestre et naval. Il souhaite aussi savoir si le Gouvernement a la volonté de proposer à l'Union européenne d'adopter une politique industrielle destinée à consolider et à développer une base technologique et industrielle de défense compétitive et autonome, en particulier dans le secteur de l'armement terrestre et naval.
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Transmise au Ministère de la défense
Réponse du Ministère de la défense publiée le 22/07/2004
Le développement et la pérennisation d'une base industrielle et technologique de défense, compétitive et autonome, constitue un enjeu majeur pour la France et l'Union européenne (UE), dans le cadre de l'édification d'une politique européenne commune de sécurité et de défense. En effet, face à la dimension prééminente des grands groupes industriels américains, seule une industrie de défense structurée et contrôlée par des intérêts européens permettra aux Etats membres de conserver leur libre choix en matière d'équipement. C'est dans cet esprit que les dirigeants des plus grands Etats européens ont encouragé leurs industries à se réorganiser, en premier lieu dans les secteurs de l'aérospatial et de l'électronique de défense. Des avancées importantes ont été réalisées dans ces deux secteurs, avec, d'une part, la constitution du groupe européen EADS dans le secteur de l'aérospatial, et, d'autre part, le redimensionnement européen de l'ex-Thomson-CSF, devenu le groupe Thalès, dans le domaine de l'électronique de défense. Des projets de réorganisation sont également en cours dans les secteurs naval et terrestre. DCN a ainsi changé de statut le 1er juin 2003, devenant une société de droit privé à capitaux publics. Les gains attendus, en terme de productivité et de rentabilité, du contrat d'entreprise pluriannuel conclu entre l'Etat et la nouvelle société, conjugués avec d'importantes perspectives de coopération européenne, sont de nature à favoriser l'insertion de DCN dans le paysage européen des constructions navales militaires. Par ailleurs, les prises de contrôle successives effectuées en Europe par le groupe américain General Dynamics, ainsi que l'offre publique d'achat lancée par cette entreprise en mars dernier sur le capital de la société britannique Alvis, ont conduit les acteurs européens du secteur de l'armement terrestre à engager des études et des réflexions relatives à cette situation. Consciente de la nécessité de préserver une industrie européenne de défense forte, la France souhaite la constitution d'un pôle de l'armement terrestre concurrent, sous contrôle européen. Ce pôle, dans lequel la filiale GIAT Systèmes, créée dans le cadre du Projet GIAT 2006 de GIAT Industries, a vocation à prendre place, doit être ouvert à tous les acteurs indépendants du secteur, français et européens. Dans cette perspective, la mutation de GIAT Industries est aujourd'hui engagée. Elle doit permettre, en trois ans, de transformer profondément cet outil industriel disposant d'un éventail complet de compétences en matière d'armement terrestre (systèmes, véhicules, armes et munitions) pour le rendre viable sur la durée et compétitif. Le contrat d'entreprise, destiné à accompagner cette mutation, donne à GIAT Industries la visibilité et la sécurité nécessaires pour assurer son avenir et lui permettre, en particulier, de contribuer à rendre plus forte l'industrie européenne de l'armement terrestre. Enfin, la France a été l'un des premiers promoteurs de la création, en 2004, de l'Agence européenne dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l'armement. La montée en puissance de cette Agence européenne, prévue au premier trimestre de l'année 2005, devrait permettre de dynamiser la démarche européenne d'acquisition et de développement de capacités, de renforcer la base technologique et industrielle de l'Europe, et de dynamiser la recherche dans ce domaine crucial. La France est par ailleurs associée à cinq autres pays membres de l'UE, parmi les plus importants en matière d'armement, dans l'accord dit " LOL " destiné à favoriser et à accompagner les consolidations transnationales des industries de défense des Etats participants. Compte tenu des risques induits par les investissements étrangers dans des entreprises européennes liées à la défense, et susceptibles par conséquent de mettre en cause l'autonomie de décisions européennes, la question du contrôle de tels investissements figure parmi les thèmes retenus par les six pays signataires de l'accord cadre pour l'orientation de leurs futurs travaux.
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