Question de M. BOYER André (Lot - RDSE) publiée le 01/07/2004
M. André Boyer attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les inquiétudes des artisans et commerçants de détail suite à son annonce d'une série de mesures visant à soutenir l'activité économique et la consommation. Après l'ouverture de la publicité télévisée aux grandes enseignes et la libéralisation des règles promotionnelles en matière de crédit gratuit, il semble en effet que soient envisagés un assouplissement de la réglementation en vigueur concernant l'ouverture dominicale des magasins et une révision des dispositions de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, dite loi Galland, dans le sens d'une régularisation de la pratique des marges arrière. De telles mesures sont de nature à remettre gravement en cause l'équilibre fragile établi entre les différentes formes de commerce que sont la grande distribution, d'une part, et l'artisanat et le commerce de proximité, d'autre part. Ces derniers, par la nature même de leur activité en termes de qualité des produits vendus et de services apportés au client, ne sont pas en mesure de bénéficier des conditions tarifaires imposées par les grandes surfaces et leurs fournisseurs ni de supporter les risques concurrentiels que représente l'ouverture des magasins le dimanche. Il lui demande de bien vouloir lui préciser ses intentions sur ces points, en tenant compte de la contribution que représente un million d'entreprises de l'artisanat et du commerce indépendant à l'aménagement du territoire et à la préservation du lien social dans les communes et les quartiers.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 09/12/2004
Les Français paient actuellement leurs biens de grande consommation plus chers que leurs voisins européens. Pour les mêmes produits, la différence est de 15 % avec l'Allemagne, 7 % avec la Belgique et l'Espagne, 4 % avec l'Italie, 3 % avec les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Cette situation entraîne une dégradation du pouvoir d'achat des Français que ne contrebalancent pas le maxidiscompte et les produits sous marques de distributeurs. Les produits dont les prix ont augmenté dans des proportions excessives sont en effet des produits de marques très populaires ou de première nécessité pour lesquels la demande reste forte. Grâce à la loi du 1er juillet 1996, qui prévoit que le seuil de revente à perte correspond au prix figurant sur les factures que les industriels envoient aux distributeurs et précise dans le détail le contenu de celles-ci, la revente à perte n'est plus pratiquée en France, ce qui est souhaitable aussi bien pour les relations entre les industriels et les distributeurs que pour la sauvegarde du commerce de proximité qui ne peut faire face aux prix prédateurs. Toutefois, en confiant aux seuls industriels la possibilité de déterminer le prix de vente de leurs produits, la loi du 1er juillet 1996 a supprimé la concurrence par les prix entre les distributeurs et permis l'augmentation des tarifs des industriels dans des proportions défavorables aux consommateurs, tandis que la négociation commerciale s'est déportée sur des éléments ne figurant pas sur les factures, c'est-à-dire sur la coopération commerciale. Celle-ci atteint aujourd'hui des proportions excessives. La commission présidée par le premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet, chargée par le Gouvernement d'identifier les causes de cette dérive, ainsi que le conseil de la concurrence, dans son avis n° 04-A-18 du 18 octobre 2004, ont mis en évidence l'impact extrêmement négatif de cette situation sur les consommateurs, mais également sur la filière des biens de consommation courante, sur les marques, sur les PME, obligées, pour pouvoir continuer à être présentes dans les linéaires des grandes et moyennes surfaces, de rémunérer des prestations de coopération commerciale de plus en plus importantes, et même sur les agriculteurs qui subissent en retour l'inflation des marges arrière. Au terme de son travail, la commission présidée par M. Canivet a fait deux recommandations principales au Gouvernement. Elle a, d'une part, recommandé un meilleur contrôle et une sanction plus ferme de la coopération commerciale abusive. Elle a, d'autre part, indiqué qu'il convenait d'autoriser les distributeurs à réintégrer la coopération commerciale dans le calcul du seuil de revente à perte, comme cela se pratique dans tous les autres pays comparables. Cette réintégration du point essentiel de la négociation entre les industriels et les distributeurs est la seule manière de réintroduire de la concurrence entre les distributeurs et donc de mettre un terme à la dérive actuelle des prix. Elle est compatible avec le maintien de l'interdiction de la revente à perte, son contrôle et son effectivité, et conduit non pas à la régularisation des marges arrière mais à leur disparition. Sur la base de ces propositions, un projet de loi a été élaboré par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour permettre le contrôle et la sanction de la coopération commerciale abusive, ce projet définit de manière rigoureuse la coopération commerciale et prévoit sa contractualisation stricte ainsi que l'obligation pour les distributeurs d'établir la preuve de la réalité des prestations. Par ailleurs, il prévoit que la coopération commerciale devra désormais figurer sur les factures et pourra entrer en ligne de compte dans le calcul du seuil de revente à perte. Pour éviter un basculement trop rapide dans le nouveau système, le projet de loi comporte toutefois un certain nombre de stabilisateurs de nature à éviter tout risque de déflation dans le secteur concerné ainsi que la fragilisation des acteurs les moins puissants du marché. En particulier, il est prévu que la réforme sera mise en oeuvre progressivement. Pendant la période transitoire, la coopération commerciale sera plafonnée et les distributeurs pourront en réintégrer une partie croissante dans le calcul du seuil de revente à perte. Le projet de loi comporte également des dispositions spécifiques aux PME, qui souhaitent et doivent bénéficier des mêmes règles de concurrence que les industriels plus puissants, mais n'en sont pas moins dans une situation particulière par rapport à la grande distribution. A cet effet le projet de loi prévoit la suppression des accords de gamme, la réglementation des enchères électroniques, qui constituent un instrument puissant de déréférencement et de délocalisation ainsi qu'un dispositif incitatif à l'accroissement de la présence des PME dans les linéaires et les instruments promotionnels des grandes et moyennes surfaces. Pour les produits agroalimentaires transformés, les agriculteurs ne sont pas directement concernés par la modification du mode de calcul du seuil de revente à perte, puisque la manière dont se calcule ce seuil s'applique aux relations entre les industriels transformateurs et les distributeurs et est sans incidence sur la relation entre ces transformateurs et leurs fournisseurs agriculteurs qui s'effectue déjà en " prix trois fois net ". Le projet de loi comporte en revanche un certain nombre de mesures législatives de nature à rééquilibrer la situation des producteurs de produits bruts agricoles non transformés, en particulier les producteurs de fruits et de légumes, dans leurs relations avec la grande distribution. Il s'agit notamment d'interdire la pratique des rabais, remises et ristournes, sauf en cas d'accord interprofessionnel, et d'obliger les distributeurs à passer de réels contrats avec les producteurs, comportant des engagements de volumes, voire de prix. Le mécanisme de plafonnement des marges des distributeurs en cas de crise conjoncturelle, prévu par l'accord du 17 juin 2004 pour une baisse durable des prix à la consommation, sera pour sa part consolidé juridiquement et son fonctionnement amélioré. Enfin, un mécanisme inspiré de la technique des coefficients multiplicateurs, mais qui est compatible avec le droit communautaire, est prévu. Ces mesures correspondent à des souhaits exprimés depuis de nombreuses années par la profession agricole. S'agissant enfin du commerce indépendant de proximité, force est de constater que, depuis 1996, le nombre des commerces alimentaires et de biens de consommation courante a continué de baisser significativement. Par ailleurs, entre 1997 et 2004, le nombre de magasins de maxidiscompte a augmenté de 87 % tandis que le nombre de grandes et moyennes surfaces traditionnelles a baissé de 8 %. Or le maxidiscompte est implanté principalement en centre-ville et exerce donc sa concurrence en priorité sur le commerce de proximité, comme l'a souligné la commission présidée par M. Guy Canivet. Sur le long terme, ces données montrent que l'équilibre entre les différentes formes de commerce ne peut résulter d'un niveau excessif des prix. Il y a lieu, en revanche, de favoriser les atouts du commerce de proximité que sont la qualité, le service, le conseil et la proximité. A cet effet, les crédits du FISAC ont été augmentés de 42 % au cours de l'année 2004 tandis que les plus-values réalisées à l'occasion de la cession des fonds de commerce sont désormais exonérées d'imposition. Sur la base des réponses à une concertation très large, le Gouvernement élaborera par ailleurs un programme national de développement et de modernisation des activités commerciales et artisanales, ainsi que le prévoit l'article 19 de la loi du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement. La question du commerce dominical sera abordée dans le cadre de cette concertation.
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