Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 22/10/2004

Mme Eliane Assassi attire l'attention de M. le ministre délégué aux relations du travail sur la suppression des locaux mis à disposition des organisations syndicales et des bourses du travail en Seine-Saint-Denis. Elle rappelle le rôle important joué par les bourses du travail lesquelles contribuent à l'implantation du syndicalisme, aident à l'organisation de milliers de salariés et luttent pour la sauvegarde dans les villes du tissu industriel et commercial. Au moment où les attaques contre le monde du travail s'accentuent avec la réforme du dialogue social, le démantèlement du code du travail, les plans de délocalisations, les dispositions proposées visant à favoriser les licenciements, la remise en cause des 35 heures et du droit de grève, les salariés ont plus que jamais besoin des syndicats. Considérant que la suppression de ces lieux de rencontre et de défense des salariés constitue une réelle menace pour la vie associative, la démocratie locale et les droits des salariés, elle lui demande en conséquence de bien vouloir lui apporter toutes informations et assurances concernant l'effectivité de la liberté syndicale dans notre pays.

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Réponse du Ministère délégué aux relations du travail publiée le 03/11/2004

Réponse apportée en séance publique le 02/11/2004

Mme Eliane Assassi. Monsieur le ministre, l'hébergement de bourses du travail dans des locaux municipaux et/ou l'octroi de subventions publiques pour leur fonctionnement sont acquis depuis le XIXe siècle.

Toutefois, au début du XXe siècle, plus précisément entre 1905 et 1907, des municipalités avaient jugé que l'agitation menée par une bourse du travail pouvait mettre en péril la paix sociale en remettant en cause l'ordre établi. C'est ainsi que seize bourses du travail furent fermées par suppression de leurs subventions et expulsion des bâtiments communaux qu'elles occupaient.

Quatre-vingt-dix-neuf ans plus tard, au début du troisième millénaire, nous revivons la même histoire : en effet, au début du mois de septembre dernier, les unions locales des organisations syndicales CGT, CFDT, CFTC, CGC, FO et FSU apprenaient par courrier que la ville d'Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, souhaitait reprendre les locaux qu'elle mettait à leur disposition à titre gratuit depuis 1972. Le motif invoqué par la municipalité pour justifier ce qui s'apparente bel et bien à une expulsion est le besoin de locaux supplémentaires pour les services municipaux.

Qu'une collectivité locale soit en recherche de locaux pour assumer ses missions est un argument qui s'entend. Pour autant, utiliser cet argument pour fermer d'autres lieux de vie et d'accueil me paraît suspect. Mais j'y vois un prétexte pour s'attaquer à l'activité syndicale, quand j'apprends que le maire de Noisy-le-Sec et le maire de Drancy, lequel est par ailleurs député, prennent la même décision que leur collègue d'Aulnay-sous-Bois.

Dans ces conditions, comment ne pas faire le parallèle avec l'accentuation des attaques contre le monde du travail, avec la remise en cause des 35 heures et du droit de grève, avec le démantèlement du code du travail et la multiplication des plans de délocalisation ? Comment ne pas faire le parallèle avec les mesures sur les licenciements économiques, imposées dans le projet de loi dit de « cohésion sociale » ?

A l'heure où toutes ces mesures tombent, je pense que les salariés, les retraités, les chômeurs, les sans-papiers, les sans logement ont plus que jamais besoin d'avoir à leur disposition des syndicats installés dans des locaux de proximité : c'est une question de démocratie !

Or, ces maires, parfaits et zélés relayeurs au niveau local de la politique nationale menée par le Gouvernement et le MEDEF, font le choix de fermer des bourses du travail dont l'importance du rôle n'est plus à démontrer, elles qui contribuent à l'implantation du syndicalisme, aident à l'organisation de milliers de salariés, et agissent pour la sauvegarde dans les villes du tissu industriel et commercial.

Mais après tout, et pour résumer mon propos, peut-être y voient-ils, comme voilà quatre-vingt-dix-neuf ans, une menace contre l'ordre établi ?

En tant que ministre délégué aux relations du travail, vous ne pouvez laisser faire.

Si rien n'était fait pour remédier à cette situation, ce serait alors la fin annoncée des unions locales dans ces trois grandes villes de Seine-Saint-Denis et, surtout, la porte ouverte à des pratiques similaires dans d'autres départements.

Parce que la suppression de ces lieux de rencontre et de défense des salariés constituerait une réelle menace pour la vie associative, la démocratie locale et les droits des salariés, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir m'apporter les garanties nécessaires quant à l'effectivité, dans notre pays, de l'exercice d'un droit aussi fondamental que celui de la libre pratique de l'activité syndicale.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Madame le sénateur, vous avez attiré mon attention sur la suppression de plusieurs mises à disposition de locaux au profit d'organisations syndicales et de bourses du travail dans votre département, la Seine-Saint-Denis.

Qu'il s'agisse de bourses du travail ou de maisons des syndicats, l'affectation d'un immeuble municipal à l'usage des unions locales des organisations syndicales de salariés relève de l'initiative des communes et fait l'objet d'une délibération du conseil municipal. Il s'agit d'un simple usage : les communes, je le rappelle, n'ont pas d'obligation légale de participer à l'hébergement des syndicats. Les incertitudes entourant le cadre juridique de ces affectations à titre gratuit peuvent expliquer les difficultés que vous avez soulignées.

Je rappelle que les relations entre les collectivités locales et les organisations syndicales ne sont actuellement régies par aucune disposition soit législative, soit réglementaire, d'applicabilité directe. Ces relations s'organisent alors principalement sous le contrôle du juge. Ainsi, le Conseil d'Etat a toujours considéré comme illicites les subventions destinées à financer le fonctionnement des organisations syndicales locales et licites, en revanche, les subventions pour des actions ponctuelles, précisément définies, et dont l'intérêt local pouvait être démontré.

Comme vous le savez, le Gouvernement a souhaité clarifier et conforter les modalités de financement des syndicats. C'est la condition d'un dialogue social, constructif et équilibré.

Dans ce cadre, je peux vous confirmer que les possibilités pour les collectivités locales de verser des subventions de fonctionnement aux structures locales des syndicats seront sécurisées.

Un décret, pris en application de la loi du 17 janvier 2002, sera prochainement soumis à l'avis du Conseil d'Etat. J'ai eu l'occasion de le présenter aux partenaires sociaux, voilà quelques semaines. Sa publication devrait intervenir dans un délai rapproché. Il permettra de garantir la sécurité juridique des subventions versées dans le respect de trois principes : l'indépendance syndicale, la non-discrimination dans l'accès aux subventions entre les organisations syndicales et, bien entendu, la libre administration des collectivités locales.

Ce décret devrait permettre d'apporter une première réponse aux difficultés rencontrées dans plusieurs communes. Je suis persuadé que des solutions pourront être trouvées au niveau local, dans l'intérêt de tous, après concertation entre les organisations syndicales et les municipalités.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos propos. Les événements survenus dans ces trois villes me sont apparus assez inquiétants pour vous interpeller, car ils peuvent laisser la porte ouverte à des pratiques similaires dans d'autres domaines, comme le mouvement associatif, par exemple.

Selon moi, ils sont d'autant plus inquiétants qu'ils se déroulent à l'heure où le Gouvernement prétend vouloir renforcer le dialogue en donnant aux organisations syndicales les moyens d'exercer leurs missions. Je vois là une contradiction forte entre les actes et les paroles !

Pour autant, j'entends vos arguments quelque peu rassurants : j'en prends acte, et l'avenir nous dira si je pouvais avoir confiance.

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