Question de M. LE CAM Gérard (Côtes-d'Armor - CRC) publiée le 04/03/2005
Question posée en séance publique le 03/03/2005
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Madame la ministre, la directive Bolkestein constitue une épine dans le pied des partisans de l'adoption du traité constitutionnel européen, épine qu'ils peinent à retirer.
Cette directive, déposée en janvier 2004 et inscrite dans le marbre de la Constitution giscardienne, suscite aujourd'hui une panique à retardement chez les partisans de l'Europe libérale.
Sous l'impulsion du Président de la République, c'est l'idée d'une remise à plat qui prévaut aujourd'hui.
M. Larcher, ministre du travail, était ce matin à Bruxelles pour participer à ce ballet de bonnes intentions. Il y a cependant un « hic » : la Commission de Bruxelles a déjà indiqué, le mois dernier, qu'elle n'avait aucunement l'intention de retirer cette directive, rappelant ainsi sa toute-puissance, qui échappe au contrôle démocratique.
De plus, tout dernièrement, le Parlement européen a rendu public son programme législatif à venir, qui comprend l'examen de la directive Bolkestein en son état actuel. Pouvez-vous le confirmer, madame la ministre ?
Ce double langage des partisans du « oui » en France, qui s'agitent pour contester la directive avant le référendum et pour ensuite laisser faire, est inacceptable.
Pour prouver votre bonne foi, madame la ministre, il n'y a pas à tergiverser : c'est le retrait de la directive que M. Chirac et le Gouvernement doivent obtenir et non pas une hypothétique remise à plat renvoyée aux calendes grecques.
Madame Haigneré, vous disiez, le 1er décembre dernier : « Cette proposition de directive justifie un accueil globalement positif. » Or, hier, vous affirmiez : « La position du Gouvernement est très claire. La directive est inacceptable en l'état et doit faire l'objet d'une remise à plat. » Que faut-il croire entre ces deux positions si contradictoires ?
Madame la ministre, l'attitude du gouvernement auquel vous appartenez est une attitude de circonstance.
La directive Bolkestein applique à la lettre le principe de la concurrence libre et non faussée, omniprésente dans le traité constitutionnel que vous défendez bec et ongles et dans lequel l'explosion du code du travail est programmée.
Pis - et je vous demande de me confirmer ce fait -, une fois le traité constitutionnel adopté, la France ne pourra plus dire « non » à la directive Bolkestein, puisque la supériorité des normes européennes sur les normes nationales est expressément prévue par le traité aux articles III-207 et III-210. En cas de refus persistant, la Cour de justice de l'Union européenne pourra imposer l'application de la directive à l'Etat récalcitrant.
Ma conclusion est logique. Pour réduire à néant la directive Bolkestein, deux moyens s'imposent : voter « non » au référendum (Rires sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP) et retirer la directive au nom d'une justice sociale européenne.
M. Robert Hue. Eh oui !
M. Gérard Le Cam. Quelles dispositions allez-vous prendre pour obtenir le retrait définitif de cette directive ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
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Réponse du Ministère délégué aux affaires européennes publiée le 04/03/2005
Réponse apportée en séance publique le 03/03/2005
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur Le Cam, le Président de la République et le Premier ministre l'ont dit clairement : la proposition de directive de la Commission européenne sur les services est inacceptable en l'état et doit faire l'objet d'une remise à plat.
Par ailleurs, nous soutenons un approfondissement du marché intérieur dans le domaine des services, car cela contribuera à développer la croissance et les emplois en Europe, tout particulièrement en France, qui, vous le savez, est la première nation exportatrice de services en Europe.
Mais la méthode envisagée n'est pas acceptable : appliquer de façon généralisée le principe du pays d'origine risque en effet de tirer vers le bas les législations, et niveler par le bas les législations serait un contresens au regard du projet européen tel que nous l'envisageons.
Nous considérons qu'il est nécessaire de poursuivre le processus d'harmonisation pour garantir un socle fondamental de protection pour les travailleurs et pour les consommateurs.
Nous voulons aussi, bien sûr, préserver notre modèle social et culturel sur les aspects concernant les services publics, le droit du travail, la diversité culturelle.
Comme vous le savez, nous demandons que soient exclus du champ d'application de cette directive les services sociaux et de santé, l'audiovisuel, la presse, les professions juridiques réglementées, les jeux d'argent, les services de transport et les services de gestion collective des droits d'auteurs et droits voisins.
Certains voudraient instrumentaliser le débat sur le traité constitutionnel à propos de cette directive. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Je rappelle que cette proposition n'est en rien liée au traité constitutionnel. Elle a été formulée sur la base des traités existants et elle ne pourra être approuvée que si elle recueille une majorité au Parlement européen et au Conseil des ministres de l'Union.
J'ajouterai même que je vois au contraire dans les discussions qui ont lieu actuellement un exemple de la vitalité démocratique de l'Union et du fonctionnement des institutions européennes, qui seront renforcées aux termes du traité constitutionnel qui vous est proposé.
L'action conjuguée du Gouvernement, du Parlement européen, qui examinera le texte dans les prochains mois, du Sénat - action à laquelle vous avez participé -, et de l'Assemblée nationale, puisque les députés se sont également mobilisés sur ce texte, a permis de faire prendre conscience à la Commission des difficultés très importantes que soulève cette proposition de directive.
Le 2 février dernier, le président de la Commission européenne a annoncé son intention de réexaminer cette proposition de directive en vue d'aboutir à un consensus sur deux points en particulier, qui nous sont chers : l'application du principe du pays d'origine, et le champ d'application de la directive, dont je viens de parler.
La Commission est particulièrement attachée à ces deux points, comme l'ont de nouveau souligné hier le président Barroso et le collège des commissaires. De plus, Charlie McCreevy, qui est le commissaire en charge de cette directive, a confirmé ce matin, lors d'une conférence de presse, qu'un réexamen profond du texte de la directive était prévu.
Mme Hélène Luc. Vous ne vous engagez pas à la retirer !
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. A partir d'une approche positive, nous pourrons travailler sereinement sur la remise à plat de ce texte dans les mois à venir afin de sauvegarder notre conception de l'Europe.
A cet égard, je souhaite que votre assemblée s'associe à la mobilisation du Gouvernement dans ce domaine.
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