Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 28/07/2005
M. Jean-Pierre Godefroy souhaite attirer l'attention de M. le Premier ministre sur l'état d'avancement de l'enquête concernant l'attentat qui a coûté la vie à 11 salariés de DCN (direction des constructions navales), le 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan. Le chef de l'Etat et le Gouvernement ont toujours su exprimer leur solidarité et leur soutien aux familles touchées : au-delà des efforts importants qui ont été faits pour couvrir leurs besoins et répondre aux inquiétudes sur leur avenir, ces familles ont aujourd'hui besoin de connaître les responsables de cet attentat. Or elles n'ont aucune information sur l'état d'avancement de l'enquête et se sentent mises à l'écart. Côté pakistanais, l'enquête menée par la police locale avait conduit à l'arrestation de deux personnes qui ont été, depuis, remises en liberté. Côté français, il semble que le juge du pôle antiterroriste en charge de l'affaire n'ait toujours pas obtenu la commission rogatoire internationale nécessaire au bon déroulement de son enquête. Il souhaite donc savoir comment se déroule la coopération entre la France et le Pakistan dans la conduite de l'enquête ainsi que ses derniers développements.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 26/10/2005
Réponse apportée en séance publique le 25/10/2005
M. Jean-Pierre Godefroy. Avant de poser ma question, je tiens d'abord à rappeler l'hommage rendu dans cet hémicycle par M. le président du Sénat et l'ensemble des sénateurs, le 11 octobre dernier, aux 40 000 victimes du séisme qui s'est produit au Pakistan, et j'assure la délégation pakistanaise présente à Cherbourg de notre profonde tristesse et de notre totale solidarité. Souhaitons que la solidarité internationale se manifeste et soit à la hauteur du drame vécu et, malheureusement, des autres drames à venir dans cette partie du monde.
Monsieur le garde des sceaux, ma question concerne un autre drame qui a eu lieu, le 8 mai 2002 : je veux parler de l'attentat qui a coûté la vie à onze salariés ou sous-traitants de la Direction des constructions navales, la DCN, et en a blessé douze autres, dans l'explosion de leur bus, à Karachi, la capitale de ce pays.
Trois ans et demi se sont écoulés depuis. Le chef de l'Etat et le Gouvernement ont toujours su exprimer leur solidarité et leur soutien aux familles touchées. Des efforts importants ont été réalisés pour couvrir les besoins de ces dernières et répondre à leurs inquiétudes quant à l'avenir, même si leur situation s'est fragilisée après l'annonce du désengagement du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme, l'entreprise DCN ayant été reconnue coupable d'avoir commis une faute inexcusable.
Si ce dossier semble évoluer positivement depuis quelques jours, j'espère qu'il pourra aboutir rapidement dans les meilleures conditions possibles pour les victimes. De plus, comme il en est fait obligation en matière d'accident du travail, je souhaite qu'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail extraordinaire soit convoqué et qu'une enquête interne soit diligentée.
Aujourd'hui, ces familles ont également besoin de connaître les responsables de cet attentat. Or elles n'ont aucune information quant à l'état d'avancement de l'enquête et se sentent tenues à l'écart.
Du côté pakistanais, l'enquête menée par la police locale a conduit à l'arrestation de deux personnes, directement liées à l'attentat, qui auraient été, depuis, remises en liberté - je parle au conditionnel, car les informations parcellaires dont je dispose ne sont pas claires.
Du côté français, il semble que le juge du pôle antiterroriste chargé de l'affaire n'ait toujours pas délivré la commission rogatoire internationale nécessaire au bon déroulement de l'enquête. Les familles n'ont été reçues qu'une seule fois, le 9 mai 2003 et, depuis, elles n'ont plus aucune information.
Tout à fait respectueux du principe de la séparation des pouvoirs, je me permets de vous interroger, monsieur le ministre, car, vous le comprendrez, pour se reconstruire, les victimes et leurs familles ont besoin de voir l'enquête avancer en toute transparence.
Je me permets donc de vous demander comment se déroule aujourd'hui la coopération entre la France et le Pakistan dans la conduite de cette enquête et quels sont les derniers développements de cette dernière.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler l'attention du Gouvernement sur l'évolution de la procédure judiciaire relative à l'attentat terroriste perpétré à Karachi, au Pakistan, le 8 mai 2002, qui a coûté la vie à onze salariés français de la Direction des constructions navales et en a blessé douze autres.
Je tiens à vous assurer que, à l'instar du chef de l'Etat et du Gouvernement, je partage la douleur des victimes et de leurs familles et reste attaché à ce que les auteurs et les complices de cet attentat soient traduits en justice.
A cet effet, une information judiciaire a été ouverte dès le 27 mai 2002 devant le tribunal de grande instance de Paris, information judiciaire dont le déroulement est depuis lors suivi très attentivement par mes services. Je peux aussi vous informer que de longues et minutieuses investigations sont conduites par les magistrats instructeurs chargés de ce dossier.
Des commissions rogatoires internationales ont notamment été délivrées, afin d'entendre les personnes interpellées dans le cadre de la procédure pakistanaise, de rechercher des témoins de l'attentat et d'identifier les personnes en fuite.
Cependant, ces investigations sont conditionnées à un déplacement des juges d'instruction au Pakistan, afin de se faire remettre les copies de l'ensemble des pièces des investigations diligentées par les autorités pakistanaises, déplacement qui, en l'état, n'a pu avoir lieu, le gouvernement pakistanais n'ayant pas encore donné son accord.
Une fois ce déplacement effectué, ce qui devrait être possible, nous l'espérons, dans les prochaines semaines, les magistrats instructeurs pourront utilement progresser dans leurs investigations et en informer les victimes de ce drame.
Par ailleurs, vous savez, monsieur le sénateur, que trois personnes ont été jugées et condamnées à mort au Pakistan, le 30 juin 2003, pour avoir organisé cet attentat.
Je suis particulièrement attaché à l'élucidation, dans les meilleurs délais, de cette affaire, qui est survenue dans des circonstances dramatiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le garde des sceaux. Toutefois, les personnes concernées ont un peu le sentiment - à tort ou à raison, d'ailleurs - qu'il faudra beaucoup de temps pour connaître les responsables de l'attentat de Karachi, contrairement à ce qui s'est passé pour les attentats du 11 septembre 2001 à New York, et pour ceux de Londres et de Madrid. Or, à mon sens, l'identification des coupables aide beaucoup les familles de victimes à faire leur deuil. Dans l'attente de pouvoir connaître leurs bourreaux, les victimes de Karachi et leurs familles ressentent un profond malaise.
Je veux vous dire, monsieur le ministre - mais je suis certain que vous partagez mon sentiment -, que l'attente est destructrice pour ces familles, et très douloureusement vécue : ces familles doivent savoir qui est responsable de la mort de ceux qui sont revenus dans un cercueil, alors qu'ils étaient au service de la France.
Je comprends certes que cette enquête soit difficile à mener cette enquête dans la mesure où le gouvernement pakistanais doit notamment donner son autorisation.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre, de votre réponse, car elle prouve que nous n'oublions pas ces victimes et que tout sera fait pour élucider ce drame qu'elles vivent malheureusement encore dans leur chair.
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