Question de Mme LE TEXIER Raymonde (Val-d'Oise - SOC) publiée le 27/01/2006
Question posée en séance publique le 26/01/2006
Mme Raymonde Le Texier. Ma question s'adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
Monsieur le ministre, le marché du travail est friand de sigles. Si certains nous sont, hélas ! de plus en plus familiers, ANPE ou ASSEDIC, notamment, d'autres, au contraire, se raréfient : CDI, par exemple. De nouveaux sigles apparaissent, dont vous avez la paternité : CNE hier, CPE aujourd'hui.
De ces nouveaux venus, nous n'avons pas la même lecture, probablement parce que nous n'avons pas les mêmes valeurs. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Avec le CNE, le contrat « nouvelles embauches », loin de donner une nouvelle impulsion au marché du travail, vous vous bornez à changer des contrats stables en emplois précaires.
M. Henri de Raincourt. C'est faux !
Mme Raymonde Le Texier. Aujourd'hui, avec le CPE, vous franchissez une nouvelle étape. Ce contrat première embauche n'est, en réalité, qu'une course à la précarité de l'emploi. Il est à l'avenir ce que le marché noir est à l'économie (protestations sur les mêmes travées), ...
M. Éric Doligé. Un peu de tenue !
Mme Raymonde Le Texier. ... à savoir un constat de pénurie et l'exploitation du manque.
Chacun des termes de la proposition que vous faites ainsi à notre jeunesse est un chef-d'oeuvre de cynisme et un aveu de mépris.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. En généralisant l'emploi jetable, c'est la formation des jeunes diplômés que vous dévalorisez, sans pour autant apporter de réponse aux milliers de jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire.
Le terme même de « contrat » suppose garantie et réciprocité. Le contrat que vous, vous proposez, n'apporte qu'arbitraire et inégalité. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. C'est faux !
Mme Raymonde Le Texier. C'est ainsi que nos enfants seront corvéables et révocables à merci, tandis que leurs patrons bénéficieront immédiatement d'avantages financiers sans qu'aucunes contreparties ne leur soient demandées.
Quel bel exemple de justice et de solidarité la société que vous construisez est en train d'offrir à notre jeunesse !
M. André Ferrand. Mais ouvrez les yeux !
Mme Raymonde Le Texier. Depuis trois ans, la situation de l'emploi s'est tellement dégradée qu'avec le CPE, vous osez faire passer pour un progrès ce qui n'est qu'une régression sociale.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Eh ben dis donc !
Mme Raymonde Le Texier. M. Larcher nous en a fait voilà un instant une étonnante démonstration.
M. Josselin de Rohan. La question !
Mme Raymonde Le Texier. Quand un gouvernement laisse ainsi le chômage gangrener la société sans apporter d'autres réponses que la précarité, c'est la citoyenneté qu'on ampute, l'égoïsme qu'on installe et la violence qu'on engendre. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Alors que votre politique est incapable de créer de l'emploi, oserez-vous faire des jeunes les otages du présent, en ne leur proposant que l'incertain en guise d'avenir ?
M. le président. Veuillez poser votre question, s'il vous plaît !
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, n'avez-vous à proposer à nos enfants que le choix entre le renoncement et la soumission, entre le chômage et la précarité ? Faute de vision pour le pays, n'avez-vous comme projet que la destruction de notre modèle social ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
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Réponse du Ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales publiée le 27/01/2006
Réponse apportée en séance publique le 26/01/2006
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Madame le sénateur, vous avez parlé de valeurs. Nous avons tous des valeurs, mais elles doivent être jugées à l'aune des actes. La précarité offerte à la jeunesse, c'est vous qui l'avez inventée ! Cela s'appelait les emplois-jeunes ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.- Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Mahéas. Provocateur !
M. Renaud Dutreil, ministre. Je vous invite aujourd'hui à comparer, point par point, les emplois-jeunes et les solutions durables que nous proposons.
Le contrat emploi-jeune était un contrat à durée déterminée de cinq ans, qui pouvait être résilié à la fin de chaque année (brouhaha sur les travées du groupe socialiste) et ne prévoyait aucune formation. Nous, nous proposons à chaque jeune en CPE un droit à la formation au bout d'un mois.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une mascarade !
M. Renaud Dutreil, ministre. Le contrat emploi-jeune était un contrat sans accompagnement personnalisé et ne conférant aucun droit dans la vie quotidienne. Nous, nous proposons un droit pour l'accès au logement, un droit pour l'accès au crédit.
Il s'agissait d'emplois sous-payés, puisque les jeunes qui pouvaient se prévaloir d'une formation de cinq ans étaient rémunérés au niveau du SMIC. Nous, nous proposons un contrat correspondant aux grilles salariales de tous les salariés français.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Jean-Pierre Bel. C'est faux !
M. Renaud Dutreil, ministre. Ce contrat n'offrait aucune perspective, car les emplois n'étaient pas pérennes. Nous, nous proposons aux jeunes des emplois qui seront financés, donc de vrais emplois ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Vous plaisantez !
M. René-Pierre Signé. Ce ne sont pas de vrais emplois !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela nous ferait rire si ce n'était pas tragique !
M. Renaud Dutreil, ministre. Donc, madame le sénateur, quand on parle de précarité, il faut savoir aussi se souvenir de l'échec auquel a abouti cette fausse solution que constituaient les emplois-jeunes ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Pour notre part, nous proposons aujourd'hui de vrais contrats, à durée indéterminée, et les jeunes ne s'y tromperont pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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