Question de M. BOYER Jean (Haute-Loire - UC-UDF) publiée le 02/03/2006
M. Jean Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le phénomène de la grippe aviaire qui a fortement ébranlé, à la fois les producteurs mais aussi les abattoirs privés auxquels ils sont associés. Depuis l'annonce officielle, il y a quelques jours, du premier cas de grippe aviaire en France sur un canard sauvage à Joyeux, les télé-conseillers de la plateforme téléphonique privée choisis par le ministère de la santé pour répondre aux questions du public ont enregistré plus de 7 000 appels par jour. S'il est un sujet d'actualité touchant aussi bien la santé de nos concitoyens que l'avenir de toute une filière agricole, avicole en particulier, c'est bien celui-ci. Cette situation doit nous interpeller et nous mobiliser. Il souhaite connaître précisément le plan d'action gouvernemental en la matière, mais aussi et surtout l'accompagnement prévu pour soutenir tout un secteur confronté à une crise grave, profonde et durable. L'effet de la médiatisation à outrance nuit particulièrement à la nécessaire prise en compte aussi bien de la vérité que de la véritable information, car on espère que tous les risques sanitaires et alimentaires peuvent être limités en France, compte tenu de l'important dispositif mis en place. Certes, si nos concitoyens ont besoin d'être rassurés et mieux informés, il n'en demeure pas moins que nous ne devons pas faire le procès de toute une filière agricole où non seulement des élevages sont directement concernés mais aussi et surtout des hommes et des femmes qui travaillent et vivent de cette production. De quelle manière le Gouvernement entend-il accompagner, soutenir l'ensemble des éleveurs, des abatteurs frappés de plein fouet par cette crise alors que depuis de très nombreuses années les éleveurs ont mis en place une véritable charte de qualité, se trouvant ainsi réduite à néant par des considérations extérieures complètement indépendantes de leur volonté ? Alors que notre salon international de l'agriculture vient de s'achever, que notre pays est le premier de l'Union européenne en matière de volaille, avec 125 millions de têtes, le moment est venu d'apporter notre contribution à ce secteur qui depuis 2002 connaît une chute du prix de vente de 5 à 8 % par an en raison des importations brésiliennes et qui doit faire face aujourd'hui à la grippe aviaire. Simplement un constat : certes, l'obligation d'enfermer les volailles effraient les consommateurs mais il n'y a pas actuellement d'animaux malades en Europe au sein de nos élevages. C'est cela aussi l'excellence française que nous nous devons de préserver.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 08/03/2006
Réponse apportée en séance publique le 07/03/2006
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 958, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, ne souhaitant pas faire de la surenchère à propos d'une actualité trop souvent démultipliée et génératrice d'inquiétudes, je souhaite en aborder les points essentiels.
On peut toutefois constater que la menace est aujourd'hui regardée plus objectivement à la fois dans sa gravité, dans sa dimension et dans ses répercussions.
Vous l'avez compris, je veux parler de la grippe aviaire et de ses conséquences sur la filière avicole.
Dans cet hémicycle comme ailleurs, nous avons conscience que la propagation de cette maladie est plus inquiétante que celle, par exemple, qui a affecté la filière bovine voilà quelques mois : l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB. En effet, les bovins n'ont pas d'« ambassadeurs contagieux » susceptibles de transmettre ce virus inquiétant à travers les airs et les continents !
Si la crise de la grippe aviaire a pris de telles proportions, c'est parce que la France est le premier pays producteur de volailles de l'Union européenne, avec 125 millions de têtes. C'est une importante filière de production, de consommation et d'exportation.
Mais gardons - et vous le faites parfaitement, monsieur le ministre - la maîtrise de la situation, avec un langage de vérité, de réalisme et de propositions.
Oui, monsieur le ministre, le Gouvernement a pris en main cette crise dont la France se serait bien dispensée, car la filière avicole subit actuellement de graves difficultés internes, tant en amont qu'en aval. Vous les avez d'ailleurs très bien prises en compte.
Je vous serais reconnaissant de présenter devant le Sénat les mesures déjà envisagées et celles à venir en ce qui concerne la nature des aides, à la fois diverses et spécifiques, et la date de leur versement, de nous apporter des informations sur la sécurisation de la filière et, éventuellement, sur les actions de soutien et de relance.
Une action préventive est-elle envisagée ? Un plan de vaccination est-il véritablement de nature à apporter la sécurité demandée et attendue ? La consommation doit-elle être pratiquée dans certaines conditions ?
La filière avicole attend des soutiens indispensables et les consommateurs souhaitent obtenir les sécurités alimentaires nécessaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, votre question me permet de faire le point devant la Haute Assemblée sur les conséquences de la grippe aviaire, épisode dramatique pour la filière avicole.
La stratégie du Gouvernement, souhaitée par M. le Premier ministre depuis l'été, est de prévenir et d'agir en toute transparence, en informant nos concitoyens lorsque les événements se produisent. Notre régime de protection est ainsi monté en puissance au fur et à mesure que la menace venant d'Asie se rapprochait de la Turquie, de l'Afrique et, enfin, de l'Europe.
C'est la raison pour laquelle nous avons confiné vingt-six départements dès le mois d'octobre 2005. Cette mesure a été étendue à cinquante-huit départements au mois de janvier et à l'ensemble du territoire métropolitain le 18 février dernier. Lorsque le confinement n'est pas praticable, nous prenons des mesures d'effet équivalent et nous mettons en place une surveillance vétérinaire spécifique.
À la suite d'un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, nous avons également dû interdire les rassemblements d'oiseaux vivants. C'est la raison pour laquelle il n'y avait pas d'oiseaux au Salon de l'agriculture, qui a fermé ses portes dimanche dernier.
Nous avons demandé à l'Union européenne, qui a la responsabilité en la matière, l'autorisation de pratiquer le confinement. Au départ, nous avions pensé aux zones humides de trois départements, la Loire-Atlantique, la Vendée et les Landes. Il a finalement été possible de confiner en Loire-Atlantique et en Vendée. Par conséquent, la vaccination est actuellement en cours dans le département des Landes, ainsi que dans les parcs zoologiques et ornithologiques, où elle est obligatoire sur tout le territoire national.
Il reste toutefois le problème que nous évoquions tout à l'heure en aparté avec le président Jean-Claude Gaudin à propos de la réaction psychologique de l'opinion. La consommation de volailles est effectivement en baisse. Le phénomène varie certes selon les catégories - morceaux coupés ou entiers, volailles labellisées ou non -, mais il existe. Il y a une forme de « psychose » et certains élus - l'un d'entre eux s'est heureusement rétracté ce matin - prennent des mesures totalement décalées, en dehors de tout principe de solidarité.
Vous avez raison de rappeler la fragilité de cette filière, monsieur le sénateur. Souvenons-nous de la déconfiture du groupe Bourgoin SA voilà quelques années. Je précise également que le quart de la production avicole française est exporté.
Comme M. Premier ministre l'a indiqué, nous aiderons les éleveurs professionnels avec une enveloppe de 20 millions d'euros. Nous mettons également en place une avance qui peut s'élever jusqu'à 2 000 euros, sur la base d'une déclaration sur l'honneur.
Les préfets de région ont été réunis hier par le Premier ministre ; les trésoriers-payeurs généraux disposent des moyens financiers nécessaires et la circulaire existe. Il n'y a donc aucune raison que le dispositif ne puisse pas être appliqué dans vos différents départements d'élection. Les moyens seront affectés et la mesure peut entrer en vigueur dès aujourd'hui.
Le département de l'Ain fera l'objet de mesures spécifiques. La zone regroupe 319 communes et les éleveurs évacuent le contenu de leurs exploitations. Ils devront être totalement indemnisés, puisqu'ils n'auront plus la possibilité de vendre leurs volailles.
Nous agissons également en faveur des entreprises de l'aval de la filière. Nous mobilisons ainsi 30 millions d'euros, sous forme de mesures fiscales, de mesures de soutien et de mesures complémentaires. Le décret d'avance que devait prendre M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État sera adopté aujourd'hui.
Par ailleurs, le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement nous a donné les moyens de développer le régime d'indemnisation du chômage partiel dans les entreprises.
À la fin de cette semaine, le Premier ministre rencontrera l'ensemble des représentants de la filière - amont et aval -, afin de faire le point sur ces mesures. Je rappelle qu'il s'agit d'un premier train de mesures et que nous pouvons à tout moment adapter notre dispositif.
J'évoquerai, enfin, l'information des consommateurs. Nous lancerons des campagnes télévisées pour que nos concitoyens reçoivent les explications nécessaires. Je souhaite également que l'Union européenne finance une campagne similaire à destination des 450 millions de consommateurs européens.
En outre, comme l'ont excellemment indiqué certains syndicats agricoles, l'Union européenne doit nous aider davantage face à cette crise, en décidant d'actions complémentaires ou en autorisant des mesures nationales plus adaptées, dans l'hypothèse où nous devrions en prendre dans les jours à venir.
En tout cas, nous sommes parfaitement solidaires de la profession : des milliers d'emplois sont en cause dans notre pays. La filière avicole représente un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros. Il s'agit d'éleveurs professionnels, d'accouveurs, de personnels d'établissements d'abattage, de revendeurs, qui, tous, ont fait de l'industrie avicole française la troisième au monde.
Nous avons donc un devoir de solidarité à l'égard de ce secteur. Ce devoir, le Gouvernement l'assumera jour après jour.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses claires et précises : elles étaient nécessaires.
Vous avez informé et sécurisé nos concitoyens. Je vous en remercie.
M. le président. Monsieur le ministre, face aux excès, parfois, des médias, les parents demandent à leurs enfants de ne pas manger de poulet à la cantine.
Au moment de la crise du boeuf, nous avions déjà connu un phénomène similaire et étions un certain nombre de maires à avoir maintenu le boeuf dans les menus des cantines scolaires. Or les enfants ne voulaient pas en manger. Telle est la difficulté à laquelle les maires sont aujourd'hui confrontés.
Ainsi, dans ma ville, 45 000 repas de cantine sont fournis chaque jour. Si les enfants refusent de manger, cela nous pose un réel problème. (M. le ministre acquiesce.)
Nous devons, me semble-t-il, expliquer encore mieux la situation. Vous le faites, monsieur le ministre, et M. Jean Boyer vient de vous en remercier. Je m'associe bien volontiers à ses propos.
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