Question de M. VASSELLE Alain (Oise - UMP) publiée le 30/03/2006
M. Alain Vasselle souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème des contrats d'agriculture durable (CAD) et de leur financement. Devant la montée en puissance des CAD, les régions et les départements se trouvent confrontés à des listes d'attente de plus en plus importantes, le nombre des candidats dépassant largement les possibilités de financement. Malgré une baisse de 15 % des crédits régionaux en 2005, l'Oise a pu bénéficier de plus de 40 % du total picard, au lieu des 20/25 % initialement prévus. La baisse des crédits a donc pu être amortie et plus de 60 CAD pourront être financés en 2006. Cette année, l'insuffisance des crédits prévus par la loi de finances ainsi que leur répartition, défavorable à la région picarde, ne permettront de financer qu'à peine deux CAD, alors que 30 ou 40 CAD sont déjà en attente. Cette évolution, qui casse une dynamique jugée positive, est bien regrettable. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les actions que le Gouvernement entend mener pour répondre à ce problème.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 10/05/2006
Réponse apportée en séance publique le 09/05/2006
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, auteur de la question n° 1008, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, il y a peu, lors de questions d'actualité au Gouvernement, je vous avais interpellé en vous rappelant que l'agriculture française était soumise à trois contraintes : des contraintes administratives, liées aux déclarations de la politique agricole commune, la PAC ; des contraintes financières, avec la mise en place de la modulation et du fonds de réserve national pour les droits à paiement unique, les DPU ; enfin, des contraintes environnementales, liées à l'écoconditionnalité.
Nous avons tous connu la première réforme de la PAC en 1992, dont l'objet était de compenser les prix par une aide publique afin d'assurer le maintien du revenu des agriculteurs.
La compensation, à l'époque, était intégrale. Or, depuis cette date, Bruxelles n'a cessé de rechercher les voies et moyens lui permettant de diminuer le budget destiné à l'agriculture.
C'est ainsi qu'a été lancée la deuxième réforme de la PAC, avec la mise en place des DPU, qui érodent encore un peu plus le revenu de l'agriculteur. Non seulement ils ne compensent plus la baisse des revenus mais, de surcroît, ils substituent à un dispositif d'aide à la production des droits découplés, qui se traduisent par une baisse globale des aides, accentuée elle-même par la modulation et le prélèvement destinés à la réserve nationale !
Enfin, en vue de se montrer vertueux à l'égard de l'opinion publique, il a été décidé de conditionner le versement au respect de nouvelles contraintes environnementales qui pèsent sur les coûts de production, sans compenser les charges qu'elles engendrent.
Les agriculteurs et les éleveurs se trouvent donc ainsi doublement pénalisés.
M. Glavany avait inventé la modulation pour prendre de l'argent aux riches agriculteurs en vue de le redistribuer aux pauvres. En réalité, c'était prendre de l'argent aux grandes structures pour le redistribuer aux petites structures. C'est ainsi que fut créé le fameux contrat territorial d'exploitation, le CTE !
Le CTE, financé pour moitié par la modulation et pour moitié par les crédits européens, avait une double visée : sociale et environnementale. Il n'était pas plafonné.
M. Glavany en avait profité pour « vendre » la modulation à l'Europe. Cette dernière ne s'est d'ailleurs pas fait prier, prenant la mesure comme une aubaine lui permettant de diminuer son budget et de faire financer l'écoconditionnalité aux agriculteurs !
M. Gaymard, quant à lui, n'a pas remis en cause la modulation, que nous avions d'ailleurs condamnée au Sénat, et a transformé les CTE en contrats d'agriculture durable, les CAD, en les plafonnant. Il faut dire que son prédécesseur avait omis de financer les CTE !
Aujourd'hui, les CAD sont devenus peau de chagrin en raison de la régulation budgétaire. Bercy a fermé le « robinet » : 2 000 CAD seront finançables en 2006, alors que de 8 000 à 10 000 CAD par an avaient été financés en 2004 et en 2005.
Compte tenu de la baisse des crédits, les CAD sont donc dorénavant limités à la culture biologique, à la filière ovine et aux mesures agro-environnementales.
Ainsi, les exploitations céréalières du nord de la Loire continueront-elles à financer les CAD à travers la modulation, sans pouvoir y accéder puisqu'elles ne seront plus éligibles à ce dispositif. Pourtant, elles sont elles-mêmes soumises à de fortes contraintes environnementales au travers de l'utilisation des engrais - notamment l'azote - et des produits phytosanitaires.
Les CAD, comme les feus CTE, avaient pourtant pour objet le financement de mesures environnementales, ce qui constituait une compensation financière à ces contraintes pour les exploitations.
L'Oise, compte tenu des crédits qui lui sont octroyés, ne pourra financer que deux CAD pour 2006, monsieur le ministre, alors que ce département en avait financé soixante en 2005 !
Que comptez-vous faire pour permettre à ce département de financer les soixante CAD en attente et le renouvellement des CTE ?
Quelle agriculture réservez-vous à notre pays au-delà de 2013, monsieur le ministre, avec la disparition de ces aides qui font, vous le savez très bien, le revenu des agriculteurs ? La disparition de ces dernières entraînera le dépôt de bilan de milliers d'exploitations.
Une hausse des prix à la production est-elle envisageable alors que, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, l'Europe s'apprête à sacrifier l'agriculture au profit d'intérêts industriels ?
Quels professionnels en France, mes chers collègues, consentiraient, pour une baisse des prix à la consommation, à transformer une partie de leurs revenus en aide publique quand cette aide n'est compensée qu'à 70 % ou à 80 % de son niveau d'origine ?
Monsieur le ministre, il est plus que temps de rassurer la profession, car son moral est tellement bas qu'elle n'a même plus la force de réagir !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, avant de répondre à votre question, je dirai devant la Haute Assemblée deux choses importantes
Premièrement, dans l'affaire de l'OMC, il ne faut pas être pessimiste. La France est mobilisée, et nous ne sommes pas tout seuls : il y a autour de nous une majorité d'États européens pour résister aux volontés de M. Lamy, à l'action du G20 et à celle d'un certain nombre de pays du groupe de Cairns. J'ajoute que nous n'avons pas l'intention de baisser la garde dans cette affaire !
Ainsi, nous avons résisté à Hong-Kong, au mois de décembre. Les réunions qui devaient se tenir au début du mois de mai à Genève n'ont pu avoir lieu en raison d'un manque d'avancées sur ce dossier, et nous avons l'intention de nous battre jusqu'au bout !
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Dominique Bussereau, ministre. Deuxièmement, en ce qui concerne l'après 2013, je n'en sais pas plus que vous, monsieur le sénateur !
Nous savons simplement qu'une étape intermédiaire de réflexion débutera en 2009-2010.
Le Président de la République a bien obtenu de Bruxelles, à la fin de l'année dernière, que les financements de la politique européenne soient pérennes en ce qui concerne le premier et le deuxième pilier jusqu'en 2013.
Le Parlement européen vient d'ailleurs de voter l'enveloppe pour le deuxième pilier, ce qui fait que nous connaissons d'ores et déjà la réalité de ce dernier jusqu'en 2013.
Il appartiendra ensuite aux gouvernements qui se succéderont après 2007 de se battre pour qu'en 2013 ne soient pas remis en cause les fondements de la politique agricole commune.
En ce qui concerne les CAD, il est vrai que nous disposons de moins d'argent, et pas simplement d'ailleurs en raison de la régulation budgétaire. En effet, dès l'examen du projet de loi de finances, j'ai malheureusement dû accepter une réduction du nombre de CAD.
Comme vous l'avez indiqué - vous connaissez d'ailleurs merveilleusement bien ces sujets -, nous ne pourrons donc dégager que 100 millions d'euros cette année. Nous avons accordé trois priorités : le maintien des pâturages extensifs fondamentaux, la filière ovine et les contrats d'agriculture biologique.
En 2003, M. Hervé Gaymard, alors ministre de l'agriculture, a créé la prime herbagère agri-environnementale, la PHAE. Les agriculteurs engagés depuis plusieurs années dans des contrats de gestion extensive de système herbager, prime à l'herbe puis contrat territorial d'exploitation peuvent donc souscrire une PHAE à l'issue de leur CTE.
Une enveloppe a également été affectée à l'agriculture biologique.
Cette situation explique la diminution de la dotation pour la région Picardie, et donc pour votre département de l'Oise. Néanmoins, de nouveaux investissements sont envisagés.
Comme il était inscrit en loi de finances, un plan végétal pour l'environnement viendra remplacer cette année les volets « investissements » des CAD. Ce plan sera effectif à partir du second semestre, et nous mobiliserons 14 millions d'euros pour répondre aux objectifs de protection de l'environnement, d'investissements spécifiques, d'acquisition d' « agro-équipements environnementaux ».
Ce plan végétal pour l'environnement, qui avait été annoncé par le Premier ministre à l'automne dernier à Rennes au salon SPACE, le salon des productions animales-Carrefour européen, pourra se mettre en place dans votre département de l'Oise.
Enfin, nous mettrons en oeuvre le règlement de développement rural 2007-2013. En la matière, vous connaissez le choix du Gouvernement : 50 % de crédits déconcentrés, le maintien, dans la part nationale, de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, de l'installation des jeunes et de la politique de la forêt.
Là encore, les préfets de région recevront un mandat afin de bâtir le volet déconcentré de la programmation. Une enveloppe suffisante du FEADER, le fonds européen agricole pour le développement rural, sera mise en place, à laquelle s'ajouteront des crédits nationaux. De cette manière, un certain nombre de mesures nouvelles pourront être mises en oeuvre dans votre région.
J'ajoute, monsieur Vasselle - mais vous connaissez mieux que moi la mécanique financière du Sénat -, que si, au moment de l'examen du projet de loi de finances rectificative, nous parvenons à dégager des moyens supplémentaires ou à obtenir des dégels en cours d'année, je les consacrerai en priorité aux CAD. Naturellement, je penserai aux départements qui ont été mal servis, comme celui de l'Oise que vous représentez.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier des éléments de réponse que vous avez bien voulu porter à la connaissance de la Haute Assemblée. Je ne manquerai pas de m'en faire écho auprès de la profession agricole de mon département.
Quelques-unes de ces informations sont de nature à apaiser les inquiétudes. Des mesures de substitution permettront en effet aux agriculteurs qui ne seront plus éligibles au CAD de pouvoir bénéficier du plan végétal pour l'environnement et des mesures agro-environnementales.
J'entends bien que vous attendez du collectif budgétaire la possibilité d'obtenir des crédits supplémentaires pour les CAD qui n'ont pas pu être financés jusqu'à présent.
Toutefois, je souhaite que le collectif budgétaire ainsi que la prochaine loi de finances permettent d'aller au-delà des crédits qui seront mobilisés en faveur du plan végétal pour l'environnement. En effet, 14 millions d'euros pour financer des mesures agro-environnementales pour tous les professionnels agricoles du nord de la Loire, c'est bien peu à côté des 100 millions d'euros réservés au CAD !
J'ai également conscience que votre marge de manoeuvre est très étroite et que vous dépendez totalement de la politique européenne.
J'entends bien également que vous-même et le Président de la République faites preuve de la plus grande fermeté afin de ne pas sacrifier les intérêts de l'agriculture française.
Enfin, je souhaite appeler votre attention sur un point, mais je ne sais pas comment vous pourriez le graver dans le marbre.
Je sais que l'Europe offre la possibilité aux États qui le souhaitent de pouvoir faire passer la modulation de 5 % à 25 %. Or ma grande crainte est que, dans les années à venir, l'un des gouvernements qui succèdera à celui auquel vous appartenez ne soit tenté d'utiliser cette marge de manoeuvre. Il ne faudrait surtout pas que cela se produise, et nous ferons tout pour l'éviter. À défaut, l'agriculture française serait mise à mal et se retrouverait en sérieuse difficulté : non seulement la trésorerie des exploitations serait consommée, mais en plus on commencerait à creuser le trou !
Je sais que vous avez conscience de tout cela, monsieur le ministre. C'est pourquoi je vous remercie de tout faire pour continuer à défendre avec le talent qui est le vôtre l'intérêt de la profession agricole.
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