Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC-UDF) publiée le 25/05/2006
Mme Anne-Marie Payet rappelle à M. le ministre de la santé et des solidarités qu'à la Réunion 490 décès par an en moyenne sont liés au tabac par cancer des voies aériennes, bronchites chroniques et cardiopathies ischémiques. Le fumeur réunionnais fume en moyenne 14 cigarettes par jour. En 2001, l'INSEE a estimé à 155 700 le nombre de fumeurs réunionnais contre 186 900 en 2004. Depuis 2003, les efforts du Gouvernement dans la lutte contre le tabac se sont traduits par une série de hausses fiscales (augmentation de 40% du prix du paquet de cigarettes en métropole entre janvier 2003 et janvier 2004). Durant cette période, l'augmentation des prix a été moins marquée à la Réunion puisque le département appliquait déjà depuis 2001 la taxation minimale. L'augmentation des prix a entraîné une baisse des ventes de cigarettes, elle s'est traduite par une baisse de 8% de la production (800 000 cigarettes locales produites en 1997 contre 100 000 en 2004) et de 11% des importations (700 000 cigarettes importées en 1997 contre 200 000 en 2004). Elle souhaiterait attirer son attention sur un phénomène qui la préoccupe tout particulièrement et qui concerne les pratiques réunionnaises de vente de tabac car la loi régissant la profession de débitant de tabac en métropole ne s'applique pas à la Réunion. Il s'agit de la vente de tabac dans les commerces de proximité, dans les stations de service, ainsi que par le biais des distributeurs automatiques de cigarettes. Ces procédures de vente de tabac sont dangereuses, surtout pour les jeunes réunionnais, et notamment pour les mineurs pour lesquels les distributeurs automatiques sur la plage ou dans des clubs de sport facilitent l'achat discret de cigarettes. Ces dérives commerciales conduisent à vulgariser un produit toxique en le banalisant Elle rappelle que le Gouvernement s'est engagé en 2002 dans une politique déterminée dans la lutte contre le cancer qui se concrétise le 24 mars par le plan cancer annoncé par le Président de la République. Au regard de cette situation spécifique à la Réunion, elle se demande s'il ne faudrait pas supprimer rapidement ces pratiques commerciales déviantes puisqu'elles sont interdites en métropole et qu'elles sont en contradiction avec les mesures prises par le Gouvernement dans la lutte contre le tabagisme.
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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 11/10/2006
Réponse apportée en séance publique le 10/10/2006
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 1062, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Mme Anne-Marie Payet. Ma question porte sur les conditions de vente de tabac à la Réunion.
Monsieur le ministre, si les Réunionnais fument en général moins que les métropolitains, près de 500 décès par an sont dus au tabac, ce qui représente cinq fois le nombre de tués sur les routes.
Le nombre de fumeurs à la Réunion est estimé à 200 000. En 2005, 800 millions de cigarettes ont été mises sur le marché. Le fumeur réunionnais fume en moyenne quinze cigarettes par jour. En 2005, la production locale de cigarettes a connu une relance de 9 %, après une chute de 21 % entre 2003 et 2004, période durant laquelle le tabac a été fortement taxé par le conseil général.
Ces dernières années, une augmentation du taux féminin de mortalité dû au tabac a été observée dans des proportions plus importantes qu'en métropole.
Au-delà de ces chiffres, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un phénomène qui me préoccupe tout particulièrement, à savoir les pratiques réunionnaises de vente de tabac.
En effet, la loi régissant la profession de débitant de tabac en métropole ne s'applique pas à la Réunion. Les buralistes réunionnais n'ont pas besoin de licence, contrairement à la métropole où l'attribution se fait de façon très stricte. La vente de tabac est donc possible dans tous les commerces de proximité : boulangeries, camions-bars, stations de service. Le tabac est également vendu dans des distributeurs automatiques de cigarettes, même si, pour tenter de limiter les dégâts, un arrêté préfectoral précise que « les distributeurs de tabac ne peuvent être installés qu'à l'intérieur d'un commerce ou d'un établissement de restauration ou d'hôtellerie, dans un lieu permettant une surveillance physique facile de leur utilisation ».
Ces procédures de vente de tabac sont dangereuses, surtout pour les jeunes Réunionnais, notamment pour les mineurs. Les distributeurs automatiques sur les plages ou dans les clubs de sport facilitent en effet l'achat discret de cigarettes. Ces dérives commerciales conduisent à vulgariser un produit toxique en le banalisant.
Monsieur le ministre, je me réjouis grandement de l'interdiction de fumer dans les lieux publics que vient d'annoncer M. le Premier ministre et qui sera effective le 1er février 2007. Dès lors, ne faudrait-il pas mettre fin rapidement aux pratiques commerciales déviantes à la Réunion, qui n'existent pas en métropole et qui sont en contradiction avec les mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre le tabagisme ?
Mon collègue Jean-Paul Virapoullé a déjà sensibilisé M. le ministre de la santé et des solidarités sur ce dossier en avril 2006. Celui-ci a alors indiqué qu'il conviendrait d'examiner dès l'automne - nous y sommes ! - avec la Direction générale des douanes et des droits indirects si une extension du monopole de la vente du tabac à la Réunion et dans les départements d'outre-mer en général pouvait être envisagée.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, le Président de la République a fait de la lutte contre le cancer l'un des grands chantiers de son quinquennat. Le Premier ministre a annoncé, dimanche dernier, des mesures nouvelles pour éviter que les non-fumeurs ne soient exposés au tabagisme passif : il sera désormais interdit de fumer dans les lieux publics. Le Gouvernement est donc particulièrement sensible à la question que vous venez de soulever.
Effectivement, 500 décès par an sont imputables au tabac à la Réunion sur la période 1999-2001, ce qui représente 13 % des décès sur l'île. Une tendance heureuse à la diminution du nombre de décès liés au tabac est observée grâce à une baisse de la consommation due à une forte hausse des prix des cigarettes.
La proportion des fumeurs dans la population est passée de 47% en 2000 à 35 % en 2004. Les ventes de substituts nicotiniques ont doublé par rapport à 2002. Nous sommes donc sur la bonne voie !
Mais il est vrai que, à l'heure actuelle, il n'existe pas de monopole de la vente au détail de tabac manufacturé ni à la Réunion ni dans les départements d'outre-mer. Tous les commerçants sont donc autorisés à vendre du tabac. La vente des produits du tabac au moyen de distributeurs automatiques n'est pas formellement interdite, contrairement à la métropole. Je comprends donc votre préoccupation, madame la sénatrice.
Le Gouvernement vous a déjà fait part de sa disponibilité pour étudier dès maintenant, avec la Direction générale des douanes et des droits indirects, administration compétente sur ce sujet, si une extension à la Réunion et aux départements d'outre-mer du monopole peut être envisagée.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Les derniers chiffres dont nous disposons montrent que les femmes sont de plus en plus touchées par les cancers liés au tabac et que les enfants des fumeurs consultent trois fois plus un pédiatre que ceux des non-fumeurs.
Je ne comprends donc pas cette différence législative entre la Réunion et la métropole. Il faut absolument régler ce problème très rapidement.
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