Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - UMP) publiée le 06/07/2006

Mme Catherine Procaccia attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur les conditions d'application de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

S'inscrivant dans le cadre de la réforme de l'ensemble de notre système de santé, la loi de santé publique devait mettre en relief une politique de prévention ambitieuse, notamment par l'insertion d'un message sanitaire dans le cadre des campagnes de promotion de produits alimentaires en vertu de l'article 2133-1 du code de la santé publique.

Cet article dispose désormais que les messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés en faveur de boissons avec ajout de sucres, de sel ou d'édulcorants de synthèse et de produits alimentaires manufacturés, émis ou diffusés à partir du territoire français et reçus sur ce territoire, doivent contenir une information à caractère sanitaire validée par l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) et l'Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé (INPES). La même obligation d'information s'impose aux actions de promotion de ces boissons et produits.

Les annonceurs peuvent déroger à cette obligation sous réserve du versement d'une contribution au profit de l'INPES qui financera la réalisation et la diffusion d'actions d'information et d'éducation nutritionnelles.

Mais, les modalités d'application de l'article L. 2133-1 du code de la santé publique devaient être déterminées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l' AFSSA et de l'INPES et après consultation du bureau de vérification de la publicité. Or, deux ans après l'adoption de la loi, aucun décret n'est paru sur ce point.

Elle lui demande en conséquence dans quels délais paraîtra le décret d'application de l'article L. 2133-1 du code de la santé publique, indispensable à la mise en œuvre des messages sanitaires relatifs à la promotion des produits alimentaires et par la même au renforcement de la lutte contre l'obésité.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 26/10/2006

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2006

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1094, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je voudrais évoquer le « programme national nutrition-santé », après cinq années d'expérimentation, dont personne ne peut, me semble-t-il, nier la réussite.

Ce programme a instauré, avec succès, une nouvelle politique nutritionnelle. Ce n'était pas facile, car toucher à la nutrition, c'est toucher directement à notre identité, à la façon dont nous avons été élevés, à notre culture, aux gestes que nous ont transmis nos parents. Cette question était beaucoup plus personnelle qu'il n'y paraissait, et il fallait faire en sorte que le message de santé publique ne paraisse pas trop moralisateur.

C'est maintenant chose faite puisque ce programme a replacé la question de la nutrition au coeur de la société et de notre vie quotidienne. Ainsi, selon un sondage TNS SOFRES, 57 % des Français considèrent aujourd'hui que la lutte contre l'obésité est la première des priorités des industriels.

Pour ma part, je veux insister sur le fait que la lutte contre l'obésité ou contre l'augmentation des risques cardiovasculaires doit être le fruit d'efforts partagés entre les industriels et les consommateurs, car il n'y a pas, d'un côté, les méchants et, de l'autre, les gentils. Les individus sont les premiers concernés et ils doivent, eux aussi, faire des efforts.

Si ce premier programme national a rempli son objectif de sensibilisation, il faut maintenant mettre en place les outils nécessaires pour assurer une réelle information des consommateurs. Ce n'est que sous cette condition que la politique de prévention pourra avancer.

C'est pourquoi je souhaiterais aborder avec vous, monsieur le ministre, la question de l'application de l'article L. 2133-1 du code de la santé publique.

En vertu de cet article, « les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d'édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire. [...] La même obligation d'information s'impose à toute promotion, destinée au public, par voie d'imprimés et de publications périodiques édités par les producteurs ou distributeurs de ces produits. Les annonceurs et les promoteurs peuvent déroger à cette obligation sous réserve du versement d'une contribution dont le produit est affecté à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Cette contribution est destinée à financer la réalisation et la diffusion d'actions d'information et d'éducation nutritionnelles, notamment dans les médias concernés ainsi qu'au travers d'actions locales ».

Les modalités d'application de cet article devaient être déterminées par décret en Conseil d'État. Or, deux ans après l'adoption de cette loi, aucun décret n'est paru.

J'aimerais donc savoir quand paraîtra ce décret, monsieur le ministre, et quelles mesures vous comptez prendre pour éviter que les industriels ne choisissent de s'exonérer de leurs responsabilités en payant une contribution plutôt qu'en diffusant des messages sanitaires, car cette dérive constitue un vrai risque.

Je n'étais pas parlementaire, monsieur le ministre, lorsque a été votée la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, et j'ignore les raisons qui ont présidé à la mise en place de cette dérogation. J'observe cependant que, chaque fois qu'un tel mécanisme a été mis en oeuvre, c'est la solution de l'amende qui a été préférée à l'application de la réforme. Il n'est besoin que de citer, entre autres, l'obligation de recruter des travailleurs handicapés au sein des entreprises tout comme la parité en politique. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, je ferai observer à propos de l'emploi des handicapés que, si nombre d'entreprises versent en effet une contribution parce qu'elles n'atteignent pas la proportion de 6 % de personnes handicapées dans leur effectif, la loi de 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés qu'avait voulue le Premier ministre de l'époque, M. Jacques Chirac, a permis d'atteindre un taux, certes insuffisant et qui doit continuer d'augmenter, d'un peu plus de 4 %. La loi du 11 février 2005 renforce encore cet effort afin que les entreprises préfèrent effectivement l'emploi de personnes handicapées au versement d'une contribution.

Nous progressons donc, même s'il a fallu du temps, même s'il a fallu renforcer les dispositions de la loi de 1987 dans la loi de 2005, texte que vous avez voté puisque alors vous étiez déjà parlementaire ; et je vous remercie du soutien que vous avez apporté à l'élaboration de cette grande loi de la République.

En ce qui concerne la publicité alimentaire, tout autre sujet, la loi prévoit que les messages publicitaires « doivent contenir un message à caractère sanitaire » ; à défaut, les annonceurs versent une contribution financière de 1,5 % du prix de la publicité. Cet argent, versé à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES, est « destiné à financer la réalisation et la diffusion d'actions d'information et d'éducation nutritionnelles, notamment dans les médias concernés ainsi qu'au travers d'actions locales ».

Avec cette mesure, la France a enfin trouvé une troisième voie novatrice entre l'interdiction pure et simple de toute publicité alimentaire télévisée aux heures d'écoute des enfants, comme cela se pratique au Québec ou dans les pays scandinaves, et un laisser-faire susceptible de pervertir les comportements alimentaires des enfants. Cette innovation française pourrait faire école : l'OMS vient en effet de nous contacter à ce sujet pour pouvoir la diffuser dans d'autres pays.

Comme le prévoit la loi, les messages sanitaires deviendront bel et bien obligatoires sur les publicités alimentaires. Ils commenceront d'être diffusés le 1er février 2007 à la télévision, à la radio, dans la presse, sur les affiches publicitaires, mais aussi dans les brochures de la distribution, et reprendront les recommandations du programme national nutrition-santé, pour lutter contre ce phénomène de plus en plus inquiétant qu'est l'obésité.

Les industriels pourront effectivement, et c'est bien là le problème que vous soulevez, choisir d'apposer ces messages sur les produits ou préférer s'acquitter de la contribution déjà évoquée. Notre objectif est bien entendu qu'ils s'engagent en faveur de l'éducation nutritionnelle en optant pour la présence des messages sanitaires, mais la formule que nous avons retenue, en pénalisant l'absence de ces messages, est certainement la plus efficace que nous puissions mettre en place.

Dans la préparation des textes d'application de cette mesure, le Gouvernement a fait le choix de la concertation et a obtenu l'adhésion de l'immense majorité des acteurs concernés, de la société civile à l'industrie agroalimentaire ou au monde de la publicité.

Ces textes d'application ont été validés au début de l'été et transmis en août à la Commission européenne - c'est une exigence incontournable. Ils seront transmis au Conseil d'État dans les jours qui viennent, une fois reçus les derniers avis formels prévus par la loi. Ils pourront donc être publiés très rapidement.

Cette mesure d'éducation ne saurait être efficace si elle reste isolée. C'est pourquoi nous avons souhaité l'inscrire dans une politique d'ensemble de prévention nutritionnelle, comme vous le recommandez, madame : c'est le deuxième programme national nutrition-santé, que M. Xavier Bertrand a annoncé le 6 septembre dernier. Grâce à ce programme, l'INPES consacrera 10 millions d'euros par an aux campagnes de communication en direction de quatre cibles : enfants, personnes âgées, professionnels de santé, professionnels médico-sociaux. Ainsi se développera une information qui sera de nature à faire reculer le fléau de l'obésité dans notre pays.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je suis heureuse de savoir que le décret va bientôt sortir et que les dispositions en question s'appliqueront à partir du mois de février 2007, soit dans quelques mois. Comme vous, je souhaite que ce programme soit efficace, et je ne doute pas qu'il bénéficiera du financement nécessaire puisqu'une taxe est prévue à cet effet.

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