Question de M. DOLIGÉ Éric (Loiret - UMP) publiée le 19/10/2006
M. Éric Doligé souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur les problématiques liées à la retraite des fonctionnaires dans le cadre du transfert des personnels de l'Etat faisant suite à la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales. Afin de pouvoir garantir aux agents transférés l'instruction de leurs dossiers de retraite, il souhaiterait savoir quels seront les moyens dont la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) disposera pour faire face à l'instruction des dossiers des personnels transférés, soucieux de garanties sur leur calcul de droits à pension. En ce qui concerne les agents en détachement de l'Etat, il souhaiterait savoir si, contrairement à la position administrative actuelle, la nouvelle bonification indiciaire sera finalement prise en compte dans l'assiette de calcul de la pension de retraite. Par ailleurs, il souhaite également savoir s'il est dans les intentions du Gouvernement de garantir, dans le calcul des pensions, la prise en compte des années de non-titulaire qui auraient précédé la stagiairisation des agents de l'Etat. Enfin, il souhaite savoir selon quelles modalités la CNRACL est en mesure de garantir, pour les personnels relevant de la catégorie active (pénibilité, métiers à risque), le bénéfice de la limite d'âge appliquée dans leur corps d'origine.
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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 22/11/2006
Réponse apportée en séance publique le 21/11/2006
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, auteur de la question n° 1145, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
M. Éric Doligé. Madame le ministre de l'écologie et du développement durable, ma question s'adresse à votre collègue ministre délégué aux collectivités territoriales, mais votre connaissance des collectivités territoriales vous facilitera les choses pour me répondre sur ce sujet très technique.
Je souhaite vous faire part de diverses inquiétudes, fort légitimes, des collectivités locales quant à l'avenir des comptes de la CNRACL, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, avenir qui aura certainement une incidence, à moyen et long terme, sur les finances des collectivités territoriales, ainsi que sur celles des établissements de soins et de santé.
Le fonctionnaire de l'État ayant opté pour le statut de fonctionnaire territorial relèvera, pour sa retraite, de la CNRACL, laquelle devra lui verser une pension pour l'ensemble de sa carrière dans la fonction publique.
En clair, ces fonctionnaires - probablement plus de 100 000, selon les données actuelles - auront cotisé durant la première partie de leur carrière au titre des pensions civiles et militaires.
Cependant, le régime de l'État, qui aura perçu ces cotisations, ne servira pas les prestations correspondantes, lesquelles seront servies par la CNRACL, alors même qu'elle n'aura pas reçu les cotisations pour la période considérée.
La somme en jeu représente probablement plus de 10 milliards d'euros, que les collectivités locales auront à payer par le biais de leurs cotisations. Une compensation est-elle prévue sur ce point ?
Ensuite, avec quels moyens la Caisse pourra-t-elle garantir aux agents transférés l'instruction de leur dossier de retraite ? En effet, cette dernière est tenue de communiquer à ses cotisants des informations précises sur leur retraite, à partir de relevés de carrière dont les éléments lui sont transmis par les employeurs. Les collectivités locales disposeront d'un délai de six mois pour faire remonter à la Caisse les données relatives à leurs agents, ce qui représentera un surcroît de tâches considérable pour leurs services.
Par ailleurs, s'agissant des agents en détachement de l'État, contrairement à la position administrative actuelle, la nouvelle bonification indiciaire sera-t-elle finalement prise en compte dans l'assiette de calcul de la pension de retraite ?
D'autre part, est-il dans les intentions du Gouvernement de garantir, dans le calcul des pensions, la prise en compte des années de non-titulaire qui auraient précédé la période de stage des agents de l'État ? Il semble que les agents ayant opté pour la fonction publique territoriale régularisent leurs cotisations pour la période où ils étaient agents contractuels en les versant au régime de l'État, alors que c'est la CNRACL qui servira la retraite correspondante.
Je souligne également que l'intégration de la population décentralisée, dont l'âge moyen est légèrement plus élevé que celui des cotisants actuels de la CNRACL, aura pour conséquence d'augmenter rapidement le montant des prestations versées, qui dépassera celui des cotisations au cours des années 2015 à 2020 et donnera lieu à un appel de cotisations complémentaires.
La Caisse anticipe également des dépenses supplémentaires d'allocations, en particulier pour les allocations temporaires d'invalidité et les arrêts de travail. Selon les premières études, l'accroissement des prestations avoisinerait 10 %.
Enfin, selon quelles modalités la Caisse nationale est-elle en mesure de garantir pour les personnels relevant de la catégorie active - pénibilité, métiers à risque -, le bénéfice de la limite d'âge appliquée dans leur corps d'origine ?
Telles sont, madame le ministre, les questions quelque peu complexes que je souhaite vous poser.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, les agents transférés dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales et qui opteront pour l'intégration dans la fonction publique territoriale seront affiliés à la Caisse nationale de retraites des collectivités locales.
En 2005, la Caisse dénombrait 1 849 182 cotisants. À supposer que les 125 000 fonctionnaires transférés optent pour l'intégration dans la fonction publique territoriale, cela se traduirait par une augmentation d'environ 7 % des affiliés de la Caisse. En réalité, nous n'atteindrons pas ce chiffre. Tout porte à croire que les personnels en fin de carrière opteront plutôt pour le détachement et que les personnels plus jeunes demanderont leur intégration.
Comme vous le savez, l'exercice du droit d'option s'échelonnera, respectivement, jusqu'au 31 décembre 2007 pour les fonctionnaires du ministère de l'Éducation nationale et jusqu'au 31 décembre 2008 pour les personnels du ministère de l'équipement. Les affiliations à la CNRACL, pour ceux qui opteront pour l'intégration, s'échelonneront jusqu'au 1er janvier 2009.
La gestion de la Caisse de retraite est assurée par la Caisse des dépôts et consignations. De par le mandat qui lui est confié, cette dernière doit mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la gestion du régime de retraite, tant en personnel qu'en matériel.
S'agissant des agents qui opteront pour le détachement, conformément à l'article 71 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, la retenue pour pension sera calculée sur le traitement afférent à l'emploi de détachement. Pour tirer toutes les conséquences de cette disposition, un projet de décret sera prochainement soumis au Conseil d'État, décret tendant à préciser, dans le code des pensions, que le traitement à prendre en compte pour la liquidation de la retraite est celui afférent à l'emploi de détachement.
En ce qui concerne la nouvelle bonification indiciaire, la NBI, qui est prise en compte pour le calcul de la pension de retraite, l'article 3 du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la NBI à certains personnels de la fonction publique territoriale, précise qu'elle continue à être versée aux fonctionnaires de l'État détachés qui ne peuvent bénéficier, à la date de leur détachement, d'une NBI équivalente dans la fonction publique territoriale.
La retraite des fonctionnaires de l'État ayant opté pour le statut de fonctionnaire territorial sera liquidée par la CNRACL, qui leur versera une pension pour l'ensemble de leur carrière dans la fonction publique, État et collectivité territoriale confondus. Seront pris en compte les services effectués en tant que titulaire, en tant que stagiaire, ainsi que les services de non-titulaire qui auront été validés.
Je vous rappelle que, depuis la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, la validation des services de non-titulaire doit être demandée dans les deux années qui suivent la date de la notification de la titularisation. Toutefois, à titre transitoire, les fonctionnaires titularisés avant le 1er janvier 2004 ont jusqu'au 31 décembre 2008 pour demander la validation de leurs services.
Cette règle est applicable à tous les fonctionnaires des trois fonctions publiques.
Il n'apparaît pas que des dispositions particulières soient à prendre pour les agents transférés, cette règle s'appliquant aussi bien à ceux qui choisiront d'être intégrés dans la fonction publique territoriale qu'à ceux qui opteront pour la conservation du statut de fonctionnaire de l'État.
La loi du 13 août 2004 a évidemment pris en compte la situation particulière des personnels transférés, dont les emplois sont classés en catégorie active. L'article 111 prévoit que ceux d'entre eux qui opteront pour l'intégration conserveront le bénéfice de ce classement et pourront même compléter la durée des services effectifs exigée au sein de la fonction publique territoriale s'ils exercent des fonctions de même nature. Ils conserveront donc la possibilité de partir en retraite à cinquante-cinq ans.
Selon l'instruction commune du 7 juillet 2006 que les ministères de tutelle ont adressée à la CNRACL, cette dernière devra s'assurer que les fonctionnaires concernés sont détenteurs d'un justificatif de la direction des ressources humaines de leur ministère d'origine, attestant leur appartenance à la catégorie active, ainsi que la durée des services effectués dans cette catégorie. Le cas échéant, la Caisse pourra demander aux employeurs territoriaux une attestation certifiant que les agents concernés ont exercé, pendant le temps requis dans la fonction publique territoriale, des fonctions de même nature que celle qu'ils exerçaient antérieurement dans la fonction publique d'État.
Dès lors que ces pièces auront été produites, les fonctionnaires concernés conserveront le bénéfice de la limite d'âge appliquée dans leur corps d'origine.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Madame le ministre, j'ai obtenu les réponses que je souhaitais entendre sur la quasi-totalité de mes questions.
Toutefois, je pense que l'on sous-estime actuellement le nombre de fonctionnaires de l'État qui passeront au service des collectivités locales. En effet, le premier transfert, qui a été décidé au 31 août, montre que 80 % des agents ont fait jouer leur droit d'option, soit plus de 100 000 fonctionnaires.
À l'évidence, ce résultat est source de satisfaction pour les collectivités locales, qui constatent que les fonctionnaires sont heureux de les rejoindre. En revanche, un problème se pose au regard de l'équilibre entre les régimes.
En effet, précédemment, un équilibrage naturel s'opérait entre la CNRACL et le régime des pensions civiles et militaires, quelques milliers de fonctionnaires passant tous les ans de l'un à l'autre.
Désormais, nous devons nous préparer à affronter un déséquilibre considérable, puisque 100 000 fonctionnaires vont probablement intégrer la fonction publique territoriale : on estime que, dans une dizaine d'années, la CNRACL sera potentiellement en déficit de plus de 10 milliards d'euros, ce qui la conduira à augmenter prochainement les taux de cotisation applicables aux collectivités locales, de même, sans doute aussi, d'ailleurs, que les taux applicables au personnel hospitalier.
En fin de compte, ce sont les collectivités locales qui seront obligées d'apporter la somme nécessaire pour équilibrer les régimes. Il me semble donc indispensable, dans le cadre de la décentralisation, de mener une réflexion sur cette question.
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