Question de Mme DEMONTÈS Christiane (Rhône - SOC) publiée le 26/10/2006
Mme Christiane Demontès attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la catastrophe humanitaire du Darfour.
Depuis plus de trois ans, la population du Darfour est en danger.Les violences qu'elle subit sont à l'origine de plus de 200 000 tués. Ce sont plus de deux millions de personnes sans distinction d'âge ou de sexe qui ont dû fuir leur pays. Au mois d'août dernier, les troupes soudanaises ont lancé une offensive contre les troupes rebelles de cette région. Ces armées gouvernementales et les milices Janjawids massacrent, violent, pillent et déplacent de force les civils. En cela, elles sont accusées de crime contre l'humanité. L'ONU a adopté tardivement la résolution 1706 appelant au déploiement d'une force de maintien de la paix de l'ONU au Darfour. Lors d'une récente visite du ministre britannique pour la coopération internationale et envoyé spécial britannique pour la paix au Soudan, le Président soudanais a réitéré que son pays refusait l'application de cette résolution.
Au regard de ce qu'il est convenu d'appeler une véritable catastrophe humanitaire et que d'autres observateurs qualifient de "premier génocide du 21° siècle", elle lui demande quelle initiative le Gouvernement entend très rapidement prendre, afin que cette tuerie cesse et que le déploiement des troupes onusiennes, tel que prévu dans la résolution 1706, soit rendu effectif.
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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 05/04/2007
Le Darfour est confronté à des violences multiformes, de la part de toutes les parties, à l'encontre des civils mais aussi des travailleurs humanitaires. La généralisation du banditisme a succédé aux affrontements entre les rebelles et les éléments contrôlés par Khartoum, tandis que l'aviation soudanaise poursuit ponctuellement ses bombardements. Les motifs politiques, tribaux, économiques et militaires s'entrecroisent désormais, dans un contexte d'éclatement des rébellions et d'extension de la présence des milices janjaouid. Il en résulte de nouveaux mouvements de déplacés (46 000 pour le seul mois de janvier) et des restrictions à l'accès humanitaire sans équivalent depuis fin 2004. L'arrivée au Darfour de réfugiés tchadiens, ainsi que l'augmentation considérable du nombre de déplacés internes au Tchad (désormais 120 000) constituent de nouveaux enjeux humanitaires pour la communauté internationale. Au total, le conflit aurait déjà fait, au Darfour depuis 2004, plus de 200 000 morts, et entraîné le déplacement de 2,25 millions de personnes (2 millions de déplacés internes et 250 000 réfugiés au Tchad). Dans ces conditions particulièrement difficiles, nous nous efforçons, avec nos partenaires de la communauté internationale, de promouvoir les actions suivantes : 1. Accélérer le déploiement sur le terrain d'une force hybride, placée sous l'égide de l'ONU et de l'Union africaine (UA) et dont le mandat sera tourné vers la protection des civils et la sécurisation de l'aide humanitaire. Cette force succédera à l'AMIS, déployée sur le terrain par l'UA depuis 2004 et forte de plus de 7 000 hommes. Le président soudanais y a donné son accord de principe en décembre 2006, dans une lettre au secrétaire général des Nations unies (SGNU). Pour l'heure, l'ONU achève de mettre en oeuvre une première série de mesures de renfort de la force militaire de l'UA. Fin janvier 2007, le SGNU a présenté aux autorités soudanaises le contenu d'un second volet de soutien de l'ONU à la force africaine au Soudan (AMIS), qui devrait porter à plus de 2 000 le nombre de casques bleus présents au Darfour et permettre aux soldats de l'AMIS de disposer de capacités de projection tactique aéroportée. Toutefois, les autorités soudanaises ont marqué des réserves à un tel dispositif, ce qui contraint à de nouvelles discussions. 2. Poursuivre le soutien humanitaire aux populations déplacées et réfugiées, qui représente la plus importante opération de ce type au monde, avec la mobilisation de près de 80 ONG, de 13 agences des Nations unies et de 14 000 personnels. La France y a déjà contribué à hauteur de 76 millions d'euros depuis 2004, à titre bilatéral et multilatéral ; elle entend poursuivre une participation au niveau qu'exige la gravité de la situation. 3. Rechercher un accord politique le plus large possible entre Khartoum et les rebelles, sans lequel le retour de la sécurité au Darfour n'est pas envisageable. La médiation conjointe engagée par l'ONU et l'UA poursuit ses consultations en ce sens, tandis que d'autres acteurs régionaux, comme l'Erythrée, s'efforcent aussi d'intégrer les parties dans une démarche de négociation. A ce stade cependant, les rebelles sont fortement divisés et engagés dans une compétition pour savoir qui les représentera à la table des négociations. 4. Lutter contre l'impunité des crimes commis au Darfour. C'est à l'initiative de la France que le Conseil de sécurité a saisi la Cour pénale internationale (CPI), en 2005, des événements dans cette partie du Soudan. La mise en cause par le procureur près la CPI de deux responsables présumés constitue un premier pas important. Nous appelons la CPI à poursuivre ses investigations et le Gouvernement du Soudan à lui apporter sa pleine et entière coopération. 5. Contenir les conséquences régionales de la crise du Darfour. La situation reste en effet particulièrement critique dans l'est du Tchad, du fait de la poursuite d'incursions de rebelles soutenus par Khartoum et de la multiplication des violences inter-ethniques. Le nord-est de la Centrafrique (RCA) connaît aussi une volatilité persistante, favorisée par les événements dans les régions voisines du Darfour et du Tchad. A l'initiative du Président de la République, le Sommet Afrique-France de Cannes a été l'occasion d'une rencontre, le 15 février, entre les présidents du Soudan, du Tchad et de la Centrafrique, à l'issue de laquelle ceux-ci ont pris l'engagement de mettre fin aux initiatives de déstabilisation. La réunion de Tripoli, le 21 février, entre les présidents du Soudan, du Tchad, de la Libye et de l'Erythrée, a donné un prolongement à ces échanges. Par ailleurs, conformément à nos attentes, le second rapport du SGNU sur les moyens de faire face à la dimension régionale de la crise du Darfour préconise le déploiement d'une force de l'ONU dans l'est du Tchad et le nord-est de la RCA, avec un mandat principalement tourné vers la protection des civils (réfugiés et déplacés) et la surveillance des mouvements à la frontière. Les consultations se poursuivent, à New York, comme à N'Djamena, sur ce sujet. 6. Enfin, dans l'attente du déploiement de la force hybride au Darfour, il est impératif que la communauté internationale poursuive son soutien financier à la force de l'Union africaine, AMIS. L'Union européenne (UE) a déjà versé plus de 400 millions d'euros (dont 69 millions d'euros mis à disposition par la France) depuis le début de la crise en 2004. Nous avons oeuvré, avec succès, à mobiliser de nouveau nos partenaires et avons obtenu que l'UE débloque plusieurs dizaines de millions d'euros supplémentaires pour l'AMIS dans les toutes prochaines semaines, à partir d'une reconstitution partielle de la facilité de paix européenne pour l'Afrique du 9e Fonds européen de développement. Annexe : contribution de la France au Darfour depuis 2004 : aide humanitaire : 76 millions d'euros ; 21 millions d'euros à titre bilatéral (ONG, agences des Nations unies ; 55 millions d'euros via l'UE ; soutien à la force africaine AMIS : 69 millions d'euros ; 10 millions d'euros à titre bilatéral (aide budgétaire à l'UA et mise à disposition de moyens militaires pré-positionnés au Tchad) ; 59 millions d'euros via l'UE (facilité de paix du 9e FED).
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