Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC-UDF) publiée le 28/12/2006
M. Claude Biwer demande à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales de bien vouloir préciser la suite que le Gouvernement envisage de réserver aux recommandations formulées dans un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale suivant lequel « les transferts de compétences prévus par l'acte II de la décentralisation ont accru les disparités entre collectivités ». Il préconise, notamment, la création de nouveaux outils de péréquation comme par exemple un « mécanisme d'écrêtement des droits de mutation à titre onéreux » très inégalement répartis entre les collectivités territoriales.
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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 31/01/2007
Réponse apportée en séance publique le 30/01/2007
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 1204, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, la fin de l'année 2006 aura été particulièrement riche dans la production de rapports consacrés aux collectivités territoriales : celui qui est présenté par un membre du Conseil économique et social, CES, M. Philippe Valletoux, qui formule des propositions visant à améliorer le système de financement des collectivités, le rapport de M. Pierre Richard sur le thème des dépenses locales et, enfin, celui qui fait l'objet de la question d'aujourd'hui, le rapport d'information présenté par nos collègues députés Marc Laffineur et Augustin Bonrepaux, mesurant les conséquences des transferts de compétences sur les disparités entre collectivités territoriales. C'est bien cette aggravation des disparités qui fait aujourd'hui l'objet de ma question.
J'observe que ce rapport a été cosigné par deux parlementaires issus des rangs de la majorité et de l'opposition, ce qui me semble lui donner plus de force.
Au-delà du bilan financier des transferts de compétences, les rapporteurs affirment que, si ces transferts ont entraîné une augmentation des dépenses des collectivités territoriales - ce qui n'est pas anormal - ils ont également contribué à accroître les disparités entre collectivités, qui se sont aggravées depuis 2004.
Il est précisé dans ce rapport que les handicaps se cumulent et que plusieurs départements ou régions tendent à être perdants sur plusieurs transferts à la fois, en dépit de l'équilibre global à l'échelle du pays. Ce sont bien évidemment ceux qui ont à faire face aux dépenses sociales les plus importantes.
Les départements dont la population est peu importante voient, du fait de leur faiblesse économique, la fraction de leur jeunesse la mieux formée abandonner leur terroir pour s'installer sur les lieux de leur formation, villes universitaires ou grandes villes.
Dans ces départements, le pourcentage de chômage n'est pas plus élevé qu'ailleurs puisque ces jeunes ne sont pas pris en compte dans les statistiques locales.
On est en présence d'un effet de ciseau non négligeable entre les jeunes qui quittent leur terroir et les retraités qui y reviennent, ce qui risque d'aggraver dans les années à venir les difficultés de ces départements, qui financent les mesures sociales.
Il s'agit là, incontestablement, du principal échec de la décentralisation : faute de solidarité réelle entre territoires, les plus forts se renforcent et les plus faibles continuent de s'affaiblir.
Le rapport de nos collègues députés, en soulevant le problème des inégalités, pose, à juste titre, celui de la péréquation : la seconde est supposée corriger les premières mais nous savons bien que cela n'est pas, présentement, le cas.
Afin de remédier à la situation actuelle, ils estiment que la poursuite de l'acte II de la décentralisation suppose la création d'un ou plusieurs nouveaux outils de péréquation entre les ressources dont disposent les collectivités, par exemple, un mécanisme d'écrêtement des droits de mutation à titre onéreux, qui sont, il est vrai, très inégalement répartis entre territoires alors qu'ils progressent en France de façon très importante : plus 800 millions d'euros entre 2004 et 2005. Chacun le sait bien, ces recettes sont bien plus abondantes en Île-de-France ou en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur qu'en Lorraine, compte tenu de la flambée des prix de l'immobilier.
Je précise, à cet égard, que ces droits ont rapporté 49,2 euros par habitant au département de la Meuse en 2005, soit 14 fois moins que pour le département des Yvelines, qui a perçu, de son côté, 684 euros par habitant.
S'agissant du produit global de ces droits, il s'élevait, la même année, à 9,45 millions d'euros pour la Meuse contre 327 millions d'euros pour les Hauts-de-Seine : 34 fois plus, c'est énorme !
J'ajoute que, dans un département comme le mien, nous entretenons 16 mètres linéaires de voirie par habitant, alors que la moyenne en France est de 6 mètres.
En matière de santé, compte tenu des trajets et des impératifs horaires, nous avons besoin, pour intervenir rapidement, d'une ambulance pour 4 800 habitants alors que la moyenne en France est de 9 500.
Je serais heureux que le Gouvernement réserve une suite favorable aux conclusions de ce rapport. Je souhaite qu'au-delà des droits de mutation qui peuvent ne pas être des recettes pérennes, une réflexion s'engage également sur une plus grande péréquation dans la répartition de la dotation globale de financement, DGF, dont le moins que l'on puisse dire est que celle-ci comporte encore de trop nombreuses injustices.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la question de la compensation financière des transferts de compétences donne lieu depuis de nombreux mois à maints débats tant sur le montant de la compensation accordée par l'État que sur l'apparition potentielle de nouvelles inégalités entre les territoires. Cette situation impose d'apporter les clarifications nécessaires. Trois points méritent d'être signalés.
Premièrement, les transferts de compétences effectués au profit des collectivités locales ont fait l'objet d'une compensation financière intégrale.
Le Gouvernement est même allé au-delà de ses obligations législatives et constitutionnelles. En effet, il a accepté pour certains transferts - et lorsque cela était plus favorable aux collectivités - de calculer le droit à compensation, non pas conformément à la loi, c'est-à-dire sur la moyenne des trois années, mais au regard des dépenses réalisées par l'État au cours de la dernière année précédant le transfert.
Au total, l'effort supplémentaire ainsi consenti par l'État s'élève à 157,7 millions d'euros.
S'agissant du RMI, l'État a transféré avec exactitude le montant correspondant à ses propres dépenses de l'année 2003, soit près de 5 milliards d'euros. Mais, conscient des difficultés et des interrogations des collectivités locales, notamment des conseils généraux, il est allé plus loin puisqu'il a dégagé 457 millions d'euros au titre des dépenses de RMI de 2004 et doté le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion de 1,5 milliard d'euros, tout cela venant s'ajouter au droit à compensation.
Au total, il me paraît important de noter que la dépense des départements au titre du RMI pour l'année 2005 sera compensée à hauteur de 93,5 %. On ne peut donc accuser l'« acte II » de la décentralisation de toutes les difficultés rencontrées par certaines collectivités.
Cela me conduit à aborder un second point, en effet très important, celui de la péréquation, qui a d'ailleurs été une priorité pendant toute cette législature.
La révision de la Constitution en mars 2003 a ainsi consacré le principe de la péréquation, puis la loi du 18 janvier 2005 a prévu de consacrer chaque année, de 2005 à 2009, 120 millions d'euros supplémentaires au titre de la dotation de solidarité urbaine. Enfin, les lois de finances pour 2004 et pour 2005 ont simplifié l'architecture des dotations de l'État.
Les départements les plus pauvres ont, comme vous le savez, bénéficié de ce mouvement de solidarité puisque de 2004, année de référence puisque c'est celle de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, à 2006, la dotation de péréquation urbaine est passée de 9,79 euros par habitant à 11,81 euros, ce qui représente tout de même une augmentation de 21 %.
Pour les départements ruraux, la dotation de fonctionnement minimale par habitant a augmenté - M. Jean Boyer ne me contredira pas - de 32 %, passant de 17,93 euros à 23,59 euros.
La question de bon sens qui est posée est en réalité la suivante : faut-il faire encore plus et, surtout, faut-il prévoir un fonds de péréquation alimenté par les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, qui constituent la recette dynamique des conseils généraux ?
Le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale que vous citez préconise la mise en place d'un « mécanisme d'écrêtement des droits de mutation à titre onéreux », ce qui m'amène à faire trois observations.
Première observation, la commission suggère non pas la création d'une taxe additionnelle mais un écrêtement dans les départements les plus riches. Cette proposition est donc sage du point de vue des prélèvements obligatoires, mais serait assez difficile à mettre en oeuvre pour les départements. On sait que tous les dispositifs de péréquation horizontale sont difficiles à créer et plus encore à faire vivre : à l'exception du FSRIF, le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, tous ceux qui ont été créés dans le passé ont été finalement supprimés.
Deuxième observation, et c'est un phénomène nouveau que vous êtes nombreux au sein de la Haute Assemblée à connaître, l'impact de l'évolution des prix de l'immobilier a été visible dans la plupart des départements français, alors qu'auparavant c'était essentiellement l'Île-de-France qui était concernée. L'évolution des DMTO département par département fait ainsi apparaître une évolution moyenne de l'ordre de 75 % depuis 2002, évolution donc assez lourde dont bénéficient, avec des pointes encore plus importantes dans certains d'entre eux, la quasi-totalité des départements. De ce fait, la péréquation du produit des DMTO est moins nécessaire.
Troisième observation, cette proposition n'a pas été vraiment expertisée à ce stade. La commission elle-même n'a pas été très précise dans ses intentions. Quel devrait être le niveau de gestion, national, régional ou interdépartemental, du fonds ? Quelles seraient ses règles de répartition ? En outre, si les critères pour déterminer quels départements peuvent être dits riches sont assez aisés à établir, ils mériteraient sans doute d'être affinés.
Si une réflexion est menée sur ce sujet, elle devra donc être particulièrement concertée.
Je conclurai en signalant que la réforme de la DGF entreprise en 2004 n'a pas fini de produire ses effets péréquateurs. La DGF pour 2007 n'a pas encore été répartie par le comité des finances locales. Mais, cette année encore, l'effort en faveur de la péréquation ne devrait pas se démentir, grâce notamment à la reconduction, que nous avons eu l'occasion d'évoquer dans le débat sur la loi de finances, du contrat de croissance et de solidarité ainsi qu'au maintien à hauteur de 2,5 % de l'indexation de la DGF.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions qu'il me semblait utile de vous apporter.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'apportez. Vous confirmez que les réflexions sont bien engagées au niveau du Gouvernement et nous nous en félicitons. Toutefois, si nous insistons régulièrement sur ce thème, c'est bien parce que les « petits » départements sont aujourd'hui confrontés à des difficultés grandissantes. Je vous ai entendu évoquer ces difficultés et je crois que nous sommes sur une bonne voie.
Pour la gestion du fonds et pour la mise en oeuvre de la péréquation, je me permettrai de dire que le meilleur échelon me paraît devoir être l'échelon national, car, à l'échelon départemental ou régional, nous savons bien, les uns et les autres, ce à quoi nous nous exposons.
La dotation de solidarité urbaine a connu des augmentations beaucoup plus importantes en pourcentage que la dotation de solidarité rurale, raison pour laquelle nous regrettons parfois que le fossé ait tendance à se creuser entre zones rurales et zones urbaines. Nous espérons donc que les mesures que vous préconisez porteront leurs fruits.
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