Question de M. ZOCCHETTO François (Mayenne - UC-UDF) publiée le 05/07/2007

M. François Zocchetto attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les vives inquiétudes exprimées par les syndicats de la profession des experts-comptables et des commissaires aux comptes concernant le secret professionnel en vertu de l'application de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et modifiant en particulier l'article L. 71-1-1, alinéa 1er du code de procédure pénale. En effet, la nouvelle rédaction de cet alinéa oblige l'ensemble des prestataires de services à « remettre des documents intéressant une enquête, sans que puisse être opposée, sauf motif légitime, l'obligation au secret professionnel ». Le secret professionnel, essence même des professions libérales réglementées, doit demeurer protecteur des intérêts des personnes physiques et morales. Le législateur a explicitement prévu trois séries d'exceptions à cette remise obligatoire de documents ou d'informations : le cabinet ou le domicile d'un avocat, les entreprises de presse et le cabinet d'un médecin, d'un notaire, d'un avoué ou d'un huissier. Les cabinets d'experts-comptables et des commissaires aux comptes se trouvent exclus de ces exceptions alors même que ces professions libérales organisées en ordre ou dont le titre est protégé comportent une obligation au secret professionnel résultant de dispositions pénalement sanctionnées. En conséquence, il lui demande de bien vouloir modifier l'article L. 71-1-1 du code de procédure pénale, qui n'a pas manqué de créer un trouble au sein de la profession comptable.

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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 30/08/2007

La garde des sceaux, ministre de la justice, appelle l'attention de l'honorable parlementaire sur la nécessité de concilier le secret professionnel des professions libérales en général et des experts-comptables en particulier, avec les nécessaires investigations menées dans le cadre des enquêtes judiciaires afin de permettre la manifestation de la vérité. C'est à ce titre que le législateur a souhaité clarifier le pouvoir de réquisition des officiers de police judiciaire en modifiant, à l'occasion de l'adoption de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les dispositions des articles 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale. Ces deux articles - le premier applicable aux enquêtes de flagrance et le second applicable aux enquêtes préliminaires - donnent aux enquêteurs le droit de procéder à des réquisitions auprès de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête, sans que le secret professionnel ne puisse leur être opposé, à défaut de motif légitime. Afin d'éviter un détournement de procédure, il est apparu nécessaire de prévoir un dispositif particulier au bénéfice des professions dites protégées c'est-à-dire celles pour lesquelles il était prévu, dès avant la loi du 9 mars 2004, des dispositions particulières destinées à encadrer la réalisation de perquisitions dans leurs locaux professionnels. Ainsi, les avocats, les entreprises de presse, les médecins, les notaires, les avoués ou les huissiers de justice doivent consentir expressément à toute remise de documents intéressant l'enquête, le délit de refus de réponse ne leur étant pas applicable. Les locaux professionnels des experts-comptables ne bénéficiant pas d'une protection particulière, le législateur n'a pas jugé nécessaire de les faire bénéficier des dispositions protectrices de l'article 60-1 in fine. De surcroît, les règles particulières prévues au bénéfice des avocats, des entreprises de presse, des médecins, des notaires, des avoués ou des huissiers de justice ne se justifient pas par leur statut de professions réglementées, mais par le fait que leurs activités sont régies par les principes supérieurs que sont les droits de la défense pour les professions d'avocat, d'avoué et d'huissier de justice, la qualité de dépositaire d'informations relatives à la santé et à l'intimité des personnes pour les médecins, la liberté de la presse pour les entreprises de presse. Il en résulte que, tout comme d'autres professions exerçant dans des domaines économiques ou financiers - mandataires judiciaires, banquiers, assureurs - qui ne bénéficient pas de protection juridique particulière et malgré l'importance des missions qui leur sont confiées, les experts comptables ne peuvent se soustraire aux réquisitions des officiers de police judiciaire ou du ministère public au motif que leur profession serait une profession libérale, organisée en ordre ou dont le titre serait protégé. La communication en justice de documents couverts par secret professionnel n'emporte pas, pour les membres de ces professions, violation du secret professionnel. Aussi, les experts comptables ne peuvent pas opposer l'obligation au secret professionnel à une réquisition émanant d'un officier de police judiciaire ou du procureur de la République.

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